Présidente des femmes rurales de la commune de Kignan, non moins secrétaire générale adjointe du Bureau régional des femmes rurales de Sikasso, Mme Diarra Alimata Djourté dit « Katogo » consacre depuis plus d’une décennie toute son énergie à l’agriculture.
Conseillère communale, elle préside la Coopérative ‘’Danayaton’’ agropastorale de Kignan qui exploite un périmètre de 200 hectares. Les activités de la coopérative sont essentiellement basées sur l’agriculture et la transformation de nos produits agricoles, dont le riz étuvé de bonne qualité.
C’est au cours de son bref séjour à Bamako, la semaine dernière, que l’Amazone de Zéguédougou nous a accordé une interview dans laquelle elle interpelle les autorités maliennes sur l’insuffisance du quota accordé aux femmes lors de la répartition des intrants agricoles subventionnés.
Pourquoi vous avez fait le choix de vous engager dans l’agriculture ?
Les raisons sont simples. Quand tu vis en milieu rural, quelles que soient les activités que tu mènes, tu dois cultiver. Parce que c’est en cultivant que tu peux nourrir ta famille, vendre une partie de tes récoltes pour les dépenses quotidiennes de ta famille.
Vous savez, j’ai toujours été une passionnée de la terre. Un jour, j’ai approché le représentant de la direction de l’agriculture qui est chez nous pour lui parler de mon désir de progresser dans l’agriculture. Il a beaucoup apprécié l’idée. C’est ainsi qu’il m’a dit qu’il faut certaines connaissances de base et il m’a aidé. Car selon lui, je suis une femme courageuse. C’est après qu’on a créé la Coopérative ‘’Danayaton’’ agropastorale de Kignan composée de plus de 80 femmes, dont je suis moi-même la présidente. Nous cultivons principalement le riz, le maïs, l’arachide, le soja et nous faisons le maraîchage en contre-saison. Nos ressources financières sont versées sur nos comptes à la BNDA et à la BMS.
Comment avez-vous obtenu vos terres ?
Nous avons identifié un site, puis nous sommes allées voir les chefs coutumiers en charge des questions foncières. Nous avons eu leur accord pour l’aménagement. J’ai écrit une demande au nom de la Coopérative pour l’aménagement du périmètre de 200 hectares que nous occupons aujourd’hui. Nous avons eu gain de cause grâce à l’appui du président du Conseil régional de Sikasso, Yaya Bamba. Il s’est beaucoup battu pour nous. C’est également grâce à lui que les femmes rurales de la région de Sikasso s’en sortent bien. Il a continué de nous soutenir. Pendant quatre années successives, il nous a appuyées en termes d’intrants, de fonds. On a commencé avec 10 hectares, il nous donnait 4 sacs d’engrais par hectare. L’année où nous avons cultivé 40 hectares, il nous a donné tout l’engrais qu’il fallait. De nos jours, nous cultivons environ 200 hectares.
Est-ce que le début a été facile pour vous et vos camarades ?
Au départ, les choses n’ont pas été faciles. Les gens n’avaient pas compris. Ils pensaient que c’était impossible, vu la distance du périmètre aménagé par rapport au village. Beaucoup se sont moqués de nous à l’époque. Nous n’avons pas abandonné, parce que nous étions convaincues que ça allait marcher. Et aujourd’hui, tout le monde est d’accord ! (Rires)
Parlez- nous de votre production saisonnière !
Nous pouvons faire une production de 5 tonnes par hectare. Ce qui fait qu’on peut aller de 500 à 800 tonnes par saison. Tout dépend de la pluviométrie, de l’obtention et de la qualité des intrants. Ces dernières années, on a eu des difficultés quant à l’obtention des engrais. Il y a eu une année où nous avons rempli notre magasin jusqu’à aller garder le reste ailleurs. Nous avons eu ce magasin d’une capacité de stockage de 1000 tonnes lors d’une visite du gouverneur de l’époque et de Yaya Bamba dans notre champ. Ce jour là, ils ont constaté que nos récoltes étaient exposées à la merci de la pluie et toutes sortes de risques.
Comment se passe la récolte du début à la fin ?
La récolte se fait à la main. Nous pouvons mobiliser plus de 80 femmes pour la circonstance. Nos hommes nous soutiennent beaucoup aussi. Nous en sommes les actrices principales. Nous avons une batteuse qui est devenue trop petite. Il existe une machine qui a une capacité de production de 300 à 400 sacs par jour. Si nous parvenions à avoir celles-là, cela nous ferait énormément plaisir.
