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Nigeria : “Boko Haram, une combinaison monstrueuse d’Al-Qaïda et de l’Etat islamique”

Mathieu Guidère, islamologue et spécialiste des mouvements islamistes, explique à MYTF1News que le groupe nigérian, autrefois proche d’Al-Qaïda, est aujourd’hui tenté par le “jihad territorialisé” mené par l’Etat islamique. Boko Haram a tué des centaines de personnes depuis le début de l’année.

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Depuis début janvier, le groupe terroriste Boko Haram a lancé une grande offensive à Baga, dans le Nord-Est duNigeria, région qu’il contrôle déjà en grande partie.Ponctuée de massacres de populations civiles, cette offensive aurait fait des centaines de morts.

Professeur des Universités et islamologue, Mathieu Guidère est spécialiste des mouvements islamistes. Il a écrit de nombreux livres sur le monde arabe et musulman. Il décrypte la situation pour MYTF1News.

MYTF1News : Certaines sources font état de 2.000 morts à Baga, le gouvernement évoquant une centaine de victimes. A-t-on une idée plus précise de ce qui se passe sur place et du nombre de victimes ?
Mathieu Guidère : La zone étant soumise à un “black out”, les témoignages directs sont rares et contradictoires. Les chiffres divergent énormément selon les sources.

Ce que l’on sait, c’est que Boko Haram, poursuivant une stratégie d’expansion territoriale, s’est attaqué à plusieurs villages en même temps et que ceux qui ont résisté ou aidé l’armée fédérale ont subi des actions de représailles terribles, avec des mises à mort systématiques. Ce qui est certain, c’est que la stratégie de massacres initiée par Boko Haram continue sans relâche. Et prend même de l’ampleur au Nord-Est du pays.

MYTF1News : Avec ses dernières actions, Boko Haram montre qu’il est de plus en plus fort. Cette montée en force est-elle surtout liée au calendrier électoral pour “frapper fort” avant la présidentielle du mois prochain ?
M.G. : Le contexte électoral n’est en effet pas étranger à cette montée en puissance de Boko Haram. Le groupe profite de ce contexte pour politiser au maximum son action et pour s’imposer dans le débat politique. En outre, les hommes politiques nigérians, du Nord (à majorité musulmane) comme du Sud (à majorité chrétienne), instrumentalisent la question sécuritaire et la lutte contre le terrorisme à des fins électoralistes. Il n’existe en effet pas aujourd’hui un consensus au Nigeria concernant la manière de lutter contre Boko Haram. Et celui-ci en profite pour étendre son pouvoir et multiplier les massacres.

“Boko Haram se finance en taxant les populations locales”

MYTF1News :  Comment Boko Haram continue-t-il à recruter et à se financer ?
M.G. : Boko Haram continue de recruter auprès des populations musulmanes du Nord-Est du pays. Il s’agit de recrutements forcés la plupart du temps, par peur des représailles et des massacres. Mais ces populations sont également prises entre deux feux : celui de l’armée et celui du groupe terroriste. Eles sont donc sommées de collaborer ou de périr.

Boko Haram continue aussi de prospérer sur ce que l’armée abandonne en termes de terrain et d’armes. Il gère également divers trafics sur les territoires qu’il contrôle. Aujourd’hui, il s’oriente de plus en plus vers un financement à la manière de l’Etat islamique (EI) en se substituant au gouvernement fédéral et en taxant les populations locales. Comme le fait l’EI en Syrie et en Irak.

MYTF1News : Justement, sur le plan idéologique, Boko Haram est-il désormais plus proche d’Al-Qaïda que de l’Etat islamique ?
M.G. : Boko Haram était proche d’Al-Qaïda. Il a même bénéficié un temps de l’aide militaire, logistique et financière d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) avant 2013 et l’intervention française au nord du Mali. Mais, depuis, il a dérivé vers une idéologie de “jihad territorialisé” dans le sillage de l’Etat islamique, dont il a d’ailleurs salué d’ailleurs la déclaration du “califat”. On peut donc dire qu’il est aujourd’hui un groupe hybride, pour ne pas dire une combinaison monstrueuse, de l’idéologie des deux organisations terroristes les plus puissantes.

“Boko Haram pourrait menacer sérieusement les pays voisins”

MYTF1News : Boko Haram s’attaque aussi désormais directement au Cameroun. A-t-il les moyens d’y agir comme dans le Nord-Est du Nigeria et de déstabiliser la région ?
M.G. : Il y a quelques mois, le chef de Boko Haram, Aboubacar Shekhau, a déclaré le “califat” sur les régions qu’il contrôlait. Puis, il y a une semaine, il a menacé directement le Cameroun et annoncé son intention de reconquérir les anciens territoires du “Califat de Sokoto” (1804-1903), lequel regroupait une partie des régions actuelles du Nigeria, du Cameroun, du Tchad et du Niger. Si cette dynamique de conquête territoriale n’est pas stoppée, Boko Haram pourrait menacer sérieusement les pays voisins. Et déstabiliser ainsi toute la région, comme l’a fait l’Etat islamique au Moyen-Orient.

MYTF1News : Faudrait-il alors une intervention internationale, si le Nigeria le demande bien sûr, pour stopper cette progression ?
M.G. : Comme en Syrie et en Irak, la communauté internationale devra, à un moment ou un autre, prendre ses responsabilités et aider le gouvernement du Nigeria à stopper les massacres de Boko Haram. Il faut rappeler que cette communauté avait promis monts et merveilles lors de la conférence de Paris organisée après l’enlèvement de plus de 200 jeunes filles en avril 2014 -lesquelles sont d’ailleurs toujours en captivité.

Mais le Nigeria n’a rien vu arrivé puisque les efforts internationaux ont été dirigés contre l’Etat islamique. Aujourd’hui encore, la question reste posée. Mais il y a peu de chance de voir une intervention militaire au Nigeria, car d’autres zones semblent encore plus urgentes, comme le Yémen ou la Libye…

“Perçu comme une menace locale”

MYTF1News : Boko Haram pourrait-il un jour être tenté par agir en Europe ?
M.G. : Boko Haram a déjà menacé divers pays européens, dont la France. Mais, pour l’instant, son action s’est limitée à l’enlèvement et à la prise d’otages. Il ne semble pas avoir les moyens ni les relais nécessaires pour frapper en Europe ou aux Etats-Unis.

Et c’est pourquoi il continue d’ailleurs d’être perçu comme une menace locale, au pire régionale. Mais certainement pas internationale ou globale. Cela laisse ainsi le Nigeria et les pays de la région désemparés face à une situation qu

Source: lci.tf1.fr

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