« On ne renforce pas la cohésion en muselant les voix discordantes. On ne fonde pas une nouvelle république en reniant les principes de la précédente », aimait répéter un sociologue. Cette assertion s’y bien au contexte actuel malien.
Le Mali traverse une période de transition cruciale. Dans cette phase délicate, les choix des autorités actuelles engagent non seulement l’avenir du pays, mais aussi les fondements de notre vie démocratique. C’est pourquoi il est impératif de tirer la sonnette d’alarme face à un projet aussi dangereux qu’injustifiable : la dissolution des partis politiques.
Cette mesure, issue d’une concertation sur la Charte des partis politiques, ne saurait avoir force de loi. D’autant que ladite concertation, loin d’être inclusive, n’a réuni qu’un cercle restreint d’acteurs en phase avec la vision du pouvoir. En réalité, elle n’a pas représenté le peuple malien dans sa diversité ni dans sa volonté profonde. Elle a servi de paravent à une décision politique déjà arrêtée.
Mais le plus grave est ailleurs. Ce projet viole frontalement la Constitution malienne adoptée par référendum en juillet 2023. L’article 8 de cette Constitution est sans ambiguïté : « le pluralisme politique est reconnu et garanti ». Dissoudre les partis politiques, c’est donc porter atteinte à l’une des pierres angulaires de notre contrat social. C’est désavouer le peuple malien qui, en votant cette Constitution, a exprimé son attachement à un Etat de droit et à une démocratie pluraliste.
Certains justifient cette mesure par le besoin de refondation, de moralisation de la vie politique ou de paix sociale. Ces objectifs sont légitimes, mais ils ne peuvent être atteints au prix d’un recul démocratique. On ne construit pas la paix en imposant le silence. On ne renforce pas la cohésion en muselant les voix discordantes. On ne fonde pas une nouvelle république en reniant les principes de la précédente.
Au nom de la paix sociale, de l’unité nationale et de la responsabilité historique qui lui incombe, le président de la Transition, doit renoncer à ce projet. Il lui revient de respecter la parole du peuple et de préserver l’esprit de la Constitution qu’il s’est engagé à faire respecter.
Car un Mali sans partis politiques, c’est un Mali sans débats, sans opposition, sans contre-pouvoirs. Et un pays sans contre-pouvoirs est un pays en danger.
Amadou Sidibé