La patrie est à la croisée des chemins. Une fois de plus, la dignité malienne et fierté d’être de ce peuple qui préfère la mort à la honte interpellent et commandent. Ne dit-on pas chez nous : autant crever de faim que de se goinfrer d’indignité (Koungo ki fanga a ka foussa ni balo ye djon maya la). À un moment donné de notre histoire récente, des présidents de la République du Mali et des responsables du pays n’ont pas manqué de courage, d’audace pour recadrer des intentions malveillantes contre le pays. Tous à leur niveau ont craché à l’époque leur vérité.
Opposant une fin de recevoir à l’unilatéralisme habituel français, les autorités de la Transition ont invité Paris à retirer sans délai ses soldats de notre pays. L’annonce du Colonel Abdoulaye Maïga, ministre porte-parole du gouvernement de la Transition n’est pas sans rappeler l’historique discours du 20 janvier 1961 : «…l’ambassade de France en République du Mali est informée par mes soins de la décision de mon parti et de mon gouvernement de voir la France évacuer les bases militaires de Bamako, de Kati, de Gao, et de Tessalit, qu’elle occupait du fait des accords franco- maliens, signés à Paris le 22 juin 1960, entre elle et la fédération du Mali et qui deviennent caducs après les évènements du 19 au 20 août 1960 et l’acte de reconnaissance par la France du gouvernement du Sénégal, acte qui consacre la dissolution de la fédération du Mali ».
L’invitation adressée par les autorités à l’ex-puissance coloniale qui a du mal à s’adapter, consécutive à une série de condescendance et de paternalisme hors-saison ne peut que caresser dans le sens du poil l’orgueil à la fierté d’une nation qui s’est toujours assumée à travers l’audace et l’héroïsme de ses dirigeants. La profession de foi de Bademba Traoré (« plutôt la mort que la honte) n’a-t-elle pas inspiré le président Modibo Keïta quand il a décidé de donner congé à la France le 20 janvier 1961 ? En refusant de courber l’échine devant le blanc, le héros du 1er mai 1898 n’a-t-il pas aussi ouvert la voie à Moussa Traore quand il a dit ouvertement à François Mitterrand qui le sommait d’instaurer la démocratie selon la vision de l’Occident que celle-ci n’était pas une «camisole de force».
Son successeur, le président Alpha Oumar Konaré, refusait que Paris puisse manquer de considération à son pays et à ses concitoyens. En effet, ramant dans le même sens que son opinion qui demandait la révision de la coopération avec la France (déjà) le gouvernement de l’époque dirigé par Ibrahim Boubacar Keita, suite à l’affaire de l’Église Saint-Bernard fustigeait «le traitement dégradant, parfois accompagné de spoliations, dont sont victimes des Maliens et des Maliennes établis dans des pays avec lesquels nous entretenons pourtant des rapports de coopération et d’amitié».
En refusant d’aller déférer en juillet 1995 à Dakar à la convocation du président Français Jacques Chirac, qui se prenait pour le Général De Gaule qui abhorrait les porteurs de pancartes, le président Alpha Oumar Konaré n’aiguillonnait-il pas ses prédécesseurs notamment le Colonel Assimi Goita qui a refusé d’aller rencontrer, non Koulouba, mais à l’aéroport de Sénou Emmanuel Macron. Et son refus de le suivre à Gao pour festoyer avec ses hommes a mis un baume au cœur à une très grande partie du peuple malien.
Quel patriote digne de ce nom n’a pas été fier jusqu’à l’émotion d’entendre le président Ibrahim Boubacar Keita recadrer un certain Hervé Ladsous, français, chef de la mission des Nations unies pour les opérations de maintien de paix le 15 mai 2015 lors de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ! C’est un IBK en verve recadrer l’outrecuidance de ce néocolonialiste : « Le peuple du Mali est un peuple de dignité, avéré au long des siècles. Un peuple qui dans la communauté internationale n’a jamais manqué à ses engagements internationaux et continue de le faire aujourd’hui. Mais pourvu qu’au retour, il soit l’objet d’un minimum de respect… Nous sommes un pays de vieille civilisation… Le Mali a accepté beaucoup, le peuple malien est à saluer. Mais que nul ne se trompe sur la qualité de sa dignité, de son sens de la dignité et de sa compréhension de la chose internationale »
Il y a aussi le discours du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga à la tribune des Nations Unies, à New York, où il a crié à la face du monde les vérités du peuple malien qui étaient longtemps dissimulées dans les discours politiques. On connaît la suite de l’histoire.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin