L’on se pose la question pourquoi la forte présence militaire française appuyée par des contingents internationaux n’est jamais arrivée à venir à bout des djihadistes.
Face à l’inquiétude de la menace issue du Sud au plan interne, mais également à partir des profondeurs géographiques que constitue le Sahel, les éléments prémonitoires se sont affirmés. Ils sont contenus, notamment dans «la menace d’implosion des États nés de la décolonisation» et «autopsie d’une crise». Une crise sécuritaire, dangereuse régionalement, (Maghreb et les États du Sahel), aux facteurs multidimensionnels, ne cesse de prendre de l’intensité sur un terrain rendu fertile depuis 2011, (terrorisme, trafics d’armes, tension intercommunautaire, fuite de la jeunesse, rébellion par djihadistes interposés, coup d’État récent). Pour les pays maghrébins particulièrement, si la chance divine les a épargnés d’une situation multiconfessionnelle, (sunnisme face au chiisme, choc civilisationnel: islam- judéo- christianisme, tous ces maux qui minent le Moyen-Orient), ils sont par contre confrontés à la composition de couches socioculturelles de leur société respective, dont les dirigeants politiques, piégés par la corruption, entretiennent souvent l’exaspération et agitent la marmite bouillonnante pour s’accrocher au pouvoir.
La mise en place d’une nouvelle carte géopolitique au Moyen-Orient, qui doit nécessairement succéder à celle instruite après 1945 à Yalta par les puissants du monde, a été entravée par l’entrée inattendue de la Russie au côté de la Syrie.
Les stratèges de cette option ont décidé d’un répit. En attendant, ils ont porté leur choix sur l’Afrique du Nord, dont le tour était de toute façon programmé ultérieurement. L’année 2011 était charnière. En commençant en 2011 par la petite-fille, la Tunisie était le but de brouiller momentanément la piste. La clé de transfert fut la Libye.
En effet, en 2012, le natif de Tlemcen, Bernard-Henry Lévy, connu pour être à la solde du sionisme international, trouva comme prétexte de courir au secours du peuple libyen pour le sauver du dénuement, alors que pendant quarante années consécutives, on ne s’était aperçu de rien.
Péril sur des musulmans innocents
En fait, le leader libyen a entamé la mise en oeuvre d’une opération de substitution d’une monnaie unique africaine, le dinar, en lieu et place du franc, CFA, par le dépôt de garantie de 150 millions de dollars à une Banque centrale d’un pays africain fixée d’un commun accord par les États concernés. L’intervention militaire disproportionnée occidentale manifeste a précipité l’élimination de Kadhafi, déclenchant dans sa chute un déversement considérable d’armes dans le Sahel et une déstabilisation des États sahéliens à partir de 2013.
La vox populi africaine se pose la question de savoir pourquoi la forte présence militaire française appuyée par des contingents européens et internationaux, n’est jamais arrivée à venir à bout des djihadistes, comme la vox populi arabe qui ne comprend pas comment les islamistes s’attaquent par des actes de violences extrêmes, mettant en péril de simples musulmans innocents, dont le seul tort est d’exister, au lieu de se consacrer au seul ennemi sur tous les plans, identifié en tant que tel par son comportement depuis 1948.
Mais la France, par son passé colonial, soubassement de la francophonie en Afrique, elle même base de liens culturels privilégiés, (à maintenir coûte que coûte), mais aussi une forme déguisée de maintien de dépendance politique et surtout économique avec le risque migratoire de la dernière décennie, justifie ainsi sa présence militaire dans la région. Mais la menace terroriste est toujours d’actualité et ne cesse de prendre de l’ampleur. Pour contrecarrer le mécontentement africain sur cette question, la France a lancé l’examen d’une possibilité de création d’une force transfrontalière, à convenir avec les États sahéliens, susceptible de succéder à la présence militaire française dans la région.
L’Algérie a modifié sa Constitution pour éventuellement répondre à ce nouveau contexte régional qui s’installe progressivement. Le Moudjahid et fils de Moudjahid «triplé» du diplomate que je fus, (pendant plus de 46 ans de bons et loyaux services à la Patrie), comme tout patriote d’ailleurs, appuie et soutient toute décision jugée opportune par nos Forces armées, dignes héritières de la glorieuse Armée de Libération nationale, quand il s’agira de s’impliquer en dehors de nos frontières nationales. En revanche, ma réticence est ailleurs. Elle s’explique par l’absence de la légitimité politique des classes dirigeantes corrompues de certains pays africains. Quant à la position des pays du Maghreb vis-à-vis du Sahel, elle est malheureusement individuelle, sans concertation, lorsqu’elle ne se trouve pas piégée par une maladroite compétitivité, ridicule par rapport aux intérêts qu’ elle est censée défendre. Elle se base sur des intérêts par rapport au régime en place et non de ceux du peuple qu’elle est censée représenter. En conséquence, une position commune reste inapplicable en raison de rivalités supposées stratégiques entre pays du Maghreb, (entretenues par des tiers malveillants, aux intérêts sordides et au service d’impérialisme rampant qui ne dit pas son nom).
