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Mali : République aux itinéraires multiples

Ces cinquante dernières années ont été marquées par certains événements intervenus au Mali :

  • Coup d’Etat de 1968 qui renversa le régime du premier président Modibo Keïta, remplacé par des militaires,
  • Renversement en 1991 du régime dictatorial de Moussa Traoré après vingt-trois ans de règne par une révolution populaire appuyée par des militaires,
  • Démission forcée en 2012 en fin de mandat d’Amadou Toumani Touré démocratiquement élu par un groupe de militaires.

Ce dernier coup d’Etat a conduit à une partition momentanée du pays après vingt ans de vie démocratique qui a fragilisé les institutions et participe à l’effondrement de l’Etat. L’étiologie de cet effondrement de l’Etat passe par une analyse politique, économique, et par l’approche de formes de gestion des acteurs durant les différentes époques.

Le Coup d’Etat de 1968 s’est justifié par le fait que les dépenses des sociétés d’Etat étaient plus élevées que les recettes creusant un déficit permanent. Donc une mauvaise gestion qui entrainait une dégradation du système économique. L’autre justification de ce coup d’Etat était que, malgré le nombre très élevé de personnels  au sein de la fonction publique, celle-ci ne parvenait pas à répondre aux attentes et besoins des citoyens. On était arrivé au terme d’un système politique caractérisé par un manque de dynamisme, une défaillance économique et une inefficacité de la fonction publique. Pour faire face à la situation et contenir l’émergence des faisceaux de tensions sociales, politiques et économiques, il semblait nécessaire pour les militaires d’intervenir par un coup d’Etat pour libérer le pays de cette impasse.

Quelle alternative a été proposée ? Quels sont les résultats en matière de progrès social après vingt trois ans de régime militaire? L’époque 1968 se caractérisait par une crise interne et une tentative de mode de gestion interne de celle-ci. La trajectoire de l’Etat était maintenue par des acteurs internes principalement les militaires. Tous les autres acteurs (politiques, fonctionnaires, syndicats, populations, commerçants) étaient sous les ordres des militaires. En 1968, l’Etat était dans un  modèle de gestion verticale. Les contradictions, les oppositions étaient maîtrisées par les militaires. On peut dire que les militaires imposèrent un système managérial vertical endogène, sur l’ensemble du pays et dans toutes les institutions de l’Etat. Dans un tel système managérial, le pouvoir  agit avec énergie et fermeté. Du coup les autres acteurs deviennent anonymes, manipulables par peur de représailles. Les possibilités, les capacités de changement sont subordonnées aux volontés militaires.

Vingt trois ans après, soit en 1991 on découvre les limites du management vertical endogène et de la perspective de progrès social préconisée par les militaires. Celles-ci furent une illusion pour les populations qui n’ont pas connue une amélioration de leurs conditions de vie. Le développement du niveau de vie étant tributaire du développement économique, le coup d’Etat de cette période se justifiait pour les populations car les tentatives de résolution de la mauvaise gestion gangrenant les entreprises d’Etat, de lutte contre la corruption et les détournements des fonds publics n’ont pas apporté solutions significatives. Mieux, on trouvait que les droits élémentaires étaient bafoués : répression, manque de liberté d’expression. Les soulèvements  et la révolution populaire appuyés par d’autres militaires se justifiaient par le fait que le système managérial vertical endogène était dans l’incapacité  de trouver des solutions  aux problématiques ci-dessus citées.

La période 1991 était caractérisée également par une crise interne avec sa particularité de ferveur populaire en faveur de la démocratisation des institutions de l’Etat. Les acteurs syndicats, associations estudiantines, mouvements démocratiques, fonctionnaires, commerçants luttaient pour un modèle de gestion démocratique. La trajectoire de l’Etat était maintenue non plus par les seuls militaires mais plutôt par ces acteurs multiples et divers précédemment cités ci-dessus. Ceux-ci se font assister par des acteurs externes tels que : organisations non gouvernementales, bailleurs de fonds, partenaires du développement, Etats apportant des soutiens financiers pour stabiliser soutenir les finances publiques. Les défis qui attendaient ne seront surmontés que par un management horizontal endoexogène impliquant ensemble ces acteurs internes et externes. Un système de management qui fascine, séduit, agrège un nombre important d’acteurs en vue d’une gestion collégiale. Il donne l’impression à tous les acteurs de pouvoir agir partout et dans toutes les circonstances, dans toutes les activités économiques et sociales du pays. La force du système horizontal endoexogène est dans les institutions. La normalisation sociale, économique et des actions publiques passent par celles-ci. Plus les institutions existent et sont fortes, mieux les acteurs sont en mesure d’entreprendre dans tous les domaines, et plus on pense que les populations aspireront à de meilleures conditions de vie.

