En marge des travaux de la 77e assemblée générale des Nations unies, un Sommet extraordinaire de la CEDEAO délocalisé s’est tenu à New-York, le 22 septembre dernier.
A l’ordre du jour du sommet dit exceptionnel, initié par le Président Bissau-guinéen et Président en exercice de l’organisation sous régionale, Général Umaro El Mokhtar Sissoco Embalo, étaient inscrits, entre autres, la question des 46 soldats ivoiriens interpellés à Bamako et l’évaluation de la transition en Guinée et au Mali. Deux pays où le processus démocratique semble marqué le pas depuis que des militaires y ont pris le pouvoir. A l’exception du Burkina Faso que la CEDEAO qualifie de « bon élève » pour avoir appliqué à souhait sa feuille de route.
En plus, des dirigeants des Etats de la CEDEAO, ont pris part à cette réunion, la ministre française de l’Europe, des Affaires Etrangères, Catherine Colonna et le médiateur de la crise guinéenne le Béninois Boni Yayi. A la fin du sommet, apprend, les chefs d’Etat ont décidé de sanctions graduelles contre la junte en Guinée et d’ennoyer des émissaires à Bamako.
Sur le Mali, après examen du mémorandum présenté par le président de la Commission de la Cédéao, et après « discussion approfondie », la conférence a « condamné avec fermeté, l’incarcération continue des soldats ivoiriens ; dénonce le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire ; demande la libération sans condition des 46 soldats détenus ».
Il a été décidé que les Présidents du Ghana, du Togo et du Sénégal se rendront incessamment à Bamako « pour le dossier des soldats ivoiriens ».
Avec cette saisine de la CEDEAO et la tenue d’un Sommet extraordinaire, Alassane Dramane Ouattara n’est-il pas parvenu à donner la corde du dossier des 46 soldats aux chefs d’Etat, qui vont devoir désormais en faire un problème régional ? Autrement dit, la CEDEAO est désormais dans l’obligation de trouver par « tous les moyens » en sa possession et d’obliger Assimi Goita, président de la transition à libérer les militaires ivoiriens.
L’arrivée dans la capitale malienne des trois chefs d’Etat, si elle a lieu, s’inscrira dans cette dynamique : contraindre Bamako à se soumettre à leur diktat.
A Bamako, Nana akufo-Addo, Faure Eyadema et Macky Sall vont tenter de convaincre le président Goita de relaxer les militaires considérés comme des « mercenaires » par le gouvernement malien. Auront-ils gain de cause ? Si rien n’est obtenu d’avance, le choix des trois chefs d’Etat envoyés à Bamako n’est pas anodin. Tous les trois chefs d’Etat sont du cercle des présidents qui prônent la discussion comme mode de règlement des différends entre Etats. On se souvient qu’à un moment donné de l’embargo, c’est bien eux qui se sont battus pour la levée des sanctions économiques et financières imposées au Mali. Le chef de l’Etat malien semble avoir de l’estime pour les deux premiers cités. En plus d’être président de l’UA, Macky Sall qui sera à sa deuxième visite sur le dossier des soldats ivoiriens, aura cette fois ci les arguments pour convaincre Goita.
Les autorités maliennes se soumettront-elles au bon vouloir des chefs d’Etat ? Rien n’est sûr. On se souvient que le Mali, à travers, son ministre porte-parole du gouvernement avait rejeté l’idée de faire appel à la CEDEAO dans un dossier purement judiciaire et bilatérale. Elles avaient aussi mis en garde la Cédéao contre « toute instrumentalisation de cette institution communautaire par les autorités ivoiriennes pour se soustraire à leur responsabilité ». Une sortie qui avait été précédé par un communiqué du gouvernement ivoirien qualifiant la demande faite par le Mali de « prise d’otage » de ses soldats par Assimi Goita. Ce dernier, au cours d’une audience accordée à l’émissaire de Mahamadou Buhari, a conditionné la libération des soldats ivoiriens à l’extradition au Mali des personnalités maliennes recherchées par la justice malienne et refugiées en Côte d’Ivoire. Dans un communiqué de la présidence de la République, on pouvait lire que les personnalités recherchées par la justice malienne et qui ont fait l’objet de mandat d’arrêt international, depuis Abidjan procède à une « déstabilisation du Mali ». Si le communiqué qui cite Assimi n’a pas cité de noms, l’on peut imaginer qu’il s’agit bien de Karim Keita (fils d’IBK) et de Tieman Coulibaly, ancien ministre. Le premier a quitté Bamako, le jour du coup d’Etat, c’est-à-dire le 18 août 2020 avant même que la justice ne statue sur son cas. Le second n’est plus au Mali, depuis moins d’une année. Et c’est après que la justice a émis un mandat à leur encontre.
Hors du territoire ivoirien
Il nous revient que les deux personnes citées ne résident plus sur le sol ivoirien depuis un bon moment. Un communiqué du gouvernement ivoirien laisse croire qu’ils ne résident pas en Côte d’Ivoire de manière permanente. Karim Keita serait en Afrique central et Tieman serait à Paris. Si cela s’avère vrai, que vaut la demande conditionnée d’Assimi Goita ?
Selon un diplomate, Assimi, en voulant faire la fixation dans le dossier des 46 militaires ne va-t-il pas mettre Bamako dans une position « inconfortable » ?
Surtout qu’à la veille de l’ouverture de l’Assemblée générale des NU, le secrétaire général des Nations Unies avait estimé que les soldats ivoiriens détenus à Bamako « ne sont pas des mercenaires ». Et, cette sortie d’Antonio Guterres, a été reprise par le président en exercice de la Cédéao.
L’arrivée des trois chefs d’Etat est précédée de plusieurs autres médiations dont celle du Nigeria, du Burkina, du Sénégal, du Togo. La dernière médiation est celle du président Guinéen Mamadi Doumbouya.
Il faut rappeler que suite aux médiations de certains chefs d’Etat de la Cédéao, trois femmes soldats ont recouvré la liberté le 3 septembre.
Mohamed Keita
Source: Arc en Ciel