Le Mali est-il en chute libre ? Ce jeudi 19 septembre 2019, à trois jours de l’anniversaire de l’indépendance nationale, Tombouctou et Niono donnent deux alertes de plus au tsunami social que tout le monde redoute.
Alexis de Tocqueville disait qu’en politique, ce qu’il y a de plus difficile à apprécier et comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux. Il faut en convenir. En on observe le comportement des acteurs politiques et sociaux, au premier chef, ceux qui tiennent les rênes du pouvoir, la lucidité devant la situation nationale et l’intelligence dans les solutions proposées ne sont pas de mises.
A vue d’œil, le pays tombe en lambeaux, on y assiste à l’agonie lente, secrète de notre nation. Pendant ce temps, le pouvoir fait du dialogue national, une stratégie de légitimation, voire de survie politique. Et pourtant pour tout esprit délivré de l’ivresse du pouvoir, il parait évident que ce dialogue est le seul cadre de nouvelles constructions politiques et sociales possibles, au regard de l’épuisement de tous les mécanismes de médiation sociale.
Chacun sait que les points d’ancrages traditionnels, les légitimités traditionnelles ou institutionnelles se désacralisent et s’affaissent dans l’estime d’une société qui peine à se donner un repère alternatif.
Cette mutation perceptible à tout le niveau s’appelle le chaos. De ce chaos le pouvoir IBK pense pouvoir tirer bénéfice politique et cure de jouvence. Il crée et entretient de nouvelles rivalités, redynamise de vieux antagonismes alors même qu’il a totalement épuisé tous les mécanismes de médiation sociale.
Par sa façon de faire, le pouvoir IBK est devenu un danger à la santé mentale, voire la santé tout court des Maliens. Globalement, il a initié le temps des grandes déchirures, la culture de la clanisation et la tribalisation du pays et du débat politique, la catégorisation des citoyens. Il a fini de ruiner la légitimité, la crédibilité et même la créativité de toutes les femmes et tous les hommes, les acteurs et les collectifs qui ont pour certains de bonne foi voulu servir la nation à ses côtés.
Les leaders religieux, les communicateurs traditionnels, même la distribution de l’argent public pour réduire des secteurs rétifs ne semblent plus avoir d’impact sur règlement de la crise politique et sociale. L’exemple de la crise des routes a permis au pouvoir pris au dépourvu d’initier la politique des « Protocoles d’Entente », qui visiblement court-circuite littéralement toutes les institutions, tous les élus (députés, maires) des localité concernées.
A croire aux déclarations du député de Niono l’honorable Amadou Raba Doumbia, le Ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile est devenu un facteur de l’instabilité dans le pays. Il est accusé de mettre sous le boisseau toutes les informations sensibles portant sur la sécurité nationale qui proviennent du pays réel.
De la justice avec l’affaire Bakary Togola, on retient certes une réalité judiciaire, mais le fond est fortement teinté de coloration politique. Une affaire dans laquelle on veut faire payer par un seul homme tous les crimes économiques du régime IBK… Alors il est livré par la clameur publique au buché, la chasse aux sorcières devrait se limiter à l’emprisonnement de celui qui a incarné le visage le plus hideux et le plus arrogant du Pouvoir IBK pour la survie du système.
Aujourd’hui des gouverneurs, sous la poussée violente des populations, prêtent serment dans les nouvelles régions sans infrastructures appropriées. Dans le conflit entre des éléments de la plateforme, il a fallu l’ancien président de la Mauritanie pour obtenir un cessez le feu, au nez et à la barbe de l’Etat du Mali resté inactif, dans le seul intérêt de l’investiture du nouveau président de ce pays.
On le voit, le Pouvoir IBK s’est suffisamment employé à retourner les acteurs politiques et sociaux les uns contre les autres, faire imploser d’autres et enfin de compte créer le vide dans la direction nationale du pays. Résultat, le pays tourne à vide.
Tous ceux qui veulent entretenir ce statu quo du chaos et/ou se faire prévaloir professent le « tous pourris » de la classe politiques et de tous collectifs citoyens, oubliant que dans aucune société, tout ne se vaut. Continuer à véhiculer l’idée « tous les mêmes, tous pourris », relève non seulement du nihilisme, mais d’un désespoir destructeur, parce que ce faisant on empêche tout élan de rassemblement pour sauver notre pays.
A propos rassemblement, notre plus grand problème est que les gens veulent être plus importants dans la société, plutôt qu’être utile pour le pays. Le temps est venu pour les leaders d’opinion, les porteurs de voix de se considérer plus utiles pour le Mali, cela réduirait les conflits de leadership paralysant.
L’urgence est de doter le pays d’une direction nationale crédible, il est temps de donner un Président au Mali. C’est la seule voie pour sauver notre pays.
Souleymane Koné
Ancien Ambassadeur
Source: L’Aube