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Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune se confie à maliactu.info : « Le retour à la sécurité dans tout le Mali passe forcément par la mise en œuvre de l’accord ! »

Bamako – Désormais principal haut chef de la Coalition du Peuple pour l’Azawad (CPA), reconnu par le Gouvernement, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, ce jeune touareg qui, une fois convaincu qu’aller à la paix passe par les choses sérieuses, avait depuis le 15 mai rejoint la capitale Bamako. Farouchement engagé dans une logique de paix, selon sa propre expression, il n’avait hésité, le 15 mai d’apposer sa signature sur l’accord d’Alger en tant que secrétaire général de la CPA, un groupe armé du nord du Mali, membre de la CMA et qui se réclame 1.200 combattants positionnés sur le terrain à Lerneb.

 

 Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune rebelle touareg mnla azawad cma cpaFier signataire d’un accord qu’il juge « bon pour tout le Mali », Mohamed n’a aucune inquiétude par rapport à la guerre que lui mène son ex président Ibrahim Mohamed Ag Assaleh, classé depuis comme la brebis galeuse de son mouvement fondé avec ses compagnons à Hassilabiad quand ce dernier était à Niamey au Niger.

Pour celui qui pense, avec arguments à l’appui, que signer un accord est synonyme à la paix, « depuis que nous avons signé l’accord, il est bon de constater que le nord connait une accalmie parce que nous avons maîtrisé nos troupes sur le terrain.» Il faut noter que le 15 mai, date à laquelle il fut avec le CMFPR 2 les premiers mouvements de la CMA à signer l’accord, Mohamed venait directement du terrain.

Y a-t-il un deal entre lui et le gouvernement malien ? « L’Etat soutient  tout celui qui veut aller à la paix », répond-t-il à ses détracteurs qui l’accusent d’être couvé par le gouvernement.

Logé par l’Etat à Bamako, ce désormais ex-chef rebelle, a accepté de nous recevoir pour répondre à toutes les questions concernant les enjeux sur les modalités de la mise en œuvre de l’accord et la nécessité d’aller à la paix.  Interview exclusive.

maliactu.info : Dès la signature de l’accord parachevé le 20 juin 2015, il était prévu la mise en place d’un comité de suivi chargé de veiller à sa mise en œuvre, alors où en êtes-vous ?

– Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune : Dès le 20 juin dernier, jour du parachèvement de l’accord, s’est tenue notre première réunion, et au lendemain nous avons confié à une commission technique de la médiation de travailler sur un règlement intérieur. Cette commission a fait son travail et la médiation a convoqué les parties le 3 juillet dernier. Mais ce jour, nous ne nous étions pas entendus sur le règlement intérieur. Ce, parce qu’il y a des réglages à faire tels que la détermination des quotas à la participation et à la structuration au sein dudit comité de suivi. Heureusement, nous avons prévu que toutes les parties se retrouvent le 20 juillet prochain (date ultime), dans le but de mettre définitivement en place le comité de suivi et valider son règlement intérieur ouvrant au démarrage de l’application de l’accord.

– Compte tenu de l’entrée en vigueur de l’accord dès sa signature, qu’est-ce qui a alors changé depuis ?

– Dès la signature de l’accord, nous avons remarqué ensemble, une véritable stabilisation se construire sur le terrain. Il y a certes eu des actes terroristes et de banditisme, mais cela parce que nous n’avons pas encore mis en place des instruments servant à les contrecarrer. Ce qui passe par le démarrage que j’ai expliqué au début. Et, pour ce qui est de la rébellion, tout le monde a constaté l’accalmie née d’une considération du fait de la paix par l’ensemble des parties, y compris celles qui n’avaient pas signé le 15 avant de s’exécuter le 20 juin. Mieux, nous avons constaté même des vagues de soutien de l’accord qui nous parviennent des camps des réfugiés, où de plus en plus il y a adhésion des réfugiés  à l’accord.

– Une fois le comité de suivi mis en place dans les jours à venir, qu’attendrez-vous du Gouvernement ?

