En 2022, le premier soldat français tué en mission l’aura donc été au Mali. Comme en 2021 et qui sait, peut-être encore en 2023. Il s’agit d’un brigadier de 24 ans, Alexandre Martin, natif de Rouen et ayant accompli toute sa carrière dans l’Armée de Terre, au sein du 54ème régiment d’artillerie d’Hyères. Il a trouvé la mort le samedi 22 janvier vers 17 heures « suite à des tirs indirects » de mortier sur la base de Gao, dans l’est du pays, plus que jamais le centre névralgique de Barkhane depuis la décision d’évacuer les sites du Nord.
Immédiatement pris en charge, le jeune artilleur a rapidement succombé à ses blessures, portant à 53 le nombre de militaires français ayant perdu la vie depuis l’engagement de la France au Sahel en 2013. Preuve que l’ennemi djihadiste est plus actif que jamais malgré les coups portés, une autre attaque au mortier a eu lieu dès le lendemain, dimanche 23 janvier, visant une base mixte de Menaka abritant tout à la fois des éléments de Barkhane, de la Task Force Takuba (forces spéciales européennes), de la Minusma (casques bleus ONU) et des Forces armées maliennes (FAMA). Cette fois sans pertes humaines.
A ce jour l’identité des divers assaillants reste inconnue mais la région est habituée aux coups des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à al-Qaïda. Il n’y a pas eu de commentaire du côté des autorités maliennes sinon le froid glacial qui habille désormais les relations avec la France. Dans l’escalade verbale amorcée depuis des mois entre les deux pays, une étape supplémentaire a été franchie depuis l’annonce des nouvelles sanctions décidées par les membres de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (Cedao) contre la junte. Il s’agit, rappelons-le, de faire plier la junte militaire conduite par le colonel Assimi Goïta, laquelle a annoncé son intention de poursuivre la « transition » pendant au moins cinq années supplémentaires.
À l’exception de la Guinée, dirigée elle aussi par le colonel putschiste Mamadi Doumbouya, les treize pays de la Cédéao n’y sont pas allés de main morte, du moins sur le papier : fermeture de leurs frontières avec le Mali, embargo sur les échanges commerciaux (hors produits de première nécessité) et les transactions financières, suspension des aides financières et gel des avoirs maliens à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
TOUT LE MONDE JOUE AVEC LE TEMPS
Un embargo économique plutôt sévère dont les conséquences seraient déjà perceptibles dans les circuits d’approvisionnement. Comme elle le fait depuis des mois, pour l’heure, la rue soutient la junte. Et accable les « maudits Français ». Via le président nigérien Mohamed Bazoum, Paris est suspectée de tirer les ficelles de la Cédéao et de vouloir s’en prendre ouvertement à la souveraineté du pays. Fin décembre, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga évoquait publiquement son souhait d’une « relecture » des accords de défense entre les deux capitales, avec notamment la question du survol du territoire national par les avions de Barkhane.
À ce jour, la menace à peine voilée de les interdire ne s’est pas concrétisée. Mais celle d’Emmanuel Macron de quitter « vraiment » le pays si d’aventure les paramilitaires russes Wagner y prenaient pied pas plus… Or ces derniers se comptent désormais par centaines, accompagnés, sinon encadrés d’instructeurs des forces armées russes « légales. » Il y a donc de fortes chances pour que se perpétue dans les prochains mois l’espèce de compromis bancal en vigueur. Tous les acteurs jouent avec le temps, la lassitude de l’adversaire et pourquoi pas de bonnes nouvelles à exploiter sur le front anti-djihadistes. Pour le moment, elles ne sont pas très bonnes et déstabilisent toute la région. Ce mardi en fin de journée, la confusion régnait au Burkina-Faso, aux prises apparemment avec un putsch des militaires.
Source: marianne