L’économie étant le socle de l’équilibre social, le management horizontal endoexogène semble donner suffisamment de marge de manœuvre aux différents acteurs pour leur permettre d’agir dans une économie malienne en forte décroissance. En 1991 on retient que dans sa structuration le modèle de gestion horizontal endoexogène n’offrait pas un équilibre dans les rapports de forces entre les acteurs internes et externes. On constate que la marge de manœuvre était plutôt détenue dans une certaine mesure par les acteurs extérieurs détenant des moyens financiers. La forte dépendance de l’économie malienne vis-à-vis des contributions, des participations et des appuis extérieurs, limitait les actions  des acteurs maliens principalement leaders politiques, associatifs, mouvements, syndicats, fonctionnaires, commerçants dans leur capacité de régulation des relations sociales dans le pays et dans le renforcement de son système économique. Les différents acteurs, dans leurs rôles et leurs positionnements s’ajustaient pour atteindre des objectifs de consolidation de la démocratie. Dans ce cadre l’accent fut plutôt mis sur la formation des ressources humaines dans les institutions, au détriment des secteurs vitaux du pays comme l’agriculture, l’élevage, la pêche, qui emploient une large partie de la population malienne. On retient que la logique dominante dans cette période était la convergence, la réconciliation de tous les acteurs politiques après la crise en vue d’une stabilité politique dans le pays. Une unité entre ces acteurs pouvait devenir un socle de stabilité sociale, économique.

Vingt et un ans plus tard soit 2012, intervient un autre coup d’Etat, qui montre, semble t-il, les limites et la fragilité des institutions mises en place. L’Etat est face à une crise démocratique dont les causes sont la marginalisation, l’exclusion des populations de la régulation politique, sociale, économique du pays. De façon générale on justifiait ce coup d’état par le fait que les populations ne sont pas associées à cette régulation, au fonctionnement des institutions au Mali. Celles-ci sont restées au statut de spectateur entre les acteurs politiques gestionnaires des institutions de l’Etat et les acteurs économiques financiers (Organisations non gouvernementales, partenaires au développement, Etats dans des coopérations bilatérales). Le management horizontal endoexogène fusionne acteurs politiques gestionnaires et acteurs économiques financiers. On est dans un schéma qui a tendance à toujours oublier la population au détriment de la maîtrise des institutions et de leur fonctionnement. On constata que les acteurs politiques gestionnaires et acteurs économiques financiers passèrent leur temps à se fasciner, à se séduire, à se plaire. Ce fut un temps où la démocratie malienne était citée en modèle dans toutes les chancelleries étrangères. La crise démocratique au Mali est due à la non implication des populations dans la gestion des affaires de l’Etat et met en lumière une panne de celle-ci. Les populations maliennes sont-elles concertées, associées à la gestion des institutions, aux différents projets de développement proposés, conçus en leur faveur ?

Le coup d’Etat militaire de 2012 trouve ses racines dans une crise de la forme de société, de la forme de gouvernance, du système de valeurs. Il révèle un Mali qui se dirige alors vers une nouvelle  configuration. Dans cette perspective, sa trajectoire sera dépendante des enjeux économiques et idéologiques nouveaux. Le coup d’Etat de 2012 pointe une inversion de paradigme. Nous sommes à un tournant où la configuration de l’Etat ne dépend plus des acteurs militaires, acteurs gestionnaires mais découlera des populations et des acteurs extérieurs. Le Mali est dans une trajectoire où les choix, implications des populations seront déterminants pour son avenir. Des prochaines élections maliennes sortiront deux aspects: la performance de son système démocratique et la compatibilité de celui-ci à la société malienne dans son évolution actuelle.

Le système démocratique malien est-il performant ? Est-il compatible aux aspirations et valeurs des populations dans une phase de mutation sociale, économique? La démocratie malienne vit une crise d’adaptation des institutions aux besoins des populations. Les hommes politiques semblent toujours être dans une double logique : mettre les institutions à leurs services d’une part et répondre aux exigences internationales d’autre part. En l’état actuel du Mali une question mérite d’être posée : Quels sont les choix politiques, économiques, culturels, sociaux, civilisationnels  pour le Mali dans cette période de crise? Soulignons que le Mali ne fait pas face à des questions de libération de réconciliation de restauration, de redressement.

Le Mali s’oriente vers un modèle de gestion managérial endocirculaire, un modèle dans lequel les populations veulent être au centre du dispositif de gestion de l’Etat. Le management endocirculaire tente d’intégrer l’ensemble des acteurs, des institutions dans les réalités socioculturelles. Le management endocirculaire entraine une parité dans les instances administratives et de décision. Pendant longtemps les acteurs politiques et certains partenaires du Mali sont restés dans un schéma paternaliste provoquant un dysfonctionnement dans les institutions de l’Etat. Jadis existait un semblant d’harmonie entre les partenaires du Mali et les acteurs politiques par contre il manquait une interaction dans les modèles proposés. Le management endocirculairefavorise l’intégration de chacun dans le processus de gestion de l’Etat. Il envisage le développement et la croissance des énergies et des compétences individuelles. Un modèle qui permet à l’ensemble des acteurs de développer ses potentialités. La force du management endocirculaire réside dans la capacité d’écoute de tous au service de tous. Il s’occupe de la qualité de l’environnement crée par l’interaction entre les acteurs et entraine un  développement harmonieux, une cohésion sociale. La qualité des relations entre gouvernants et gouvernés désamorce les crises institutionnelles, ouvre des nouveaux horizons et perspectives pour un développement humain et économique.

Moïse DIAWARA

Sociologue Centre Max Weber Lyon

Source: infosepte

 

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