– En tant que mouvements armés parties prenantes et bénéficiaires des retombées de l’accord au même titre que le gouvernement qui est le maître d’ouvrage de l’accord, nous nous sommes engagés à faciliter tout ce qui favorisera sa mise en œuvre tout en comptant sur l’accompagnement de la communauté internationale. Du gouvernement, nous attendons l’impulsion, telles que les réformes institutionnelles, les questions de sécurité et du développement.

– Ne pensez-vous pas que le fait de la priorité offerte aux ressortissants du nord à être intégrés dans la fonction publique, des collectivités et au sein des forces de défense et de sécurité est synonyme du favoritisme par rapport à d’autres Maliens ? Ou bien c’est juste une injustice réparée ?

– Certes, l’accord est pour tout le Mali. Mais il est aussi évident qu’il concerne d’abord spécifiquement les régions du Nord dans le but de parer à un déséquilibre. Dans ce nord, depuis cinquante ans, on  a décrié un retard accru du développement, du déséquilibre dans le traitement et la soif de justice. Par contre, sur les questions de gouvernance que tranche l’accord, ce sont des mesures qui concernent tout le pays. La gouvernance sera améliorée au même titre à Gao  qu’à Kayes. C’est toute la nuance !

– Et pourtant, des sommes colossales ont été injectées pour le développement du nord. Y’a eu des efforts quand bien même non ?

– Des efforts oui, mais, fondamentalement, le système de gouvernance chargé de la gestion efficiente des ressources allouées au développement des régions a failli. Par exemple : les programmes n’étaient pas gérés au niveau local et les locaux n’étaient pas associés au choix des hommes qui géraient les projets. C’était des gens venus de nulle part et qui ont d’autres visions que de s’occuper des régions. De l’initiation d’un programme chargé de développer la région comme Gao, à son échéance, vous trouverez que Gao n’était même pas au courant. Et c’est tout le monde qui en est coupable, à commencer par les nordistes qui, eux-mêmes ont participé à cette gestion. On ne peut donc pas pointer du doigt une ou deux personnes pour avoir été à l’origine du blocage. Finalement, pour pallier ces retards accrus, l’accord prévoit la régionalisation où les gouverneurs et les conseils régionaux seront élus au suffrage universel direct. En conséquence, c’est à ces derniers qu’il reviendra de gérer le développement de leurs régions respectives. Des agences de développement seront créées au niveau local pour s’occuper des fonds internes et externes jusqu’au bon port.

– Le titre III de l’accord prévoit la représentation significative de personnes originaires des régions du nord au sein des forces armées et de sécurité, y compris dans le commandement. N’est-ce pas une menace pour une armée qui se veut républicaine?

– Vous savez, sur ce point, il n’a pas été dit que les nordistes seront là pour sécuriser seuls le nord. Il est dit dans l’accord qu’il est d’une impérieuse nécessité de refonder et de reconstituer l’armée nationale du Mali. Il s’agit de la refaire en sorte qu’elle reflète toutes les diversités culturelles du pays. Et les modalités de la faisabilité de ces mesures feront l’objet des discussions dans le cadre des commissions. Par exemple les quotas prévus pour chaque mouvement signataire. Chose qui passera forcément par le DDR. Et tous ceux-là qui bénéficieront du DDR le feront parce qu’ils ont accepté de servir leur patrie sous le drapeau national.

– Justement, ne craignez-vous pas que certains mouvements armés inscrivent tout venant sur la liste des personnes à réinsérer ?

– Je crois qu’il n’y a pas de raison de craindre tout venant car tous ceux qui ont des armes vont être désarmés. Et cela, la paix en a besoin. Et pour ce qui est du terrorisme que votre question sous-entend, je pense que dans ces milieux, les gens se connaissent. Tous les mouvements vont, comme prévu, établir de façon exhaustive la liste de leurs combattants lors du DDR. Et le but recherché, c’est d’éviter que les armes sortent du système légal.

– Depuis un certain temps, des attaques perpétrées au nord comme au sud sont revendiquées par des djihadistes. Pensez-vous qu’il faut discuter, ou implacablement les combattre ?

