Dans la société malienne, le rôle des griots a toujours été d’une importance capitale. En cas de conflit, pour apaiser les tensions et ramener la paix, les griots étaient les plus sollicités. La raison est toute simple : ils ont toujours été écoutés et respectés dans la société malienne. Plongé dans une crise sécuritaire depuis 2012, l’implication des griots dans le processus de restauration de la paix au Mali, peut être une solution de grande portée pour les plus hautes autorités. Mamadou Ben Cherif Diabaté non moins fondateur du Réseau des Communicateurs Traditionnels pour le Développement (RECOTRAD) a bien voulu répondre à nos questions sur le rôle que les griots pourraient jouer dans le retour de la paix au Mali.
Le Sursaut : Quelle définition doit-on retenir du griot ?
Mamadou Ben Cherif Diabaté : Le griot est un élément de la société qui a en charge de faire la médiation sociale, de travailler à rendre agréables les relatons sociales et à adoucir les mœurs.
Alors, quelle différence y’a-t-il un griot et les autres hommes de caste ?
La différence entre les deux est que le griot a un rôle spécifique, il est le médiateur social, le régulateur, fait le suivi de la société d’une manière générale. Quand il y a un problème dans la société, le griot est là, son rôle est d’intervenir d’abord dans la famille pour maintenir la cohésion entre les membres de la famille, ensuite il intervient dans le quartier et dans la communauté pour rendre agréable le vivre ensemble. Par sa médiation sociale et les techniques, ce rôle crée la différence entre lui et les autres hommes de caste.
Quelle est la conduite à tenir par les griots en tant que messagers de la paix ?
En tant que messager de la paix, le griot doit être quelqu’un de sage, chercher à se cultiver et savoir beaucoup sur l’histoire de la culture de son pays et sa communauté. Il doit être quelqu’un d’instruit. Quelqu’un peut être instruit mais pas cultivé, le griot doit être quelqu’un de très cultivé et très instruit, instruit soit en Islam, soit à l’école française occidentale. Le griot ne doit pas être quelqu’un de très nerveux. Il doit être très joyeux, quelqu’un de très ouvert et avoir une largesse d’esprit. Le griot doit être quelqu’un de sage, respecté et respectueux dans la société.
Est-ce que les griots jouent les rôles qui sont les leurs dans la société actuellement ?
Le griot d’aujourd’hui ne joue pas son rôle parce qu’il y a une faiblesse dans la formation, ils ne sont pas bien formés. C’est la formation qui s’est arrêtée en cours de route. Donc, ils ne connaissent plus leur rôle.
En tant que président fondateur du RECOTRADE, quel est votre message à l’endroit des griots afin qu’ils jouent leurs rôles en cette période de crise ?
J’ai fondé le RECOTRADE pour pouvoir former la jeune génération aux techniques et mécanismes de communication, parce qu’on peut être un griot mais ne pas chanter. Donc, j’ai voulu créer une ONG en son nom. J’ai pris cette initiative parce que c’est une partie de mon mémoire de fin d’étude à l’Université. Quand j’ai quitté la tête du RECOTRADE, ceux qui sont là-bas en ce moment ne comprennent pas que c’est une ONG qui appuie les projets et le développement du Mali. Ils devraient aujourd’hui emboiter le pas pour être justement dans la sensibilisation et l’information, plutôt que d’être dans le rôle des griots à suivre les diatiguis et à faire seulement l’éloge du chef. Les griots doivent être le conseiller du chef, ils ne doivent pas suivre quelqu’un pour venir faire son éloge et prendre de l’argent. Ils appartiennent à une famille et à une communauté. Les griots d’une manière générale peuvent travailler pour le pays mais seulement dans le cadre de l’apaisement social, de la cohésion sociale. Actuellement avec l’évolution, je me suis retrouvé aujourd’hui président de la Coordination Nationale des Associations de Griots du Mali. Il y a une différence entre ce rôle de griot et le rôle de RECOTRADE. Les griots doivent savoir ce qu’ils doivent faire et ne pas faire. Ils doivent connaitre aussi qu’est-ce qu’ils doivent dire et ne pas dire, mais malheureusement nous assistons au contraire. L’homme doit être construit, battu et façonné avec des valeurs.
Entretien réalisé Par Fatoumata Coulibaly
Source: Le Sursaut