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“N’ayez crainte, je ne suis qu’un wahhabite”

mahmoud dicko stade 26 mars imam hci

« Un homme qui fait trembler les élites et les toubabs (blancs) ». Près de la mosquée de Badalabougou à Bamako, des fidèles se pressent pour parler de leur imam, Mahmoud Dicko : « un wahhabite, oui, mais modéré », « un religieux qui connaît les textes mieux que personne ».

 

 

Président du Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) depuis plus de 6 ans, l’imam de quartier est progressivement devenu un acteur politique. En 2009, il fait son premier coup d’éclat en s’opposant à certains articles du code de la famille. Il dénonce « un projet fabriqué par la prétendue société civile et financée par les Occidentaux ». Le gouvernement fait finalement marche arrière.

 

 

Lorsqu’un nouveau conflit éclate au Mali en 2012, Mahmoud Dicko se fait à nouveau remarquer. Il souhaite négocier avec les islamistes. Il parle avec le Mujao et tente de rencontrer le chef de file wahhabite d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghali. Ses positions concernant la charia semblent alors ambiguës. Depuis plusieurs mois, Mahmoud Dicko est plus discret mais il continue à défendre un islamo nationalisme face à « l’occidentalisation de son pays » et « l’égoïsme des élites ».

 

 

Mondafrique : Quelle est l’utilité du HCIM au Mali ?

Nous adressons les doléances de la communauté musulmane au pouvoir public. La communauté musulmane aujourd’hui représente quand même 98% de la population malienne.

 

 

Mondafrique : Vous estimez à 98% la proportion de musulmans au Mali. Espérez vous l’établissement d’une République islamique ?

C’est au peuple malien d’en décider… Pour moi, il y a toujours un peu de religieux dans le politique. Sarkozy lui-même revendiquait le caractère judéo-chrétien de la République française. Je ne me prononcerai jamais sur la question du foulard dans les lieux publics en France mais chez moi, j’ai le droit de faire valoir ma culture et ma religion. Pour le moment, la Constitution du Mali est complètement laïque. Cependant, les partis politiques sont déjà animés par les musulmans.

 

 

Mondafrique : Les Maliens ont-ils peur de voir l’islam entrer en politique ?

Ceux qui ont peur, ce sont les élites. Ils ont peur du regard de l’Union Européenne et de la Francophonie. Je crois que nous sommes enfermés dans un carcan occidental. En Afrique nous échouons quand nous renions nos valeurs. On ne peut pas gouverner un pays à 98% musulman sans tenir compte de la religion. Cette séparation n’a pas de sens dans notre pays. Nous voulons une démocratie, mais faut-il exactement les mêmes textes que les Français ? On gère les Maliens sans eux…

 

 

Mondafrique : Le ministère du culte et de la religion instauré par IBK est-il un bon moyen de mettre une dose de religion dans la politique ?

Oui. Il permet au moins à l’Etat d’avoir un regard sur ce qu’il se passe. Je sais que ça a fait un tollé. On pense que c’est moi qui aie imposé ça. C’est faux. Mais je soutiens cette initiative. Beaucoup de jeunes maliens formés dans les écoles coraniques sont laissés pour compte. Ils font leurs études en Egypte, en Iran, en Arabie Saoudite, ils reviennent avec des doctorats ou des licence et le pays ne s’occupe pas d’eux. On peut espérer que le ministère des cultes pourra récupérer ces talents pour les déployer sur le territoire.

 

 

Mondafrique :  On vous définit comme le chef de file du wahhabisme au Mali. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas wahhabite, je suis un musulman tout court. Le wahhabisme n’est pas une religion à part. Je ne revendique rien d’autre que l’islam. Au Mali, la plupart des musulmans ne se réclament d’aucune famille.

 

 

Mondafrique :  Avez-vous peur de dire que vous êtes wahhabite ?

Rire. Non, je suis très indépendant. Je ne crains pas de dire que je suis un wahhabite mais je respecte l’opinion publique, en tant que président du HCI, je ne suis qu’un simple musulman. Et puis, ce sont les occidentaux qui ont peur. Ils entretiennent une hostilité irrationnelle à l’égard des wahhabites. J’ai envie de leur dire, n’ayez crainte, je ne suis qu’un wahhabite ! (rire)

 

 

Mondafrique :  Vos prises de positions politiques, notamment sur le code de la famille sont apparues comme traditionalistes, le comprenez-vous ?