Point d’insécurité et de non- droit
C’est ce qui se dit à l’oreille, séparément, aux antagonistes par ceux qui ont intérêt à les voir désunis, «diviser pour régner», méthode colonialiste déjà pratiquée par un récent passé historique cruel. On ne peut pas omettre, toutefois, de signaler le rôle crucial joué par l’Algérie dans le conflit du Mali avec les Touaregs de l’Azawed, nord du Mali, (la déclaration d’indépendance unilatérale par le Mouvement national de libération en avril 2012, à l’antenne de France 24), par l’accord de paix signé sous les auspices de l’Algérie entre les rebellions du Niger et du Mali et les systèmes politiques en place.
Quant au Maroc, il a pris conscience que sa participation à la nouvelle géopolitique d’une éventuelle mise en place d’une carte nouvelle, passe nécessairement par son retour à l’organisation de l’Unité africaine et sa chance a été de voir l’absence d’opposition de l’Algérie.
La Libye et la Tunisie sont confrontées à des questions internes qui mettent en cause leur propre survie. On leur souhaite de sortir de ce bourbier.
Quant à la Mauritanie, consciente des faibles moyens dont elle dispose, elle s’aventure doucement dans son implication sécuritaire au Sahel, dont elle est partie intégrante géographiquement. Elle est cependant minée par un handicap géographique incontestable par sa frontière Est avec le Mali, une zone désertique de plus de 2000 km qui, éventuellement, peut constituer un point d’insécurité et de non- droit, par rapport à toute la région, notamment comme lieu d’abri et de havre de paix au terrorisme de tout genre.
À ce titre, de nombreux groupes terroristes occupent l’espace vidé d’une présence humaine imposée par la nature, (Groupe salafiste algérien, son fils Aqmi et son petit- fils, Mouvement pour le djihad en Afrique de l’Ouest, enfin, Ansar- Eddine).
Probablement, ces groupes trouvent ancrage sur le terrain fertile de la misère de la vox populi africaine sahélienne et sa profonde conviction de l’islam, de l’enrichissement sans honte de la classe politique dirigeante d’une génération corrompue qui s’accroche au pouvoir politique, grâce à leur compromission avec la puissance coloniale d’hier. Ils croient apporter une solution à la population contre son asservissement, alors qu’au contraire, mort, désolation, exil forcé etc, sont les lots enregistrés après leur passage sanguinaire, parfois un danger global pour tout un peuple comme par exemple, l’attaque du site gazier en Algérie en janvier 2013. Sur ce sujet pertinent, l’Algérie a intérêt à assurer la sécurité des pôles énergétiques algériens car, demain elle pourra être sollicitée pour approvisionner l’Europe en matière de gaz, si la question de l’Ukraine ne trouve pas de solution entre l’Occident et la Russie.
Au regard de tous ces éléments qui précèdent une situation gravissime pouvant aboutir à une menace concrète d’implosion des États nés de la décolonisation sur la refonte de la géographie politique de la région, sur la base d’intérêts en matière de ressources potentielles que décèle la terre africaine. Personne ne sera épargné. Il ne sera pas tenu compte de l’aspect humain, du socle sociétal, déracinement, déchirement, dislocation des cellules familiales, toutes ces conséquences, tous ces soucis ne traverseront même pas une seconde leur pensée.
Situation gravissime
Devant une tension exaspérée avec le voisin Ouest, une Tunisie soutenue comme jamais sans reconnaissance, une Libye confrontée à sa propre existence, une Mauritanie aux faibles moyens qui pourrait se retourner comme elle l’a fait par le passé, sont des enjeux cruciaux qui nécessitent une profonde réflexion et un examen judicieux de la décision à prendre. C’est l’avenir de l’Algérie dont il s’agit, le futur de la Nation algérienne est en jeu.
Reste la France maintenant. Nous avons une connaissance réciproque. Certes, nous avons divorcé dans la douleur. Les enfants consanguins, (certains Algériens), ceux utérins, (pieds- noirs), la garde n’a pas été dans le sens qui aurait dû l’être, notamment pour la dernière catégorie concernée par la faute de l’OAS, alors même que la déclaration du 1er novembre 1954 leur assurait un socle juridique appréciable. Par ailleurs,
– le risque migratoire que court l’Europe à travers la France dans son prolongement géographique que constitue l’Afrique,
-l’approvisionnement énergétique notamment le gaz, en prévision de l’absence d’un accord avec la Russie sur l’Ukraine,
– l’instabilité des pouvoirs civils corrompus des États africains,
– la révolte de la nouvelle génération de militaires.
Toutes ces raisons sont de nature à inciter les deux parties, l’Algérie et la France, mais sur un pied d’égalité, à réfléchir, à s’entendre sur les meilleurs voies et moyens à répondre à la sécurité pas seulement sahélienne mais également européenne.
*Ancien Diplomate
Source: lexpressiondz