Ils sont aux abords des grandes artères, au niveau des carrefours et des feux tricolores pour tendre la sébile. Non sans danger pour eux et pour les autres usagers de la route
La mendicité longtemps perçue et tolérée par la majorité de nos compatriotes comme un phénomène religieux, s’inscrit désormais dans une dimension sociale importante dans notre pays. Aujourd’hui, les mendiants se trouvent sur les grandes artères et carrefours de la ville où, ils tendent la sébile aux usagers de la route. Ils se faufilent entre les engins à deux ou quatre roues, bravant tous les dangers. Le tout dans un stress à changer le métabolisme des usagers parce que ceux-ci sont contraints d’être hyper vigilants pour ne pas les écraser et s’attirer des ennuis.
Les mendiants dans la circulation représentent d’abord une menace pour eux-mêmes parce qu’ils s’exposent aux accidents et peuvent être aussi un risque pour les usagers (très souvent pour les motocyclistes). Dans ce contexte, ils peuvent créer des problèmes aux autres usagers qui, en cas d’accident, se démènent parfois pour faire face à leurs premiers soins, voire à une prise en charge globale.
Le phénomène est en train de devenir un vrai casse-tête pour les usagers et la question revient très souvent au cœur des conversations. Il ne viendrait à l’idée de personne encore moins d’une quelconque autorité compétente (en tout cas pas pour l’instant) de «confiner» les mendiants dans un lieu comme on l’aurait fait dans un pays voisin. La réflexion fait sourire certains mais il est important de percevoir ce casse-tête dans une analyse globale et de trouver la meilleure formule pour tout le monde.
Les mendiants, réglés comme une pendule, «assaillent» les usagers de la voie publique. Ces personnes qui vivent généralement dans une certaine précarité économique quémandent l’aumône pour faire face à certains besoins vitaux comme manger ou se soigner.
Dans cet esprit, la chose passe comme lettre à la poste chez les Maliens mais qui n’apprécient guère de voir certains en faire un métier. Parmi ceux qui sont en train de dévoyer la lettre et l’esprit de la pratique se trouvent toutes les tranches d’âge ou presque et des personnes vulnérables. On y aperçoit des aînés du troisième âge, des adultes (des veufs ou des veuves), des handicapés de tout âge, des orphelins et des élèves coraniques.
Ces mendiants envahissent tous les grands carrefours de la capitale avec ou sans guide pour demander l’aumône. On les croise un peu partout. Certains sont même aptes à travailler et à gagner leur pain à la sueur de leur front. D’autres traînent des handicaps qui poussent nos compatriotes à exprimer une forme de solidarité à leur égard. Sur les routes bitumées, au niveau des grands carrefours et des feux tricolores, certains mendiants se font accompagner par des enfants (très souvent des jumeaux ou des faux) qui leur servent de guide.
On raconte qu’ils louent très souvent ces gosses, parfois en âge de scolarisation. Ils les trimballent un peu partout dans la ville et reçoivent en contrepartie une rémunération selon les clauses établies entre les géniteurs de ces enfants et les mendiants. Cette situation révolte la conscience humaine et personne ne doit s’accommoder d’une telle cupidité des parents. Pour des broutilles, on compromet l’avenir de ces mômes mais le plus grave est qu’ils sont constamment exposés au danger.
ENTRAVER LA CIRCULATION- Comme ce soir d’Achoura, premier mois du calendrier musulman, au niveau du carrefour du commissariat de police du 3è Arrondissement, un jeune mendiant, probablement la quinzaine, se glisse entre les engins. Il est effleuré par un motocycliste. Pris de panique sous les invectives de l’usager, il s’échappe rapidement sans crier gare. Va-t-il ressentir le choc après ? Malheureusement nous sommes incapables de le dire.
