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Mali : secteur minier, plus de 108 millions de dollars d’irrégularités financières

A Bamako, le rapport 2019 du Vérificateur Général du Mali alimente le débat, tant ses conclusions renseignent sur les irrégularités financières notamment dans les mines, pilier de l’économie. Le président de la transition, Bah N’Daw entend assainir le secteur pour qu’il profite davantage aux Maliens. Un vaste chantier qui requiert du temps et un travail de fond selon les économistes.

« Tout sera fait pour que l’Etat assume ses responsabilités et reçoive de ce secteur vital [secteur minier, ndlr] ce qui lui est dû. Certes, le contrat qui lie notre pays à ses partenaires ne doit léser personne […] Mais il est hors de question pour moi que l’or du Mali ne brille pas pour le Mali », a récemment déclaré Bah N’Daw, président de la transition malienne, s’engageant pour que « l’or du Mali brille surtout pour le Mali ».

Plus de 108 millions de dollars d’irrégularités financières en 2019

Le chef de l’Etat réagissait ainsi au rapport annuel 2019 du Bureau du Vérificateur Général qui passe en revue la gestion publique et qui révèle « 60,53 milliards de Fcfa [environ 108,2 millions de dollars] d’irrégularités financières dans le secteur minier » l’année dernière, dont plus de 527 000 dollars d’impayés d’impôts par une société étrangère, le non-paiement des dividendes à l’Etat en 2015, 2016 et 2017 sur SOMILO-SA et des emprunts réalisés par la société publique au nom de l’Etat sans documents justificatifs.

Incriminant l’ancien régime dirigé par l’ex-président Ibrahim Boubacar Keita, cette sortie du président N’Daw fait déjà grincer des dents au sein de l’administration malienne. « Ce rapport fait grand bruit actuellement dans notre pays, d’autant que le président N’Daw a promis des sanctions », confie à La Tribune Afrique une source à Bamako. En effet, le chef d’Etat de la transition a déclaré que « personne n’y échappera ». Depuis le 1er novembre, les départements ministériels concernés traitent le dossier.

Au Mali, le métal jaune vaut de l’or. Première source de revenus extérieurs du pays, cette ressource minière représente environ 70% des exportations du troisième producteur d’Afrique avec 65,1 tonnes d’or produites en 2019. En 2018, les recettes d’exportations d’or ont progressé de 18,1% à 1 338 milliards de Fcfa, soit plus de 2,4 milliards de dollars. Le secteur compte pour 23% du PIB. C’est donc un pilier de l’économie. Une économie qui, de manière générale, est encore en souffrance. Certes, la levée des sanctions de la CEDEAO a mis un terme à l’embargo prononcé suite au coup d’Etat du 18 août, permettant ainsi une oxygénation de l’économie. Mais celle-ci reste encore précaire, en raison de la fermeture des frontières terrestres de plusieurs pays de la sous-région pour freiner la propagation du coronavirus.

Outre l’or, le secteur minier malien est fait de charbon, de fer, de bauxite, de pétrole ou de gaz. Historiquement, il s’agit d’un secteur en proie à la mauvaise gouvernance, la fraude et la corruption, confirmait encore en 2017 une enquête parlementaire. Le président N’Daw parle même d’un « cancer » qui « ne doit pas rester ».

Besoin de réformes profondes, N’Daw dans une course contre la montre ?

« L’activité économique malienne repose sur trois domaines essentiels : l’exploitation cotonnière, l’exploitation minière et l’activité agropastorale, mais l’exploitation minière et celle de l’or en particulier reste la plus importante au regard de la manne financière qu’elle génère », commente Aboudramane Coulibaly, économiste malien interrogé par LTA. « Il est donc important et urgent, explique-t-il, de réformer la politique minière du Mali. Lutter contre la corruption dans ce secteur est capital. Mais au-delà, il faut repenser une chaine de valeur autour des mines en incluant tous les acteurs de la chaine minière et surtout y faire remonter les acteurs locaux. Cela favoriserait la création d’une vraie industrie locale et c’est ainsi que le pays pourra davantage tirer parti de cette richesse minière ».

Même si le président N’Daw s’est dit conscient de disposer de peu de temps pour remettre de l’ordre dans le secteur minier, il dit en faire une priorité. A Bamako, l’opinion publique, au-delà des discours, réclame désormais des actes concrets.

Mais dans le cercle des économistes, on pense que le gouvernement de transition valable officiellement pendant 18 mois ne disposerait pas suffisamment de temps pour mettre en œuvre les mesures adéquates. « La raison est tout simplement que pour l’instant, les réformes politiques aussi urgent et elles prendront du temps », argue Coulibaly. Dans un entretien avec le média local Bamada, l’économiste Modibo Mao Macalou va plus loin, estimant que le volet économique n’est pas vraiment pris encore dans la charte de transition malienne. Or, a-t-il fait remarquer, « une politique économique cohérente, vigoureuse et efficace pour relancer la production, la consommation et les investissements est inhérente pour parvenir à stabiliser le climat social ».

Les ministres prennent encore le pouls…

Au niveau ministériel, Alfousseyni Sanou, ministre de l’Economie et des Finances convié au sein de la commission chargée d’examiner le rapport du Vérificateur Général, travaille actuellement sur le projet de budget 2021 et ne s’exprime quasiment pas sur l’actualité économique du pays depuis sa prise de fonction. En revanche, Lamine Seydou Traoré, ministre des Mines, de l’Eau et de l’Energie n’a pas encore clairement dévoilé son plan pour optimiser les ressources, mais donnait un ton récemment appelant tous les acteurs du secteur minier à la « proactivité ». Son département s’est également réjouit de la reprise en l’état de l’historique mine d’or de Morila par l’australien Mali Lithium des mains du canadien Barrick Gold.

La Tribune Afrique

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