Malien avec une partie de ses affaires et famille à Niamey, le pays de ses beaux parents qu’il connaît depuis près de 30 ans, Mohamed Chérif Haïdara, président du Conseil supérieur de la diaspora malienne (CSDM), est un Nigérien d’adoption. En plus, il fait partie des amis de Mohamed Bazoum, le nouveau Président du Niger dont leur première rencontre remonte à 1996. C’est en qualité d’ami que le président du CSDM parle dans cette interview des qualités du nouveau Président, qui est selon lui, une « chance pour la sous-région ».
Mali Tribune : Qu’est-ce qui justifie votre présence à l’investiture de Mohamed Bazoum, aux côtés de tant d’autres personnalités civiles et politiques du Mali et d’ailleurs ?
Mohamed Chérif Haïdara : J’ai trouvé que c’est un événement très particulier pour le Niger en particulier, l’Afrique en général. Parce que c’est la première fois depuis l’indépendance du Niger qu’on assiste à un passage de témoin entre deux Présidents démocratiquement élus. Je vis au Niger comme en Guinée et aux Etats-Unis. Depuis 1996, j’ai une résidence au Niger. Dès sa création, le CSDM a implanté son premier bureau en dehors du Mali au Niger avec comme président Albert Touré. Mohamed Bazoum est ami, un frère. C’est un homme avec une conviction et une vision pour une Afrique émergente. Quand il était ministre des Affaires étrangères de son pays, il a beaucoup plus défendu les intérêts du Mali sur les tribunes internationales que son homologue malien lui-même pendant l’invasion du Mali par les terroristes. C’est un ami du Mali, vous avez dû constater en dehors de moi, beaucoup de personnalités maliennes étaient là à cet événement grandiose. Donc je ne pouvais pas ne pas être là. J’étais là pendant la campagne. Donc c’est tout à fait normal que je sois là pour assister à l’investiture.
Mali Tribune : Vous avez connu Bazoum syndicaliste, Bazoum politique et chef de parti. Pensez-vous qu’il a les qualités et potentialités requises d’un chef d’Etat ?
M. C. H. : Bien sûr que oui. Il a participé à la gestion du pays, il a créé le PNDS avec Issoufou Mahamadou. A deux, ils ont imposé leur vision pour l’adhésion massive des Nigériens avec qui ils partagent les mêmes visions politiques. Ils se sont battus pour la conquête du pouvoir comme tout parti d’opposition. La particularité de Bazoum, c’est sa fidélité et sa liberté d’action. Je me rappelle quand l’ancien Président Ibrahima Barré Maïnassara a voulu se présenter candidat à la présidentielle, il a démissionné de ses fonctions ministérielles, en plein conseil des ministres. En disant qu’il ne peut pas être dans un gouvernement où Ibrahim Barré Maïnassara se déclare candidat à la présidentielle. Plusieurs fois, d’autres présidents lui ont proposé d’être Premier ministre. A chaque fois, il a refusé en disant que si quelqu’un doit le nommer à ce poste, son président du parti doit en être saisi au préalable. Il est toujours cohérent, correcte, il connaît parfaitement l’administration nigérienne pour avoir servi à plusieurs postes ministériels. Sur le plan intérieur comme ministre de la Sécurité et extérieur comme ministre des Affaires étrangères. Il connaît non seulement la géopolitique, mais aussi l’implication de nos partenaires. Il a des amis partout dans le monde, dans la sous-région. Il est très fidèle dans l’amitié. Vous avez dû remarquer, tous ses amis avec lesquels il a fait l’université à Dakar au Sénégal étaient là. Il faut être un homme d’une très grande qualité pour préserver ses amitiés de 40 à 50 ans. S’il y a quelqu’un qui peut ramener la sécurité, faire comprendre aux Nigériens que seule dans l’union on peut fait vivre la paix dans le pays, proposer une solution sécuritaire, c’est bien Mohamed Bazoum. Pour la simple raison que c’est un homme du sérail, tout s’est passé devant lui et il a la potentialité de potentialiser ses relations. Bazoum est une chance pour la sous-région. Avec lui, Roch Christian Kaboré au Burkina, je ne sais pas qui on aura au Mali, à trois ils pourront trouver une solution aux problèmes sécuritaires avec l’appui de nos partenaires.
Mali Tribune : Dans son discours d’investiture, Bazoum s’est engagé à relever le défi sécuritaire, de la bonne gouvernance, du développement macroéconomique, etc. Pourra-t-il gagné ce pari ?
M. C. H. : Je n’en doute pas. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, le Niger a un sous-sol très riche en pétrole qu’il exploite depuis des années. L’économie du Niger sous Bazoum ira à 2 chiffres. Il n’y aura pas de manque de fonds pour faire face aux différents axes qu’il s’est fixés. Le plus grand défis auquel il sera confronté, c’est celui du taux démographique qui est le plus élevé du monde. Son challenge pourra être de transformer ce taux démocratique en atout pour le Niger comme l’ont fait d’autres pays comme l’Indonésie, l’Inde, etc. Il investira une bonne partie de son budget dans l’éducation, les infrastructures adéquates pour devenir un pays émergent.
Mali Tribune : A vous entendre parler, vous avez foi en Bazoum dans la réussite de son mandat présidentiel.
M. C. H. : Absolument. Bazoum va surprendre beaucoup de personnes comme son élection a été une surprise pour beaucoup de gens. Beaucoup de personnes y compris au sein du parti PNDS-Tarrayya ne croyaient pas qu’il sera même le candidat du parti. Il l’a été et s’est fait élire de fort belle manière. Cela prouve une fois de plus qu’il est un homme de confiance et de conviction. Il a des hommes capables autour de lui. Il aura des ressources financières adéquates pour réaliser son programme de société. Pour ce qui est de l’aspect sécuritaire qui est le plus important, il est vu aujourd’hui par les partenaires comme étant l’homme sur qui on peut compter et qui peut parler avec tous les acteurs impliqués. Vous avez vu certains de ces acteurs à la cérémonie d’investiture. Il s’agira de leur dire qu’allons-nous faire pour ramener la paix et la sécurité au Mali, au Niger et au Burkina Faso ? Il a dit depuis très longtemps lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, que le Niger sera déstabilisé à partir du Mali. Il connait profondément la problématique. Il est capable de dire à la communauté internationale toute la vérité qu’il pense bonne à dire pour qu’elle prenne toute ses responsabilités.
Tout le monde sait que la communauté internationale a refusé l’application du Chapitre 7 des Nations unies pour endiguer le terrorisme dans le Sahel. Bazoum est capable de leur dire la vérité en leur faisant comprendre que si cela n’est pas fait, le G5 Sahel va changer d’approche. Ce ne serait pas difficile pour lui d’appeler les Armées du Burkina Faso, du Mali, du Niger avec l’appui du Tchad de faire un front commun pour faire une autre approche contre le terrorisme, différente de celle qu’on connait et qui n’a apporté aucun résultat. Mohamed Bazoum est le seul capable d’apporter des solutions sécuritaires à la zone des trois frontières. C’est pour cette raison, que le Niger est devenu un centre géostratégique très important. Il est le symbole d’une minorité qui est devenue le Président de tous les Nigériens. Donc le problème ethnique, séparatiste ne se posera pas. C’est un exemple typique au-delà du passage démocratique de témoin. Bazoum est une chance pour le Sahel.
Propos recueillis à Niamey par
Abdrahamane Dicko