Le prix de la viande de bœuf connait une  hausse vertigineuse cette année. Même si certains acteurs prévoient un retour à la normale durant l’hivernage, le bout du tunnel n’est pas proche. Les tarifs continuent de grimper, au grand dam des consommateurs et des commerçants, qui clament leur impuissance face à la situation. En cause, les effets pernicieux de la crise, qui empêchent un approvisionnement correct des marchés à bétail notamment, les effets collatéraux de la dernière, et mauvaise, campagne cotonnière, mais surtout une mauvaise politique d’élevage, pointent les acteurs.

2 800 et jusqu’à 3 000 francs CFA pour un kilogramme de viande de bœuf sur certains marchés de la capitale, les prix ont atteint des proportions inégalées, de mémoire de bouchers. « Cela fait une trentaine d’années que je suis boucher, mais je n’ai jamais vu une hausse pareille », s’exclame l’un d’eux. « Mais nous n’avons pas d’autre choix, c’est notre métier ». « Le bétail est devenu inaccessible »,  s’indigne pour sa part M. Hamassoulaye Diallo, Secrétaire général du Syndicat national des bouchers. Mais, dans le même temps, les exportations se poursuivent, déplore-t-il. Ce qui n’arrange pas la situation. « Ceux qui exportent offrent un meilleur prix ». Or la plupart des bouchers doivent même s’endetter pour vendre de la viande. « Plusieurs d’entre eux ont déjà arrêté le métier parce qu’ils ne s’en sortent pas », poursuit-il.

À son avis, l’augmentation du coût de l’aliment bétail n’est pas suffisante pour justifier la situation. Parce qu’il ne constitue la nourriture de base que pour quelques animaux d’élevage intensif, qui ne constituent pas la majorité.

La véritable raison est que les marchés ne sont plus suffisamment approvisionnés, à cause de l’insécurité, dans les principales zones de production. Paradoxalement, même dans ces zones, le prix de la viande enregistre une hausse historique. 2 500 francs CFA le kilogramme à Sikasso et à Mopti, peut-être en raison de la demande venant de l’extérieur, qui est encore forte. « À ce rythme, la viande coûtera bientôt moins cher dans les pays exportateurs que chez nous », déplore un consommateur.

Pour acquérir de la viande à moins de 2 000 francs CFA le kilogramme, il faut s’éloigner des centres urbains. Des « petites » localités, situées à quelques dizaines de kilomètres de la ville de Sikasso, où l’on abat 1 à 2 bœufs par semaine lors des foires hebdomadaires.

Mais dès que les animaux sont acheminés vers la ville, il faut débourser entre 300 000 FCFA et 400 000 francs CFA par tête. « Comment s’en sortir? », s’interrogent les acteurs.

Mauvaise politique d’élevage

Ni l’exportation, ni l’insécurité, encore moins la multiplication des intermédiaires, ne peuvent expliquer la situation actuelle, selon M. Boubacar Ba, le Président de la Fédération des groupements interprofessionnels bétail viande (FEBEVIM). Pour éviter que des millions de têtes de notre bétail ne séjournent dans des pays voisins, où les éleveurs payent les aménagements pastoraux réalisés à cet effet, le « Mali doit se poser le problème en termes de développement ». Ce produit d’exportation dont nous fixons nous-mêmes le prix est « une richesse mobile », qui va là où c’est favorable, ajoute M. Ba. « Si nous sommes un pays d’élevage, la consommation locale ne doit pas être impactée par l’exportation. Il faut  donc pouvoir concilier le péri-urbain et l’élevage transhumant ».

La flambée actuelle de l’aliment bétail, à 250 000 francs CFA la tonne, était prévisible. Même s’il ne constitue pas la base de l’alimentation, lorsqu’il est accessible « cela joue sur le prix et la qualité de la viande », avoue le Président de la FEBEVIM. Pour emboucher les animaux, les éleveurs utilisent de la mélasse  mélangée à de la paille. Un produit passé de 90 à 250 francs le kilogramme cette année.

En lieu et place de la subvention de 3 milliards accordée pour l’aliment  bétail, les éleveurs préfèreraient une exonération de la TVA sur son importation. Une doléance jusque là non satisfaite. Les autorités doivent donc « mieux cerner les facteurs qui concourent à l’augmentation du prix de la viande » et admettre « que le bétail est une richesse nationale », suggère M. Ba.

Pour faire revenir nos « millions de têtes qui sont dans les pays voisins et maintenir le cheptel au Mali, il faut une meilleure politique d’élevage ». Les pistes de solutions ne manquent pas. Alors que l’Office du Niger a mis à disposition 150 000 hectares de terres il y a près de 3 ans, elles ne sont pas encore aménagées. Et c’est un Code  datant de l’empire du Macina qui gère le cheptel au centre du Mali, déplore le Président de la FEBEVIM.

Fatoumata Maguiraga

Chiffres :

Prix du kilo de viande (avec os) : 2 800 à 3 000 francs CFA

Aliment bétail : 250 000 francs CFA la tonne