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Mme Mariam Kone, Présidente du FPVC : «Face à la hausse des prix, le plan de riposte du gouvernement n’a rien changé»

Organisation à but non lucratif et apolitique, le Front populaire contre la vie chère (FPVC) est résolument engagée dans la lutte contre l’augmentation des prix des produits de première nécessité afin de soulager les Maliens. Un combat qu’il mène à travers des meetings de protestation, des conférences de presse, des assemblées générales d’information, des sit-in… Dans cet entretien, sa présidente Mariam Koné (une journaliste très engagée pour le bien-être des populations maliennes) se prononce sur les mesures annoncées le 7 août 2022 à l’issue d’une session extraordinaire du conseil des ministres. Interview !

 

Le Matin : En tant que ménagère et en tant que présidente du FPVC, comment avez-vous réagi aux mesures annoncées par le gouvernement à l’issue de la session extraordinaire du conseil des ministres du 7 août 2022 ?

Mariam Koné : Comme toutes les autres ménagères, j’ai senti une lueur d’espoir. Puisque cette fois ci c’est la plus haute autorité qui s’est personnellement impliquée. Mais, après quelques jours, j’ai compris que ce conseil des ministres extraordinaire était juste une interpellation du gouvernement sur la gestion des 14 milliards accordés pour affronter l’inflation. Mais, toutes les preuves étaient réunies pour attester de la mauvaise gestion de ce fonds. Donc de l’espoir, les ménagères maliennes ont sombré dans le désarroi.

Le Front s’est engagé à veiller à l’application  de ces mesures. Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui qu’elles ont contribué à faire baisser les prix ?

Mariam Koné : Malheureusement, non, puisque ce gouvernement n’a pas de solution pérenne à ce problème. La bonne nouvelle est que le Front populaire contre la vie chère est une force de pression. Nous constatons que, à chaque sortie, le gouvernement essaie de cacher son incapacité en faisant des déclarations à effets d’annonce. A part leur sortie sporadique et ratée sur le terrain, nous sommes au regret de constater que rien ne change. C’est pourquoi, à la faveur de notre dernière conférence de presse tenue le mardi passé (16 août 2022), nous avons demandé au président de la République d’envisager d’autres moyens pour nous sortir de là. Et cela d’autant plus aussi bien les 14 milliards annoncés depuis avril que leur fameux plan de riposte n’ont rien changé dans le panier de la ménagère.

-Les Bamakois voire les Maliens ont l’impression que la hausse des prix est un phénomène volontairement suscité par des opérateurs économiques qui créent des pénuries afin d’augmenter les prix à leur guise. Quel est le constat du Front par rapport à cette situation ?

Mariam Koné : Vous savez, certains opérateurs économiques, surtout ceux qui ont la grande capacité d’importer sont aussi des victimes de la mauvaise gestion des fonds alloués au gouvernement. Le Front a fait sa petite enquête auprès de ces grandes sociétés d’importation des denrées alimentaires. Il s’est avéré qu’elles travaillent beaucoup avec des banques qui financent une partie de leur opération. On appelle cela en commerce, la tierce détention ! D’après nos informations, 16 banques au Mali s’inscrivent déjà dans cette dynamique pour épauler les importateurs.

Pour la petite histoire, le magasin de stock de sucre autour duquel la DGCC (Direction générale du commerce de la consommation et de la concurrence) faisait du buzz pour sauver la tête de leur DG, était un magasin en tierce détention au compte d’une banque dont nous tairons le nom par précaution. Les opérateurs économiques qui bénéficient de ces subventions et exonérations prennent l’argent de l’Etat et importent d’autres choses que les denrées alimentaires et ils sont connus des barons du régime.

Le ministre de tutelle et la DGCC ne peuvent rien faire puisque, dans la plupart des cas, ceux qui bénéficient de ces exonérations sont des protégés du régime et ou ceux qui acceptent de donner le fameux pourcentage des hauts cadres de l’administration du commerce…

-Face à la presse le 16 août 2022, vous avez souhaité que le gouvernement pense à une autre subvention pour nous soulager puisque les 14 milliards alloués n’ont servi à rien. Pensez-vous que les subventions soient la meilleure réponse structurelle à la hausse des prix ?

Mariam Koné : Non ! Il s’agit ici d’une solution conjoncturelle, donc à très court terme. Sinon les subventions sont même à bannir dans un futur très proche puisque les fonds destinés à cette fin sont détournés. C’est pourquoi, dans notre document cadre, le Front a recommandé les entreposages sous douane qui permettent non seulement à l’Etat de ne pas gaspiller l’argent du contribuable, mais aussi aux commerçants de bénéficier des frais de douane très insignifiants.

-Le 2 août dernier, vous avez évoqué face à la presse un document cadre contre la vie chère au Mali, fruit des mois de réflexion. Quelles sont les mesures phares contenues dans ce document ?

Mariam Koné : Il s’agit d’un document cadre institutionnel qui va permettre au gouvernement de nous sortir de là, s’il y adhère bien sûr. Le document en question comporte quatre grands axes, dont la mise en œuvre va progressivement permettre de maîtriser les prix dans notre pays. Il s’agit de résoudre les problèmes liés à l’exonération des produits ; pallier aux problèmes d’entreposage ; se baser sur la tierce détention des produits de première nécessité ; et axer les efforts sur le warrantage (le crédit warrantage est un outil de gestion, de la trésorerie et du risque agricole, adapté aux petits producteurs) qui  prend en compte la problématique de la rupture du marché en stock de  céréales (mil, sorgho, riz, fonio, etc.).

Le document comporte un Plan d’action qui facilitera  sa mise en œuvre. Ainsi, nous interpellons le gouvernement à prendre en main, sans délai, la souffrance du citoyen lambda. Et cela d’autant plus que, nous vivons non seulement une période de soudure, mais la flambée des prix des produits alimentaires a dépassé toutes les limites acceptables.

De quels moyens disposez-vous aujourd’hui pour faire appliquer les mesures contenues dans ce document ?

Mariam Koné : Nous avons en premier lieu notre force de pression. Le deuxième moyen, c’est la vulgarisation dudit document. Si les moyens nous le permettent, nous allons faire découvrir les acteurs du secteur du commerce, de l’élevage, de l’agriculture… En un mot,  tous ces hommes et femmes qui ont investi dans le secteur de l’approvisionnement des populations en produits de première nécessité. Nous envisageons aussi de rencontrer UNTM (Union nationale des travailleurs du Mali) pour nous appuyer à affronter le gouvernement pour la mise en œuvre de ce document cadre.

-Quel message adressez-vous aujourd’hui aux Maliens et aux Maliennes qui souffrent le martyr pour faire bouillir la marmite dans leurs foyers ?

Mariam Koné : Nous exhortons tout le monde à rejoindre le Front pour que, ensemble, nous puissions contribuer à la baisse des prix de façon durable aux Mali. Aux commerçants qui ont bénéficié des fonds de l’Etat, donc de l’argent du contribuable, qu’ils fassent preuve de patriotisme et qu’ils aient pitié du peuple déjà meurtri par ces nombreuses crises auxquelles le Mali fait face depuis plus de 10 ans.  Je vous remercie.

Propos recueillis par

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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