De toute évidence, la performance ne semble guère se conjuguer à la pléthore. Ils et elles étaient une trentaine sur les starting-blocks pour l’ascension de Koulouba. Après avoir élagué la liste, la Cour Constitutionnelle a donné le top départ à 24 d’entre eux, jugés semble-t-il plus qualifiés. Pourtant, à quelques 10 jours de l’arrivée, beaucoup d’entre les postulants commencent à manquer de souffle.
Si plusieurs d’entre eux ont confondu la Maison de la Presse au Palais du dernier gouverneur du Soudan Français, d’autres, haletants, sont sur le point de s’effondrer à quelques centaines de mètres plus loin au pied des dinosaures de pierre de Alpha Oumar Konaré.
Dualité progressive de la confrontation
En la matière, les deux gros calibres que sont le Président sortant, IBK, et celui qu’on a fini par désigner comme son plus sérieux challenger, Soumaïla Cissé, paraissent, aux yeux de l’opinion, comme des ‘’candidats naturels’’ à la présidentielle. Ceci ne tient pas seulement du fait que le second était le challenger du premier déjà en 2013, mais par la configuration politique de ce quinquennat finissant, au cours duquel, on aura assisté peu ou prou à une certaine bipolarisation de l’échiquier.
De fait, les positions se sont cristallisées autour des camps des deux personnalités, la loi, adossée à configuration parlementaire, les ayant mis l’un, Président de la République, en face de l’autre, instauré Chef de file de l’opposition. Tout autour ont gravité avec plus ou moins de visibilité, une galaxie de partis et mouvements politico-associatifs ainsi que des partis politiques traditionnels, mais dont l’existence extraparlementaire a paru une quasi inexistence, à tout le moins une discrétion relative, ces cinq dernières années dont leurs hérauts paient aujourd’hui le tribut de l’atonie. Car les discours de campagne paraissent éculés voire recyclés qui détonnent pas de celui du Président sortant. Tout tourne en effet autour de la résolution de la crise sécuritaire, les Accords d’Alger à appliquer, même jugés parfois mauvais, les chantiers de développement dont les coûts, d’un bord à l’autre de cette joute électorale, sont contenus dans la même fourchette de quelques dizaines de milliers de milliards, les emplois à créer au nombre d’un peu plus d’un million (les moins ambitieux des candidats avancent un peu moins de trois cent mille), la carte sanitaire à étoffer, etc. Bref, d’un programme à l’autre, on retrouve les mêmes copier-coller, sans beaucoup d’originalité. Ce qui n’étonne guère car les programmes ne seront lus que par une poignée d’individus quand le plus grand nombre, qui fait la décision dans les urnes, semble attirer par autre chose ou paraît… peu concerné ! Tout ce qui importe, c’est les slogans creux mais qui impactent l’opinion et c’est déjà mieux.
Mais même à ce jeu, d’une campagne qui titille peu voire à peine démarrée et aussitôt sombrée dans une certaine atonie, une épidémie d’extinction de voix semble avoir fait des ravages.
Trop tôt partis, vite essoufflés
Dans une course de fond, la vélocité et la jeunesse ne rime pas avec l’endurance du souffle. La pléthore des candidats n’aura déjà guère offert la diversité attendue. Et pour cause, la qualité plurielle n’est certainement pas la denrée la mieux partagée des offres politiques du moment. A l’époque, les observateurs avertis avaient attiré l’attention sur le fait que le jeune saint-cyrien serait vite à court de munitions et l’opinion n’avait retenu que l’image d’un soldat peu enclin à la bataille sur le front de l’insécurité et plutôt aigri par sa sortie du gouvernement dont visiblement il ne semblait guère s’être remis. De fait, l’originalité de sa sortie au bazooka contre IBK résidait plus dans sa qualité et les breloques couvrant sa jeune poitrine pour un militaire qui n’avait strictement rien prouvé en terme de services des armes, que dans un discours brocardant la gouvernance ; ce dont l’opposition classique et certains mouvements associatifs s’étaient déjà chargés. Et qu’on soit pour ou contre IBK, l’opinion n’avait guère goûté que l’ancien Chef de Cabinet du boucher de Kati le charge de tous les péchés d’Israël. Si bien que malgré sa jeunesse et son maintien martial, le tout jeune Général, ayant dès le départ épuisé ses cartouches en tirant à tout va sur son ex-patron (il a été maintenu un temps ministre de l’administration par IBK), s’est vite essoufflé, déjà entre Sogoniko sa base supposée et les environs de la Défense. Bien qu’atteint de palinodie, il semble pour l’heure seul croire à son étoile. De même, plusieurs autres candidats sont dans cette situation. Qui traînent derrière eux, et dont ils peinent à se débarrasser, un relent sulfureux d’ingratitude, voire de traitrise, d’ailleurs savamment distillée dans l’opinion, pour avoir servi un homme qui les a tendus la main et qu’ils vouent aujourd’hui aux gémonies.
Le nerf de la guerre…
Mais le souffle court ne s’explique pas seulement par la précipitation de certains à décocher leurs batteries de flèches ; les postures atrophiées des engagements tiennent tout aussi aux moyens financiers modestes des postulants à la dignité suprême. Comme l’a si bien dit un aîné chroniqueur, au-delà des incantations, le poids de la bourse est et reste déterminant dans une joute du genre. En l’occurrence, on constate qu’en dépit du parcours respectif des candidats, dont certains censés être des poids lourds du landernau, et des quelques trente ans d’existence, le système partisan local n’a guère pu s’émanciper du clientélisme qui fait que le ‘’promoteur’’ du parti est un ‘’parrain’’ qui donne au nom de la formation plus que celle-ci ne reçoit de contributions de la part de militants à la conviction idéologique plutôt tiède. C’est dire que dans ce marathon quinquennal, le souffle est bien souvent proportionnel à la taille de la bourse, expliquant par-là un engagement électoral plus médiatique et cathodique que devant des rassemblements d’électeurs ou à travers des tournées auprès des populations.
D’où la nette impression de candidats peu audibles, hormis les deux poids lourds, alors que le concert de cymbales aurait dû être assourdissant vu le nombre de candidats en lice. Bien au contraire, après quelques sorties médiatiques, la plupart des athlètes de Koulouba 2018 sont presqu’aphones.
Yaya TRAORE
Info-matin