La crise au Niger est due à sa situation socio-économique et à l’exemple des pays qui se sont débarrassés de la dépendance post-coloniale, estime Abdelkader Soufi, chercheur algérien en géopolitique. La CEDEAO, qui menace d’intervenir militairement, n’est, selon lui, qu’un instrument de la France cherchant à maintenir son influence.
Le Niger est confronté à une crise économique et politique aggravée par les sanctions de la CEDEAO, suite au renversement du Président Mohamed Bazoum. Outre les conflits ethniques qui traversent ce pays à l’image de tout le Sahel, en 2022, le Niger, qui arrive au 7e rang des pays les plus pauvres du monde, a été également classé au 189e rang sur 191 pays dans l’Indice de développement humain des Nations unies. Et ce après plus de 60 ans d’indépendance, bien qu’il soit le 7e plus grand fournisseur d’uranium au monde.
La destitution du Président Mohamed Bazoum par les militaires nigériens est due à des facteurs aussi bien exogènes qu’endogènes, indique à Radio Sputnik Afrique Abdelkader Soufi, enseignant-chercheur en géopolitique et politiques de Défense à l’Université de Blida II, en Algérie.
Parmi les facteurs internes, il cite “les accords déséquilibrés” sur l’exploitation des ressources naturelles, notamment ceux passés avec Orano, le successeur d’Areva, concernant l’uranium naturel.
“À ce titre, le fait que le Président déchu Mohamed Bazoum soit vu comme l’homme de main de Paris a certainement joué en sa défaveur. En effet, il faut bien se rappeler que le Président Bazoum a accepté le redéploiement des unités de l’opération Barkhane au Niger, après leur expulsion du Mali par le gouvernement d’Assimi Goïta”, note l’enseignant-chercheur.
Pour ce qui est des facteurs exogènes, poursuit-il, “il y a certainement la réussite d’opérations semblables au Mali, au Burkina Faso et en Guinée-Conakry et la position à géométrie variable de la France vis-à-vis de ces derniers, d’un côté, et la transition politique au Tchad, de l’autre. Le décalage flagrant de la position de Paris concernant ces deux cas a complètement discrédité la politique africaine de la France aux yeux des populations et porté le coup de grâce à sa diplomatie héritée de la Françafrique”.
Dans le même sens, M.Soufi met l’accent sur le développement économique et social ainsi que la stabilité sécuritaire qu’ont connus des pays comme le Rwanda et la République centrafricaine, après avoir pris leurs distances avec la France.
Enfin, concernant la possible intervention de la CEDEAO, sous instigation française, au Niger, Abdelkader Soufi rappelle que “lors de sa création en 1975 par les 15 États ouest-africains, cette organisation avait pour objet la coordination de l’action des pays membres et la promotion de la coopération et de l’intégration pour une union économique et monétaire. Ce n’est qu’en 1990 que les prérogatives de cette dernière ont été étendues à l’aspect sécuritaire”.
Et de rappeler que “depuis 1990, pas moins de 26 coups d’État se sont produits dans les pays ouest-africains et jamais la CEDEAO n’a bougé le moindre petit doigt pour rétablir l’ordre constitutionnel. Idem dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Et pour cause, c’est la France qui a créé la Force G5 Sahel, lancé les opérations comme Serval et Barkhane depuis l’aube des années 2000 tout en maintenant la CEDEAO à l’écart. On voit que la CEDEAO est devenue un outil entre les mains de la France, un outil économique qui garde la mainmise sur le franc CFA”.
Évoquant les positions de Bamako et Ouagadougou qui ont fermement condamné une éventuelle intervention militaire, Abdelkader Soufi suggère que “le Niger, le Mali et le Burkina Faso pourraient créer quelque chose qui se substitue à la CEDEAO. Surtout que les intérêts de l’Afrique sont là”.
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