 – A mon avis, la meilleure des choses à faire pour mettre fin à cela, c’est de procéder à l’application de l’accord que nous avons sous la main. Ce qui permet d’avoir un regard sur le territoire pour le sécuriser. On ne peut mettre en place aucun outil de sécurisation tant qu’on ne procède pas à l’application de l’accord pour créer les conditions. Je pense qu’il faut commencer même à prendre les mesures intérimaires prévues par l’accord. Il faut créer les conditions rapides du regroupement des combattants et les conditions favorables aux patrouilles mixtes prévues également dans l’accord pour sécuriser le territoire. Il faut aussi savoir que le terrorisme n’est pas un combat incombant à l’Etat seul. Les populations elles aussi, peuvent participer à la lutte dès qu’on crée les conditions de leur sécurisation.

– Vous y voyez la main d’Iyad Ag Ghaly qui veut saper l’accord ?

– En ce qui me concerne, je ne peux l’affirmer sans preuve.

– A l’instar de votre camarade Djeri, guetteriez-vous au partage des postes ministériels au sein du futur gouvernement en vue ?

– Ce que Djeri a dit est tout à fait juste. Il s’agit, comme le prévoit l’accord, l’essence d’une participation des représentants des régions du nord dans le gouvernement comme dans toutes les institutions de l’Etat.

– Et vous vous attendez à des ministères de souveraineté ?

– Oui, pour l’établissement de la vraie confiance dans le mode de gestion du pouvoir public ! Et à ce point, je ne mets pas en doute la bonne foi du gouvernement que nous devons tous aider à ne pas sombrer sous le poids des difficultés.

– Par quoi passe la condition du retour de l’Armée à Kidal ?

– Le cas express du retour de l’Armée à Kidal comme partout au Mali est un travail dévolu à un comité technique de sécurité.  Et il est clair : ‘’c’est une Armée reconstituée qui va se redéployer’’. L’armée à Kidal n’est pas un mystère mais un mécanisme qu’il faut établir de manière évolutive jusqu’à créer de la confiance entre parties. L’Armée sera un jour à Kidal et elle s’appellera l’Armée nationale.

– L’élection des gouverneurs et Présidents d’Assemblées régionales n’est-elle pas un grand pas vers l’indépendance que vous revendiquiez au départ ?

– Non…je ne pense pas que la mesure de la libre administration soit une démarche qui vise l’indépendance. Dans les documents il est écrit noir sur blanc que l’unité nationale, la forme laïque et républicaine du pays sont sauvegardées. Il s’agit d’un statut appelé « Régionalisation » qui est convenu pour le pays. Aujourd’hui nous sommes dans une étape de départ vers notre développement et d’autogestion en tant que Maliens de toutes les régions. Nous sommes dans une étape d’une administration libre et de proximité des populations. Et l’un des avantages est que dans la régionalisation, les décisions prises par les collectivités deviennent immédiatement exécutoires et on n’a pas besoin d’un contrôle à priori de la tutelle. Le contrôle se fera à postériori. Alors là, gare à celui qui va voler l’argent public !

– Avez-vous un message à lancer à l’endroit de tous ceux qui suivent et s’intéressent au dossier ?

– Ce que j’ai comme message, c’est de dire aux Maliens que la mise en œuvre de cet accord, compte tenu de son impact bénéfique à tous, n’incombe pas seulement au Gouvernement et les groupes armés. Car les reformes prévues par l’accord couvrent tout le pays. Que tout le monde se mobilise pour soutenir cet accord afin qu’il voit le jour. Aux mouvements armés et au gouvernement : quand on s’engage pour la paix, on ne doit plus se regarder en chien de faïence. Nous avons signé la paix, nous avons pris des engagements. Surtout pas d’animosité parce que nous ne sommes désormais ni ennemis ni adversaires. Faisons en sorte que les populations participent de manière active à la mise en œuvre de l’accord. Le gouvernement auquel la première responsabilité de la mise en œuvre de cet accord incombe, je demande de s’assumer parce que c’est lui que la communauté internationale accompagne. A la communauté internationale je dis félicitations ! A l’Algérie qui a fait un énorme sacrifice pour en arriver là, je salue le courage et l’abnégation. Et je reste convaincu d’une chose : « le retour à la sécurité dans tout le Mali passe forcément par la mise en œuvre de l’accord ! »

source : la rédaction

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