Au niveau des ronds-points, des feux tricolores, les mendiants sont constamment présents sur la chaussée. Ils contribuent parfois à entraver la circulation parce qu’empêchant parfois la file de véhicules de passer rapidement les feux tricolores par exemple. Ils le font au mépris du danger. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un petit tour dans la ville pour constater ce qui est en train de devenir un casse-tête pour les usagers.
Notre équipe de reportage s’est intéressée à certains comme ce mal voyant de 56 ans que nous désignons sous les initiales de M. S. Il réside à Hamdallaye et arpente tous les jours certains endroits de la ville, notamment le rond-point Maliba et certains carrefours de Lafiabougou, en compagnie d’une dame de 35 ans qui lui sert de guide.
Il s’estime heureux de se retrouver en vie après avoir été percuté par une moto taxi à un carrefour de la ville. M. S reste conscient du danger qu’il encourt. «Nous n’avons pas d’autre choix. C’est la seule manière pour nous de gagner notre vie et de subvenir à nos besoins», explique le quinquagénaire. Son accompagnatrice argumente pareillement. Elle explique aussi ne chercher autre chose que sa subsistance sous la protection d’Allah, le Clément et Miséricordieux.
Au rond-pond de la Tour de l’Afrique officie Moussa Bah, un mendiant de 12 ans. Le jeune talibé (élève coranique) fréquente les lieux depuis deux ans. Il s’y pointe cinq fois dans la semaine, notamment du lundi au vendredi pour tendre la sébile aux âmes généreuses. Il sacrifie le week-end à la corvée de son maître coranique.
Il explique avoir beaucoup de chance d’opérer dans les environs de la Tour de l’Afrique parce qu’il estime que ça lui apporte un peu d’argent. Pourtant, malgré son jeune âge, Moussa Bah reconnaît que les circonstances peuvent l’amener à courir des risques et à se mettre en danger. Mais il essaie d’être le plus prudent possible.
LA CHASSE AUX MENDIANTS- Mamadou Diarra, chauffeur de Sotrama, dit avoir été témoin d’un cas d’accident provoqué par un mendiant. Lorsque que celui-ci courait pour ramasser une pièce de 100 Fcfa qui lui avait été jetée par un bienfaiteur, les feux tricolores sont passés au vert et le mendiant s’est fait renverser par un automobiliste qui avait appuyé sur l’accélérateur au moment où le mendiant voulait traverser.
Il fut grièvement blessé avec des fractures au niveau des membres (jambes et bras). « Nous passons toute la journée à courir après les petits mendiants et autres dans beaucoup d’endroits afin qu’ils arrêtent de s’exposer. Hélas, ils ne sont pas prêts à abandonner leur pratique sur la voie publique. Nous faisons parfois preuve de pédagogie en sensibilisant », témoigne un policier de la circulation routière au niveau d’un rond-point et qui a préféré garder l’anonymat.
Selon le porteur d’uniforme, ils ont reçu des instructions de leur hiérarchie de débarrasser les grandes artères et les carrefours des feux tricolores des mendiants. Mais lui-même reconnaît la complexité de la chose. Il précise que le législateur a interdit la mendicité et rappelle que celle-ci est punie par le Code pénal de 1962 et celui de 2002.
« Mais au nom de la religion et d’une vertu cardinale de notre société : la solidarité, la pratique est tolérée par les gens », explique cet autre policier qui, lui aussi a préféré ne pas décliner son identité. Il prône des actions vigoureuses contre le phénomène et invite à redoubler d’efforts pour la réinsertion socio-économique des mendiants. « Il faut vraiment mener une bonne campagne de sensibilisation, d’information et d’éducation sur les accidents dont ils peuvent être victimes », ajoute-t-il.
En tout cas, le phénomène agace nos compatriotes et engendre parfois des accidents de la voie publique. Les autorités sont donc interpellées et se doivent de réagir pour trouver la bonne formule qui arrange tout le monde. Parce que ces personnes qui vivent dans la précarité ont besoin de la protection et du soutien de nous tous.
Siné S. TRAORÉ
Source : L’ESSOR