Le Royaume-Uni va aider financièrement la France à gérer les migrants qui s’entassent à Calais (Pas-de-Calais) dans l’espoir de traverser clandestinement la Manche, un soutien attendu de longue date par cette ville portuaire et par Paris.
Les deux pays ont conclu un accord sur la “gestion de la pression migratoire” dans la ville du Pas-de-Calais, a annoncé samedi le ministre français de l’Intérieur dans un communiqué.
Selon Bernard Cazeneuve, qui vante une “avancée très importante”, le Royaume-Uni “reconnaît” être “responsable avec la France des mesures urgentes et de long terme qui doivent être mises en place” pour “dénouer la crise que connaît la question migratoire à Calais depuis plusieurs années”.
Cet accord, conclu après “trois semaines de négociations” entre le ministre français et son homologue britannique Theresa May, prévoit la création d’un “fonds commun”, “alimenté par une contribution britannique de cinq millions d’euros par an pendant trois ans, soit 15 millions d’euros au total”, selon le gouvernement français, qui ne précise pas à ce stade son propre apport.
Interrogé par l’AFP, le ministère a expliqué que “jusqu’ici, la France assumait seule le coût”, “la contribution française existe déjà”. “Les 15 millions britanniques vont donc soulager l’Etat, les collectivités locales et la chambre de commerce et d’industrie, et permettre d’investir plus vite”, plaide-t-on dans l’entourage du ministre.
“Ce fonds financera des actions destinées à sécuriser le port de Calais”, dont l’agencement sera “modifié pour améliorer les contrôles et fluidifier le trafic”, et à “protéger les personnes vulnérables”, selon le communiqué. La coopération policière contre les filières de passeurs sera “renforcée” avec des échanges de policiers.
– Près de 1.500 clandestins –
Selon Jean-Marc Puissesseau, président de la CCI Côte d’Opale, gestionnaire du port de Calais, les 15 millions d’euros correspondent à un plan de mise en sécurité du port, qu’il a présenté il y a trois jours à Bernard Cazeneuve.
L’aide financière britannique pourra permettre de lancer prochainement trois chantiers, a affirmé M. Puissesseau lors d’un point presse à Calais: la pose de clôtures de 4 m de haut équipées de détection périmétrique sur la rocade d’accès au port pour éviter les “assauts répétés des migrants” sur les camions ; l’augmentation du nombre d’aubettes (postes de contrôle) de l’immigration britannique ; et la création d’un vaste parking sécurisé d’attente pour les poids-lourds.
“C’est la première fois qu’on obtient une réponse accompagnée de financement de la part du gouvernement britannique, et c’est une reconnaissance officielle de ce gouvernement de ce que nous vivons depuis plus de douze ans à Calais”, s’est réjoui de son côté le maire (UMP) de Calais, Natacha Bouchart, qui avait menacé de bloquer le port sans “geste fort” du Royaume-Uni.
Paris réclamait depuis longtemps une aide à Londres, estimant que ses efforts pour empêcher les migrants de passer outre-Manche étaient dans l’intérêt des deux pays. Mais jusqu’ici, le soutien proposé côté britannique avait surtout agacé les Calaisiens, à l’instar de la proposition de donner à la ville les barrières de sécurité utilisées lors du dernier sommet de l’Otan au Pays de Galles pour remplacer celles qui sont jugées “trop faciles à escalader”.
Le secrétaire d’Etat britannique à l’Immigration James Brokenshire a affirmé dans un communiqué que la France et la Grande-Bretagne continueraient à faire en sorte que le problème de l’immigration clandestine, “dont Calais n’est que la partie visible”, soit traité plus largement aux niveaux européen et international.
Quelque 1.400 à 1.500 clandestins, selon les autorités françaises, principalement originaires du Soudan et d?Érythrée, se trouvent actuellement à Calais et dans les environs avec l’espoir d’aller demander l’asile en Grande-Bretagne.
Bernard Cazeneuve a par ailleurs souligné que l’accord franco-britannique n’était “qu’une étape” d’un “plan global”, qui prévoit notamment un “accueil de jour” et “l’hébergement des personnes vulnérables” sur un site à définir, un “développement de l’accès des migrants à la demande d’asile en France” et une meilleure coopération européenne avec les pays d’origine et de passage pour “limiter l’exode massif, parfois mortel” de migrants à travers la Méditerranée.