Le communiqué du conseil des ministres du mercredi dernier, 05 octobre 2022, a annoncé, au premier point du chapitre des mesures législatives et règlementaires, l’adoption d’un projet de loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection civile.
Cette mesure, pourtant prônée par les Assises Nationales de la Refondation, a apparemment surpris singulièrement les policiers, avec en tête de file leurs plus haut gradés, manifestement tous engagés dans des projets avancés de création de syndicats. Ignoraient-ils les recommandations des Assises Nationales de la Refondation les concernant ou veulent-ils exercer sur les plus hautes autorités de la transition un chantage inadmissible au motif qu’ils doivent abandonner leur velléité syndicaliste ? Pour ce qui est des tenants et aboutissants du projet de loi qui passera bientôt devant le CNT (Conseil National de la Transition) pour adoption, le communiqué du conseil des ministres est d’une grande limpidité : « Sur le rapport du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Conseil des Ministres a adopté un projet de loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection civile. Au regard de la situation sécuritaire et des défis multiples auxquels les forces de défense font face, il a été souverainement recommandé lors des Assises nationales de la Refondation de militariser la Police nationale.
Le projet de loi adopté consacre la militarisation de la Police nationale et de la Protection civile. Cette militarisation permettra de déployer la Police nationale dans les zones reconquises par l’Armée afin d’y assurer la sécurité des populations et de leurs biens et empêcher le retour des forces du mal. Elle est étendue à la Protection civile qui constitue le deuxième segment du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile avec la Police Nationale pour permettre de couvrir l’arrière des forces engagées au combat en vue de préserver les acquis et sécuriser l’Administration et les populations. Sur cette base, les fonctionnaires de la Police nationale et de la Protection Civile engagés en opération, bénéficieront des mêmes avantages que les autres militaires.
La militarisation de la Police nationale et de la Protection civile concourt à la réalisation des objectifs de la refondation de l’Etat. » Mais les policiers ne semblent pas entendre les choses d’une oreille bien curée. Depuis le 05 mercredi, ils sont dans un état de branle-bas, multipliant les rencontres et s’épanchant sur différentes plateformes d’information, comme pour se faire entendre par des sourds. Leur attitude, à mi-chemin entre le chantage et l’indiscipline, a beaucoup intrigué les citoyens qui ne se sont pas empêchés de leur donner la réplique sur les réseaux sociaux, souvent avec une virulence qui dénote que les Maliens sont parfaitement d’accord avec ce que le conseil des ministres a arrêté, à savoir militariser la Police nationale et la Protection civile afin leur militarisation permette de déployer la Police nationale dans les zones reconquises par l’Armée afin d’y assurer la sécurité des populations et de leurs biens et empêcher le retour des forces du mal. Le communiqué du conseil des ministres est si explicite qu’il n’y avait pas matière à pavoiser littéralement. En effet, la militarisation « est étendue à la Protection civile qui constitue le deuxième segment du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile avec la Police Nationale pour permettre de couvrir l’arrière des forces engagées au combat en vue de préserver les acquis et sécuriser l’Administration et les populations. Sur cette base, les fonctionnaires de la Police nationale et de la Protection Civile engagés en opération, bénéficieront des mêmes avantages que les autres militaires. La militarisation de la Police nationale et de la Protection civile concourt à la réalisation des objectifs de la refondation de l’Etat. » Mais les policiers ont choisi, de toute évidence, d’aller vers le pugilat, en glissant les choses vers le terrain de l’équivalence des grades, comme si c’est ce qui les intéresse le plus, au détriment de toutes autres hautes missions destinées à la sauvegarde des personnes et des biens, et pire, comme s’ils ne se soucient que de l’emporter dans une rivalité qui les oppose aux militaires, chose qui ne se trouve que dans leurs seules petites têtes. Les policiers deviennent-ils un véritable danger pour la République ?Il faut rappeler que les policiers avaient demandé un changement de statut qui avait été accepté par l’entremis du Général Salif Traoré, alors ministre de la sécurité, par le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta à un moment où le pouvoir du Mandé Massa vacillait, ce qui était bien perceptible par des gens avisés. Dans ce nouveau statut, ils avaient exigé que les inspecteurs soient désormais appelés officiers de police. Avec cette appellation, ils allaient tout simplement s’approprier des dénominations des grades de l’armée, ce qui paraissait déjà anachronique.
