Radio Renouveau FM a été fermée sur décision du gouverneur de Bamako qui estime que les propos tenus à l’antenne par un animateur soutenant l’opposition relèvent de “l’incitation à la haine et à la révolte”. Reporters sans frontières (RSF) conteste la légalité de cette décision et demande la réouverture du média en attendant que l’organe compétent de régulation soit saisi du dossier.
Alors que les résultats du premier tour de l’élection présidentielle malienne ont été annoncés dans la soirée du jeudi 2 août, les journalistes de Radio Renouveau FM n’ont pas pu commenter la qualification pour le second tour du président sortant Ibrahim Boubacar Keïta et de son principal opposant, Soumaïla Cissé, arrivé deuxième. Le média a été fermé “jusqu’à nouvel ordre” et les locaux placés sous scellés quelques heures plus tôt sur décision du gouverneur à la suite de la diffusion de l’émission “Carte sur table” du mardi 1er août, animée par le célèbre activiste et soutien de l’opposition Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath. Le gouverneur estime que l’animateur, qui fait partie de l’équipe de campagne de Soumaïla Cissé, a tenu des propos “d’incitation à la haine et à la révolte” et motive sa décision par la nécessité de “préserver l’ordre public et la tranquillité dans le district de Bamako”.
“Les textes sont clairs, le gouverneur n’a pas à jouer les régulateurs et n’a pas autorité pour fermer un média, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Il existe des procédures légales et une Haute autorité de la communication pour examiner d’éventuels manquements à la déontologie et à l’éthique. Nous demandons à la HAC de se saisir de ce sujet et appelons les autorités à ne pas entraver le travail des médias a fortiori pendant cette période électorale comme elles s’y étaient engagées. Les autorités doivent ordonner la réouverture immédiate de cette radio, en attendant qu’une décision soit prise sur le fond par l’organe de régulation compétent”.
Dans son émission très populaire au Mali, Ras Bath accuse régulièrement le pouvoir malien de corruption. Mardi soir, il avait dénoncé des fraudes dans plusieurs localités, accusés le président et son entourage d’en être les initiateurs et d’avoir profité de la pauvreté des Maliens pour acheter leurs voix.
La Haute autorité de la communication (HAC), seul organe régulateur habilité à se prononcer sur la conformité des contenus diffusés dans les médias, n’a pas été saisie ni consultée. Contacté par RSF, la HAC a botté en touche, affirmant qu’elle “n’a pas à juger de la pertinence de cette décision et ne peut pas se prononcer sur le niveau de sécurité dans le pays”.
Or, selon la loi relative aux services privés de communication audiovisuelle de 2012, seule la HAC ou le ministre chargé de l’Administration territoriale (article 63) peuvent décider de la suspension d’un média. Dans ce dernier cas, la décision ne peut être prise qu’après avis de l’organe de régulation et seulement motivée pour “atteinte aux intérêts de la défense nationale ou de l’unité nationale”.
Dans un communiqué, l’Union des radiodiffusions et télévisions libres du Mali (URTEL) a exprimé sa “stupéfaction” et invité les autorités au “respect des prérogatives” de la HAC. Le syndicat national des journalistes reporters du Mali a, de son côté, condamné “sans réserve” cette décision.
A la suite de la brève interpellation dimanche 22 juillet de trois journalistes de TV5 Monde venus couvrir l’élection présidentielle, RSF avait rappelé que le devoir des autorités était de garantir la libre couverture du scrutin. Arouna Modibo Touré, le ministre de la Communication s’était alors engagé à ce qu’”aucun journaliste ne soit bloqué dans l’exercice de ses fonctions” pendant cette période électorale.
Le Mali occupe la 115e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.
RSF