S’il est vrai que l’image que l’on projette de soi détermine la nature des relations avec les autres, il arrive aussi que l’on projette sur autrui ses propres travers que l’on a du mal à accepter. Comment s’étonner d’être traités comme des « gueux » quand la population erre en guenilles, à la recherche du plat quotidien ? Il ne faudrait pas confondre sa vie de château et l’image de souverain, homme du monde que l’on veut donner avec la vie de lumpen, même pas prolétariat que nos gouvernants successifs, et sans doute à venir, réservent aux populations.

Je partage le point de vue (fichier joint), hors tendance du moment, de Mamadou Yacine Konaté, Malien installé aux USA, sur la réaction de notre président, le 15 mai dernier. À la décharge du président, il faut bien reconnaître que nos « tuteurs » ont la regrettable manie de projeter sur nous, populations noires du Mali, le sentiment, de moins en moins honteux, qu’ils éprouvent eux-mêmes largement à notre égard : le racisme. Sentiment qu’ils nous prêtent dans le film qu’ils se projettent en boucle, à l’égard de nos frères touaregs.

Avez-vous jamais vu un esclave touareg dans une famille malienne du Sud ? Avez-vous jamais vu un esclave noir dans une famille touareg du Nord ? Tellement plus simple de ne pas assumer sa propre histoire, avec ou sans Mémorial Act, et d’accuser les autres ! Au fait, les indépendantistes guadeloupéens ont-ils le droit de faire partition ? À leur place, j’irai faire un stage chez nos rebelles… Il se trouve que les phénomènes de projection peuvent avoir des conséquences sociales très graves dont la chasse aux sorcières, la censure et la guerre. Un groupe humain accuse un autre groupe humain de vouloir le dominer ou l’agresser. Il cherche à le dominer ou à l’éliminer à titre «préventif»…

Avec des alliés puissants et compréhensifs, le story telling devient crédible, relayé par un battage médiatique qui décrit l’histoire à sa façon. L’Irak et ses «armes de destruction massive» en savent quelque chose. Ironie du sort, pour se présenter aux prochaines élections, ce sont les mêmes Républicains qui ont fait cette guerre, qui déclarent aujourd’hui qu’ils ne l’auraient pas faite s’ils avaient su… Ça devrait faire réfléchir tous ceux qui dégainent plus vite que leur ombre.

Produire un accord qui entérine la colonisation par les rebelles touaregs de régions peuplées par des populations noires, sans leur demander leur avis, malgré leurs manifestations de refus, est un cas pathologique de déni de réalité et de démocratie. Signer un tel accord en grande pompe et du côté de l’opposition, faire le gros dos en attendant d’être adoubé à son tour, par la France, laisse craindre le pire pour ce pays. Surtout, ne changeons rien, continuons de ne rien faire et de laisser faire. De vieux revenants aiguisent leurs crocs et réclament déjà une alternance, sans compter la succession dynastique qui semble se jouer en coulisses….

On comprend nos jeunes qui préfèrent partir braver la mort. Bombarder les passeurs, boucs émissaires d’une situation qu’ils n’ont pas créée, ne résoudra pas le problème. Mettre le monde à feu et à sang, pour un oui ou un non, est paradoxalement un signe de grande faiblesse. Quand on voit le résultat de toutes ces guerres, on se dit que le terrorisme a de beaux jours devant lui, chez nous, mais aussi chez eux.

AHD

Le reporter