Le Conseil des ministres du mercredi 5 octobre a adopté un projet de loi portant militarisation de la police nationale et de la protection civile. La mesure, qui s’inspire des résolutions des Assises nationales de la refondation, en plus d’étouffer l’effectif sur le front, sera une aubaine pour la Transition, d’une pierre deux coups, à savoir : résoudre des problèmes liés à la grille unifiée ; et de mettre fin au syndicalisme en outrance dans ces deux corps.
Angoissé par l’insécurité entretenue par des groupes terroristes opérant dans plusieurs localités où ils imposent leur diktat à la population civile, le gouvernement de la transition a décidé de militariser deux corps paramilitaires à savoir : la police nationale et la protection civile.
Ce mercredi, un communiqué du Conseil des ministres annonce la décision qui permettra de déployer la police nationale dans les zones reconquises par l’Armée afin d’y assurer la sécurité des populations et de leurs biens et empêcher le retour des forces du mal.
Elle est étendue à la protection civile, ajoute le communiqué, qui constitue « le deuxième segment du ministère de la Sécurité et de la protection civile avec la police nationale pour permettre de couvrir les arrières des forces engagées au combat en vue de préserver les acquis et sécuriser l’Administration et les populations ».
Si cette décision s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions des Assises nationales de la refondation tenues en décembre 2021, elle permettra aux autorités de notre pays de résoudre des problèmes auxquels elles font face, notamment l’application de la grille unifiée à tous les agents de l’État et la création en outrance des syndicats au niveau de ces deux corps. Ces derniers, police nationale et protection civile, se sentant exclus, marginalisés sont montés au créneau plusieurs fois pour réclamer l’application de la grille unifiée à leur corps conformément à la loi.
« On a fait cette grille en fonction de la grille des autres travailleurs de l’administration de l’État et en fonction des autres corps. Conformément à la politique du gouvernement, la grille a été élaborée en tenant compte du diplôme et du grade. À diplôme égal, salaire égal. Et même traitement pour les éléments du même grade », a indiqué le sergent-chef Ibrahim KEITA, l’un des syndicalistes lors d’une assemblée générale tenue en avril 2022.
Pour lui, « le principe d’équité d’uniformisation de la grille n’a pas été respecté », puisqu’il se trouve, avait-il commenté, que la différence entre les grilles est énorme au détriment de la police.
« Nous sommes tous des Maliens. Nous bénéficions du même droit. Ce combat d’équité, nous allons le mener jusqu’au bout. Nous allons répondre face à l’histoire. Nous allons revendiquer dans le respect strict de la loi de la république », avait insisté le syndicaliste.
À la protection civile, le même combat était porté par les responsables syndicaux de ce corps. À cet effet, lors de son point de presse du 15 septembre dernier, le secrétaire général du syndicat de la protection civile, Karim GUILAVOGUI a affirmé que si des fonctionnaires bénéficiaient déjà des avantages liés à l’uniformisation de la grille, elle n’était pas effective pour les sapeurs-pompiers.
« Nous constatons une volonté manifeste de ne pas adopter cette grille. L’administration est une logique de faire perdre du temps en faisant semblant d’agir», avait déploré M. GUILAVOGUI.
La décision va ainsi mettre fin au bras de fer qui était en gestation, car, selon le projet de texte, « les fonctionnaires de la Police nationale et de la Protection civile engagés en opération bénéficieront des mêmes avantages que les autres militaires » et d’apaiser la grogne sociale avec les multiples révendications des syndicats en stand-by.
Par ailleurs, pour la protection civile, c’est la fin de course pour l’adoption d’un statut particulier pour ce corps, un combat de plusieurs mois.
Cependant, dans les deux cas, cette militarisation va mettre fin au syndicalisme à la police et la protection civile qui comptent, en tout, plus d’une dizaine de mouvements de revendications. Ainsi, c’est la fin des communiqués et des assemblées générales à caractére syndicaliste, pour des responsables de ces corps promptes à agir, non de la liberté syndicale.
Pour de nombreux observateurs, la création en outrance des syndicats à la police a contribué à l’indiscipline dans l’exécution des ordres et des missions. Le projet de loi, s’il est adopté par le Conseil national de transition (CNT), viendra mettre fin à « ce désordre », selon plusieurs Maliens.
La décision aura aussi l’avantage, selon un officier qui a requis l’anonymat, de combler le vide d’effectif dans certaines zones d’insécurité et la ligne de front. Certes, souligne-t-il, la police est présente dans des zones avancées, mais elle ne participe pas à la traque des terroristes.
En saluant la mesure, pour notre interlocuteur, cette décision aurait dû être prise par le régime de feu Ibrahim Boubacar KEITA pour renforcer la lutte contre le terrorisme dans le pays et freiner l’avancée de ces groupes. « Aujourd’hui, la police nationale est très équipée, elle peut valablement jouer la mission de la défense du territoire nationale, outre le maintien d’ordre », a affirmé notre source.
PAR SIKOU BAH