Evidemment que je ne suis pas contre les droits des femmes. J’aime trop mes femmes et mes filles. Je me suis opposé à quelques articles, c’est surtout le peuple qui est sorti massivement. Maintenant j’entends dire « Dicko est un extrémiste ». C’est faux. Mais le droit aux femmes d’hériter va à l’encontre de notre religion. Comment, dans un pays musulman peut-on mettre dans l’illégalité les citoyens qui respectent leur religion ? On ne pouvait pas laisser passer ça.

 

 

Pendant la guerre face aux islamistes, vous avez souhaité négocier avec le MUJAO ainsi qu’ Iyad Ag Ghaly, chef touareg d’Ansar Eddine. Quel compromis espériez-vous trouver ?

J’ai ouvert le dialogue avec l’autorisation de l’état malien.  A titre personnel je privilégierai toujours l’échange. Avec les touaregs du Nord aussi, il faut parler. On ne peut pas refuser la partition du Mali et ignorer ceux qui la réclament. Nous sommes condamnés à vivre ensemble, il faudra faire des consensus mutuels.

 

 

Mondafrique :  Cherchez-vous à être le représentant du peuple ?

Bien sûr que oui. Je suis là pour représenter la base face à une élite qui ne pense qu’à s’occidentaliser. Le seul souci des dirigeants africains, c’est le regard de l’Europe et des Etats Unis. Le regard du peuple lui, n’a pas d’importance. Comment le Mali a-t-il pu devenir le sanctuaire d’AQMI ? A l’origine, il y a une mauvaise gouvernance. Notre Etat a laissé faire sans consulter le peuple. Nos partenaires nous donnent beaucoup d’argent mais le peuple ne le sait pas parce que les puissants manquent de transparence. Ici, les gens n’ont pas de médicaments, pas de table dans leurs écoles, pas d’eau potable. Même à Bamako. Pendant ce temps, des montagnes d’argent sont dépensées pour un stade et des millions pour un entraineur de football… Je dénoncerai toujours la complicité des élites.

 

 

Mondafrique :  Avec IBK les choses peuvent elles changer ?

Je l’espère. Jusqu’à maintenant, il y a une complicité coupable. Quand les autorités n’ont plus d’arguments, elles me qualifient de wahhabite parce qu’elles savent que c’est un mot qui fait peur aux Blancs. En réalité, le problème c’est qu’ils ne font pas leur travail. Voilà l’Afrique. Voilà ce qu’on vit. Le vrai problème c’est que les élites, et je parle aussi de certaines élites religieuses, sont malhonnêtes.

 

 

Mondafrique :  Un autre imam se pose comme représentant des plus faibles : Haidara, imam soufi jugé plus modéré que vous. Quel regard portez-vous sur lui ?

Oui… tout le monde veut nous opposer. Nos conceptions sont divergentes c’est vrai mais ça ne fait pas de nous des rivaux. On s’appelle très souvent. On se salue. Il n’y a pas d’inimité entre nous. Je ne sais pas pourquoi les gens veulent tellement nous mettre en opposition… Haidara a une belle mosquée, une école, une puissante association. Moi, sans le HCI je ne suis qu’un petit imam de quartier.

 

 

Mondafrique :  Depuis quelques années, les wahhabites reçoivent un soutien puissant, celui de l’Arabie Saoudite. Pensez-vous que les saoudiens voient dans le Mali une terre de « dawa » pour prêcher le wahhabisme ?

Au Haut Conseil, on ne reçoit rien. Ni d’Arabie Saoudite, ni de l’état malien. Bien sûr qu’il y a des organisations caritatives mais ce n’est pas impressionnant comparé à ce qu’ont pu faire des organisations missionnaires chrétiennes qui sont encore là aujourd’hui. L’Eglise Norvégienne dans le Nord continue à faire des forages et des écoles… Pourquoi personne ne dénonce ça ? Les Saoudiens financent des organisations humanitaires ainsi que la construction de certaines mosquées. Ca n’a rien de choquant.

Source: Mondafrique.com

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