Sept mois après son investiture, Mohamed Bazoum, 61 ans, continue de surfer sur un état de grâce que ce vétéran de la scène politique nigérienne sait éphémère, mais dont il profite pour poser les trois principaux jalons de son quinquennat : sécurité, éducation, agriculture. Un triptyque pour la réalisation duquel une prolongation du climat actuel de relative paix politique et sociale ne serait, il est vrai, pas de trop, tant celui qui se définit comme un « militant de la démocratie » et que son homologue français Emmanuel Macron cite volontiers en exemple de bonne gouvernance fait face à des défis impressionnants.
Certes, en se faisant élire, en février dernier, avec 55,6 % des voix, Mohamed Bazoum a remporté le premier de ses paris. Une victoire qu’il ne pouvait que partager avec son prédécesseur, Mahamadou Issoufou, un authentique démocrate lui aussi, labellisé prix Mo Ibrahim, qui a eu l’audace de se choisir comme héritier un homme issu d’une communauté très minoritaire mais dont il ne doutait ni de la loyauté, ni de la compétence, ni de l’expérience. Et cela, sans que la légitimité du dauphin souffre du parrainage du sortant, ce qui n’était pas acquis.
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Niger : Mohamed Bazoum à l’épreuve du feu
Les autres enjeux, Mohamed Bazoum devra les affronter seul : le Niger est un pays très pauvre et très jeune, confronté à une démographie galopante et à des fronts d’insécurité auxquels il est quasi impossible de répondre simultanément, entouré de voisins aussi imprévisibles que le Mali et la Libye, mais dont l’économie, boostée par les promesses pétrolières, donne de vrais signes de dynamisme, à l’image de Niamey, dont le visage s’est transformé en une décennie.
Tôt le matin, le dixième chef de l’État de l’histoire du Niger indépendant quitte sa résidence aux murs ocre, entourée d’un petit parc où s’ébattent gazelles, oies, paons et tortue quadragénaire, pour gagner ses bureaux de la présidence immaculée, à cinq minutes de distance. C’est là qu’il a reçu Jeune Afrique pour un long entretien, le 6 octobre.
Jeune Afrique : La situation sécuritaire est au cœur de votre début de mandat. Selon divers rapports d’ONG internationales, qui ont enquêté sur le terrain, les attaques des groupes jihadistes dans les régions de Tillabéri et de Tahoua, non loin de la frontière avec le Mali, ont coûté la vie à près de cinq cents civils nigériens depuis le début de 2021. Le nord de Niamey serait-il une zone de guerre ?
Mohamed Bazoum : C’est une zone directement affectée par les agissements des terroristes : vols de bétail, agressions de populations éloignées de nos forces de défense, tueries de groupes.
Depuis le début de cette année, les jihadistes de l’EIGS [État islamique au Grand Sahara] semblent avoir changé de stratégie : ils affrontent de moins en moins nos soldats et s’en prennent de plus en plus aux civils isolés, ce qui est un signe de faiblesse. Mais c’est aussi ce qui rend la situation particulièrement difficile à gérer : le territoire concerné est vaste, et nous ne serons jamais en mesure de déployer des troupes partout en même temps, dans chaque village, dans chaque champ.