A Ouagadougou, Amadou* avait appris à oublier les regards insistants qui le poursuivent dans la rue, fixant son visage au teint clair et son turban enroulé autour de la tête. Mais depuis quelque temps, cet étudiant de 27 ans originaire de Dori, dans la région du Sahel (nord-est), ne parvient plus à échapper aux invectives à l’université et jusque dans son cercle d’amis. « On me répète que je ressemble à un terroriste. Un professeur m’a même exhorté devant la classe à convaincre mes parents d’arrêter leurs attaques », raconte le jeune Burkinabé issu de la communauté peule, un groupe ethnique majoritaire dans sa région d’origine ravagée par les violences djihadistes. Pour une partie de l’opinion, le raccourci est vite fait. « Nous sommes devenus les premiers suspects », regrette Amadou, amer.

Au Burkina Faso, la stigmatisation et la discrimination ne cessent de s’aggraver contre la communauté peule depuis que certains de ses membres se sont enrôlés au sein de groupes djihadistes. Lundi 12 septembre, l’ONU a exprimé son inquiétude devant « l’augmentation des discours de haine et d’incitation à la violence contre les minorités ethniques », qui se propagent dans ce pays pourtant longtemps considéré comme un modèle de tolérance et de vivre-ensemble dans la région.

Depuis l’apparition, il y a six ans, du premier groupe djihadiste burkinabé, fondé par le prédicateur peul Ibrahim Malam Dicko, Amadou a vu les messages de haine se multiplier sur son compte Facebook. Insultes, menaces, appels au meurtre… Avant, il les effaçait ; désormais, il garde tout. Pas pour porter plainte, mais « pour apprendre à vivre avec, puisque le pire est à venir », présage-t-il tristement, en montrant les messages d’un inconnu qui le harcèle depuis un mois, l’appelant « monsieur le terroriste » et le sommant de quitter le pays.

« Il faut exterminer, il faut tuer »

En août, Amadou n’a pas pu dormir après avoir écouté un enregistrement devenu viral sur WhatsApp. Dans un message de quatorze minutes, un homme appelait à une « épuration ethnique » en réaction à l’irruption d’hommes armés dans le village de Yerefoula (région du Sud-Ouest). « Il faut exterminer, il faut tuer », martelait-il froidement, invitant les habitants à s’unir pour chasser une « minorité complice », accusée de soutenir les terroristes. Au Burkina Faso, où les mariages mixtes sont nombreux et où parler des problèmes entre ethnies reste tabou, le document audio a horrifié. Le gouvernement a aussitôt condamné « des propos d’une extrême gravité, qui n’ont d’équivalence que les dérives de Radio Mille Collines qui ont conduit au génocide rwandais ».

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