Avez-vous des partenaires ?
Oui. Nous avons bénéficié de beaucoup de formations sur la maîtrise des techniques de production du riz, l’utilisation des engrais chimiques et organiques, des formations sur l’entrepreneuriat, le marketing et la maîtrise du marché et la fabrication du riz étuvé grâce aux partenaires comme CIV, Swisscontact. Le Conseil régional de Sikasso fait beaucoup pour nous. Le Papam adzap a aménagé nos périmètres.
Présentement, nous avons une doléance pour avoir un tracteur. Et nous sollicitons les partenaires et les personnes de bonne volonté de nous appuyer dans l’acquisition de cet important outil de travail.
Avez-vous des difficultés ? Si oui, lesquelles ?
Elles sont surtout d’ordre matériel. Nous avons besoin d’une moissonneuse, d’une batteuse, d’une décortiqueuse de grande capacité et d’un tracteur. Si nous parvenions à résoudre ce problème, cela contribuerait à booster nos productions. En plus, nous gagnerions en temps.
Il y a aussi le problème de conservation. Alors une unité de transformation ou des matériels de conservation feraient l’affaire. Parce qu’après les activités rizicoles, nous consacrons le reste de notre temps au maraîchage. Pour cela, nous disposons de 5 hectares aménagés. Par exemple, Il y a des moments, nous récoltons de la tomate en quantité qui pourrissent, faute de preneurs.
Quant à l’écoulement du riz, les difficultés sont derrière nous. Depuis que nous avons commencé à faire du riz étuvé, nous écoulons facilement nos produits, parce que les commandes ne s’arrêtent pas.
Est-ce que vos activités vous ont permis d’être financièrement autonomes ?
Nous ne pourrons dire combien ces activités ont contribué à impacter positivement nos vies. Imaginez les années où il n’y avait pas de bonnes récoltes du karité : les femmes passaient le clair de leur temps à faire du thé et du bavardage ou ne faisaient que quémander. Alors qu’en milieu rural, si tu vis dans une grande famille, tu es obligée de faire quelque chose pour t’en sortir avec tes enfants.
Aujourd’hui, certaines, après les récoltes, donnent une partie à leur famille et vendent le reste pour leurs propres besoins et ceux des enfants. Vous voyez combien, c’est bénéfique !
Quel est votre message ?
Mon premier message, c’est à l’endroit des femmes rurales. Ça ne sert à rien de rester les bras croisés. Qu’elles s’intéressent au travail de la terre, car il permet à la femme de subvenir à ses propres besoins, d’entretenir ses enfants et de devenir autonome.
Aux autorités, Il faut qu’elles priorisent les femmes rurales pour l’obtention des intrants agricoles en début d’hivernage. L’accès aux intrants agricoles constitue un énorme problème pour nous. Il y a des femmes qui font mieux que certains hommes au champ, mais au moment des répartitions des engrais subventionnés, elles s’en sortent presque les mains vides. C’est triste ! La part des femmes est insuffisante dans la répartition des intrants. On peut sauver le Mali avec l’Agriculture, la terre ne trahit pas. Et nous, les femmes rurales, sommes prêtes à aider les hommes pour relever le défi.
Propos recueillis par Moussa Diarra
Katogo, la locomotive de la riziculture du Zéguédougou
Située à une soixantaine de kilomètres de la ville de Sikasso, la commune rurale de Kignan est une zone d’agriculture par excellence. S’il est rare de voir une femme tenir la dragée haute aux hommes dans cette contrée, Mme Diarra Alimata Djourté dite « Katogo » a su se bâtir une solide réputation. Contre vents et marées, elle a réussi où beaucoup d’hommes n’ont pas osé aller. Parce que convaincue d’une chose : la terre appartient à celui qui la met en valeur.
Grâce à son courage, sa détermination, elle est devenue la locomotive de la riziculture de Zéguédougou. Son combat quotidien pour l’autonomisation de la femme rurale est sans limite. Mme Diarra Alimata Djourté est un cas d’école de par son leadership, sa bravoure et surtout son sens élevé de responsabilité. Elle prouve au monde entier que l’absence de diplôme n’est pas un handicap à l’affirmation de la compétence féminine. Aujourd’hui, Katogo et ses camarades de Zéguédougou (ancien chef-lieu de canton) rêvent de la création d’une petite unité industrielle à travers la transformation de leurs produits.
MD
Le Challenger