Depuis l’attaque, en décembre 2016, de la prison par des éléments armés, se réclamant du groupe djihadiste du Front de libération du Macina du prédicateur islamiste, Amadou KOUFFA, règne un calme précaire dans la ville de Niono et ses environs. Une mission avec l’APM (Les Associations pour le Mali), le week-end dernier, nous a permis de tâter la réalité du terrain et de partager le train-train des populations.
Ce jour, des assaillants avaient pris d’assaut la prison de la ville, blessant au passage deux gardes de prison, avant d’ouvrir les portes des lieux ; permettant à plusieurs dizaines de détenus de s’évader. Une ambiance folle ayant provoqué une véritable psychose au sein de la population, peu habituée à une escalade de la violence.
Cycle infernal
Moins de six mois avant cet assaut violent contre la prison de Niono, en juillet 2016, le poste militaire de Nampala, une localité proche de Niono, a été attaqué par des groupes djihadistes. Une attaque violente et meurtrière ayant fait 17 morts.
« Un malheur n’arrive pas tout seul », dit-on. En janvier 2017, Diabali, une autre localité du proche voisinage, a connu à son tour des raids meurtriers ; faisant de cette zone la cible des groupes terroristes qui bénéficient entre eux des connexions pour commettre des attaques lâches contre les positions de l’armée nationale et même contre les populations.
Illustration de ce cycle infernal de violence meurtrière : le 2 mai 2017, huit soldats maliens avaient trouvé la mort dans une attaque menée par des terroristes à Diabali, toujours dans le cercle de Niono.
L’axe Niono-Diabali-Nampala, huit mois après ces assauts meurtriers des terroristes, retrouve peu à peu son train-train quotidien ; les populations ayant du mal à se défaire du cauchemar vécu. Certes, les populations, ne voulant pas céder à la panique et à la peur, n’ont pas abandonné leurs occupations traditionnelles. Mais, il est évident que le stigmate des attaques terroristes à répétition a lourdement impacté les activités.
L’impact des mesures de sécurité
En témoignent les mesures de sécurité préconisées par les autorités, pour faire face au péril djihadiste, notamment l’interdiction à la circulation des engins à deux roues, mode opératoire très prisé des assaillants, qui viennent rappeler aux populations concernées que la vigilance à toute épreuve est de mise.
Récemment, on a appris que ces mesures de sécurité ont fait leur preuve, particulièrement dans le Ké-Macina où le taux d’attaques terroristes à motos a considérablement baissé. C’est donc tout logiquement que cette interdiction de circulation aux engins à deux roues a été étendue dans la région de Mopti.
Ayant pu canaliser le péril, la mesure d’interdiction vient d’être allégée à Niono, autorisée dans la journée de 6 heures à 18 heures sur l’ensemble du cercle ; histoire, dit-on, de soulager les paysans en cette période d’hivernage.
L’axe du mal
L’axe du mal, dans les limites de Niono, Diabali, Nampala, Dogofri et N’Goma Koura, est quadrillé par la présence des forces de l’ordre. D’ailleurs, on parle de plus en plus de la construction d’un camp militaire à Sokoto, à 75 Km de Niono. On dit dans les causeries que ce camp viendra en renfort au dispositif sécuritaire et militaire érigé depuis pour renforcer la quiétude des populations.
Alors qu’on était au centre d’accueil de Niono, le temps d’une nuitée, dans la ville de Niono, en dépit du calme, le phénomène djihadiste est au cœur de toutes les discussions sensibles. On entend habituellement çà et là, souvent sans confirmation officielle, que les djihadistes ont l’habitude de venir s’approvisionner à l’intérieur de la ville.
Idem pour les rencontres et autres regroupements de masse. Le meeting d’information, au Centre des jeunes, animé par l’APM, n’a pas fait exception. Des intervenants à ce rendez-vous, pour sonner l’alerte, ont dit publiquement que les djihadistes « sont à nos portes ». Ce qui fait peur, ici, c’est que les gens, certainement hébétés par l’ampleur du péril, estiment que « les terroristes continuent de nous voler nos terres, nous finirons par les rejoindre ».
Problème de développement ?
Au-delà de l’insécurité, Niono connaît un autre problème : le manque d’eau potable. Et pour cause ? Grande qu’elle est, fort de ses 103 416 habitants, la ville de Niono est toujours sevrée des services de la SOMAGEP. Un réel paradoxe pour une agglomération grouillante, économiquement parlant, comme Niono. L’eau, étant source de vie, et donc la clef du développement économique, Niono a le plus grand besoin de cette solution-miracle pour ne pas sombrer. D’ailleurs, selon les spécialistes, c’est la pauvreté qui nourrit le terrorisme. Si l’on s’accorde sur cela, on voit très clairement que Niono, en tant que poumon économique de la région, doit rapidement retrouver son lustre d’antan.
« L’un des projets a échoué ici parce que la mairie n’a pas pu payer sa côte part qui était de 20 millions de F CFA. Pourtant, cette même mairie a morcelé des parcelles qu’elle a vendues à coups de millions ». Le dépit de cet opérateur économique de la localité en dit long sur le paradoxe de la précarité de cette zone ; une zone riche par ses potentialités, mais devenue pauvre par manque de perspectives, jusqu’à devenir la cible cachée des djihadistes.
Par Abdoulaye OUATTARA