Depuis son départ de la primature, l’ancien premier ministre Moussa Mara anime une pré-campagne permanente.
Invité ou auto-invité, le président du parti « Yelema » est présent à tous les événements à grand public, au Mali comme à l’étranger. Sur « Radio Nièta », il a expliqué, lors d’un entretien, ne pas viser des élections mais seulement travailler à l’éveil des consciences face aux périls qui menacent la nation. Selon toute apparence, ces explications ne convainquent pas le chef de l’Etat, très probable candidat à sa propre succession en 2018. IBK voit en Mara un féroce concurrent qu’il faut éliminer politiquement, si possible avant les échéances électorales. Il se raconte qu’une escouade d’espions colle aux basques de ce jeune homme politique qui, à 39 ans, à eu la chance de diriger le gouvernement malien.
Surveillé de près
IBK a-t-il des raisons particulières de surveiller Mara comme le lait sur le feu ? Sans doute oui. En effet, contrairement à d’autres candidats potentiels à Koulouba, l’ancien Premier Ministre ne manque pas de moyens matériels et financiers, comme l’attestent ses déplacements incessants à travers le pays et à travers le monde. Mara pousse même la générosité jusqu’à faire des dons, comme à Sabalibougou, en commune 5 de Bamako, où, le 11 décembre 2016, il a offert aux populations un forage d’une valeur de 7 millions de FCFA. Or, tout le monde sait l’acuité de la pénurie d’eau potable dans cette localité populeuse.
Moussa Mara fait surtout une cour assidue aux leaders et groupes religieux, coeur de l’électorat d’IBK. Il va de mosquée en mosquée pour prier à l’aube. Il lui arrive même de prendre le micro pour faire des sermons. Ses bonnes relations avec les leaders religieux de toutes tendances sont bons, singulièrement avec le Chérif de Nioro auquel il rend souvent visite. Au reste, Mara ne se contente pas de courtiser les dignitaires musulmans; il s’intéresse aussi de près à l’électorat chrétien: à Kita, le 25 novembre, il a assisté au 45ème pèlerinage annuel des catholiques du Mali. Un pèlerinage placé sous le signe de la miséricorde et du don de soi, « ces attributs que les Maliens doivent cultiver pour aider ensemble le Mali à sortir de l’ornière », a-t-il commenté.
Fils de militaire, Moussa Mara étend, à présent, sa campagne de séduction aux hommes en uniforme qui, en majorité, ont voté pour IBK en 2013. Il a, par exemple, célébré le réveillon à Gao, dans le camp militaire où il a offert un boeuf aux soldats. Sur les réseaux sociaux, on découvre l’ancien chef du gouvernement au milieu d’une forêt de baïonnettes qu’il n’a quittée, le lendemain 1er janvier 2017, que vers 4 heures.
Opposant désormais déclaré
Si quelqu’un nourrissait encore des doutes sur les ambitions politiques de Mara pour 2018, ils tomberaient sûrement au regard de ses récentes déclarations. De fait, le 24 décembre 2016, l’homme a pris ses distances avec la mouvance présidentielle dont il se réclamait jusqu’à présent. Ce jour-là, invité au congrès de la CNAS-Faso Hèrè (parti de l’opposant et ex-Premier Ministre Soumana Sacko), Mara a demandé à son nouvel ami, Sako, d’« engager un processus qui puisse permettre à tous les fils du Mali de se retrouver au chevet du pays pour aller vers l’alternance en 2018 ».
Pour bien montrer que l’expression « alternance en 2018 » est assumée, Mara écrit, sur le site internet de son parti, ce qui suit: « Les Maliens doivent s’ouvrir au changement (…) Les hommes que nous avons chargés de nous diriger nous ont déçus, parce que le pays a chuté et qu’on doit le remettre debout (…) Le changement est synonyme d’espoir et de renouveau pouvant amener à un lendemain meilleur ».
Le 30 décembre 2016, revoilà Mara dans ses habits neufs de promoteur de l’alternance. Il rencontre à Gao, les jeunes ainsi que les autorités religieuses et traditionnelles. Au cours de la rencontre, le chef de « Yelema » dira avoir été très frappé par cette phrase qu’il invite ses interlocuteurs à méditer: « L’injustice, les engagements non tenus et la mauvaise gouvernance sont plus graves que l’insécurité ».
Riposte d’IBK
On le voit, le virage de l’ancien Premier Ministre dans l’opposition et son objectif de de devenir calife à la place du calife sautent aux yeux. D’où les mesures de représailles concoctées en haut lieu contre lui.
Lors de sa tournée dans la région de Gao, en décembre 2015, le chef de l’Etat avait déjà donné le ton. Devant la presse, il avait déclaré qu‘ »aucune fanfaronnade politicienne ne me ferait prendre mon avion pour me rendre à Kidal et opposer les fils du pays alors que je peux attendre ». L’allusion à la visite calamiteuse de Mara à Kidal, en 2014, est patente.
On ne s’étonnera donc pas de voir, le 17 décembre 2016, l’Assemblée nationale, où le parti au pouvoir est majoritaire, rejeter la demande de mise en accusation de l’ancien président ATT tout en demandant au gouvernement « l’ouverture d’une enquête » sur la visite de Mara, alors Premier ministre, à Kidal. Visite qui a abouti au meurtre de plusieurs préfets puis à une débâcle de l’armée malienne face aux rebelles de la Coordination des Mouvements de l’Azawad.
Le pouvoir ne s’arrête pas en si bon chemin. En septembre 2016, à la veille des communales, il fait voter une loi électorale qui oblige tout candidat à la future présidentielle à obtenir le parrainage de 10 députés et de 5 conseillers nationaux (c’est-à-dire des conseillers siégeant au Haut Conseil des Collectivités). Une manière d’empêcher la candidature de Mara dont le parti ne dispose que d’un député ? Cela y ressemble fort.
En tout état de cause, l’intéressé ne se laisse guère impressionner. Selon ses proches, il ne craint nullement « l’enquête » annoncée sur sa visite à Kidal puisqu’en tant que Premier Ministre, aucune loi ne pouvait l’empêcher de se rendre sur une partie du territoire national. Quant aux entraves posées par la nouvelle loi électorale, Mara s’est déjà donné les moyens de les contourner. De sources concordantes, il s’est rapproché d’ADP-Maliba, un parti qui a récemment rompu avec la mouvance présidentielle. Cette formation que l’on dit très proche du Chérif de Nioro (encore lui!) compte une bonne dizaine de députés et assez d’élus nationaux susceptibles de parrainer la candidature du président de « Yelema ». De là à penser que Moussa Mara a suscité l’adhésion d’ADP-Maliba à l’opposition, il y a un petit pas que beaucoup n’hésitent pas à franchir car c’est à lui, et à lui seul, que profite ce « crime » politique…
Tiékorobani
Source: Le Procès Verbal