La police avait donc piégé le gouvernement depuis cette période. Tout est parti d’une simple volonté d’harmonisation de dénominations. Mais quand on a un Etat faible et des négociateurs médiocres qui n’ont aucune vision à long terme et qui sont incapables de mesurer les conséquences de leurs actes, c’est toujours pareilles difficultés qui se posent pour l’avenir. C’est ce que nombre d’intervenants sur les réseaux sociaux ont déploré à juste raison. Si les évènements ne s’étaient pas précipités, ils étaient en passe d’imposer que les inspecteurs de police deviennent des lieutenants de police, les inspecteurs principaux des capitaines, les inspecteurs divisionnaires des commandants et les inspecteurs de classe exceptionnelle des commandants-majors. En réalité, une ruse pour rivaliser avec les officiers de l’armée en grades et traitements. Ils ont donc, dans la foulée, exigé que les ex inspecteurs de police, qui sont de catégorie B2, deviennent des cadres de la catégorie A. Le masque ainsi tombé, avec ces dénominations si celles-ci leur sont acquises, ils auraient réussi à se comparer aux officiers de l’armée pour bénéficier des mêmes avantages que ces derniers. Le problème qui se poserait alors, si les officiers de police deviennent des catégories A, les commissaires de la catégorie A, il y aura un dysfonctionnement qui amènerait les militaires gradés à se poser certaines questions, en tout cas à s’interroger. En effet, quand on regarde le commandement dans l’armée, l’équivalent d’un officier, c’est le commissaire de police, non les ex-inspecteurs de police devenus officiers. Dans l’armée, les officiers sont de la catégorie A et les sous-officiers de la catégorie B2. Quant aux caporaux, ils sont de la catégorie B1. Où admettra-t-on deux catégories A dans deux corps d’une même corporation, c’est-à-dire le corps des commissaires et le corps des officiers de police ? Telle est la question posée par un spécialiste.
La police croit-elle pouvoir prendre le commandement de notre armée ?Aujourd’hui, les policiers, à l’unisson, demandent des grilles unifiées avec celles de l’armée. Ils ne se posent pas la question de savoir qui, dans l’armée, sont leurs correspondants, il leur faut tout simplement qu’ils soient sur le même pied d’égalité que les militaires. On dirait une hantise. A s’y méprendre, la police risque de devenir un véritable danger pour la République, leur fébrilité depuis le 05 octobre avec la diffusion du communiqué du dernier conseil des ministres le montre. Comment le gouvernement va-t-il s’y prendre pour gérer la hiérarchie des grades ? Ul y a un véritable problème sur la table et c’est un véritable casse-tête qui rappelle les frustrations nées de l’article 39 pour ce qui est des enseignants. Les policiers vont peut-être créer un lobby qui va certainement vouloir manipuler certains membres du CNT qui vont faire voter du n’importe quoi et qui sera impossible à mettre en œuvre, engendrant des frustrations chez les militaires. La commission en vue qui sera mise en place pour l’élaboration d’un nouveau statut sera composé essentiellement de policiers et de sapeurs-pompiers. Du moins c’est ce que veulent les policiers. S’exprimant sur cette perspective, l’adjudant Bougouna Baba Dembélé, secrétaire général du Syndicat Autonome de la Police (SAP), est mi-figue, mi-raisin : C’est une recommandation des Assises Nationales de la Refondation.
Nous sommes au service de la population qui a demandé ce changement. Et si le peuple le recommande, les autorités doivent l’appliquer. » Et de réclamer l’implication de la police dans la modification désormais inévitable (la militarisation) de leur statut. Les sapeurs-pompiers, eux, rien dit encore, ce qui signifie qu’ils n’ont pas de problème. L’état d’esprit quasi belliqueux des policiers a été rendu manifeste par quelqu’un, se prévalant du corps, a publié dans la nuit du dimanche à lundi, 10 octobre, sous anonymat, ce qu’il a appelé ‘’sa contribution en tant que fonctionnaire de Police sans surenchère ni fausse modestie’’ Dans cette communication aux accents de pétition, le brave personnage fait une hiérarchisation des grades des policiers à militariser relativement aux grades des militaires professionnels.
Inutile de dire qu’il a versé dans la démesure et la divagation dans son énumération des équivalences jusqu’à vouloir faire d’un Commissaire-Divisionnaire de police l’alter égo d’un Général de Brigade dans l’armée. Piqué au vif par une contribution aussi saugrenue, un administrateur civil fort expérimenté réagit vivement : « Il est fou celui-là ! Les correspondances qu’ils indiquent sont une foutaise. Faire correspondre le corps de commissaire au grade de colonel est risible. On intègre directement le corps de commissaire suite à un concours sans autre forme de procès. Or, pour être colonel, il faut commencer d’abord par l’EMIA avec le grade de sous-lieutenant et ensuite gravir les échelons, une à une.
Cela peut prendre 15 ans sinon plus. Inspecteur général qui doit être général d’armée, c’est le comble ! À ce jour, il n’y a même pas de Général d’armée au Mali. Donc, la police veut tout simplement prendre le commandement de notre armée à la faveur de cette militarisation. Celui qui a fait ce torchon-là est un imbécile se moque de l’armée, de la République et di bon sens. Un rêveur qui pense que la police a le même droit à un dédommagement pour avoir perdu son droit de grève ! C’est sans commentaire.
Sy Eric