La junte au pouvoir à Bamako appelle les Maliens à descendre dans la rue vendredi, orchestrant autour de la défense de la patrie les multiples protestations contre les sanctions ouest-africaines et les pressions internationales.
Dans ce concert malien de réprobation, les voix discordantes sont à peine audibles.
Le Mali fait face depuis dimanche à une batterie de sanctions de l’organisation des Etats ouest-africains parce que les militaires arrivés au pouvoir à la faveur d’un putsch en août 2020 entendent s’y maintenir encore plusieurs années sans élections.
Des partenaires importants comme la France, l’Algérie, les Etats-unis et le Royaume-Uni ont ajouté à la pression à des degrés divers en réclamant le retour des civils dans de meilleurs délais. La junte a trouvé plus d’indulgence auprès de la Russie, la Chine ou la Guinée.
Au Mali au contraire, les expressions de soutien à la junte se sont multipliées, faisant écho à son appel à “défendre (la) patrie”. Elles vont de pair avec les déclarations d’animosité à l’encontre de la Cédéao et ceux qui la soutiennent.
Le ralliement derrière la junte relève autant de l’espoir de changement que de l’anxiété quant à l’impact économique des sanctions sur un pays éprouvé, disent les différents interlocateurs de l’AFP.
– Quels soutiens pour la junte ?
Nombreux sont les acteurs politico-sociaux à afficher leur soutien à la junte.
La principale plateforme syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), a estimé que la Cédéao et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), partie prenante aux sanctions, avaient “une fois de plus trahi l’Afrique”, les traitant d'”instruments néocoloniaux”. Les enseignants, qui avaient entamé une grève illimitée début janvier, l’ont suspendue.
L’organe tenant lieu de parlement de transition (nommé par la junte), le Haut conseil islamique (importante institution religieuse), et la Maison de la presse, association de défense des médias, ont appuyé les colonels.
Seul le Cadre d’échange, regroupement d’une dizaine de partis dont les plus importants, a fait porter à la junte “la seule et unique responsabilité” des sanctions, tout en les regrettant.
Aucune voix sigificative ne s’est élevée pour approuver les sanctions de la Cédéao.
– Pourquoi un tel soutien ?
“Le pays est attaqué, et les Maliens ont une fierté nationale”, estime Nouhoum Sarr, membre de l’organe législatif et partisan de la junte. “Le nationalisme a pris le dessus, et les gens sont déterminés à défendre le Mali”, assure-t-il.
“S’unir ou périr”, a abondé dans un éditorial l’hebdomadaire Mali-Horizon, quand le site d’informations Malikilé appelait à une “union sacrée autour du Maliba”, le Grand Mali.
Le “désenchantement électoral” fait caisse de résonance aux discours officiels de refondation de l’Etat et d’assainissement des lois électorales, écrit le politiste Ibrahim Maïga sur le site d’informations Benbere.
La junte est revenue sur l’engagement d’organiser en février 2022 des élections ramenant les civils à la tête du pays, et demande plusieurs années de délai. “Une frange de la population juge que les élections n’ont, jusque-là, pas permis de combler l’espoir d’une meilleure gouvernance et donc d’une vie meilleure”, relève Ibrahim Maïga.
“A quoi bon faire un scrutin si on ne peut pas l’organiser sur deux tiers du pays ?”, dit à l’AFP Bouba Touré, enseignant bamakois, faisant référence à l’insécurité persistante sur le territoire.
L’assainissement promis par les colonels, doit permettre l’avènement du “Mali Koura”, le “Mali nouveau”.
– Où en est le “Mali nouveau” ?
Dix-sept mois après la prise de pouvoir, “il y a de vraies avancées sur le plan sécuritaire, qui est un préliminaire à toute chose”, estime le député Sarr, invoquant une baisse des attaques jihadistes contre les camps militaires maliens, et une hausse des opérations de l’armée couronnées de succès.
Dans son dernier rapport, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a noté une baisse des attaques contre les civils sur le dernier trimestre 2021. Mais les violences se maintiennent à un haut niveau dans les zones dont l’Etat et des groupes armés se disputent le contrôle et des zones entières sont sous l’emprise des groupes extrémistes, souligne-t-il.
Autre important fait d’armes des colonels revendiqué par leurs supporteurs: la tenue de consultations nationales censées former le socle des futures réformes. Ces consultations ont été boycottées par d’importants acteurs.
L’ONU relève aussi qu’une série d’enquêtes judiciaires ont été lancées. L’engagement proclamé par la junte à combattre une corruption réputée galopante a touché une corde sensible dans l’opinion. Mais certains estiment – jamais publiquement – que c’est une chasse aux sorcières qui est en cours.
Un projet de nouvelle loi électorale pourrait bientôt être adoptée.