Que la Transition prenne fin au bout des 18 mois convenus entre les autorités maliennes, les forces vives de la nation et les partenaires de la communauté internationale, ou qu’elle soit prolongée au-delà des 18 mois, ceux qui ont aujourd’hui la lourde responsabilité de la gestion du pays doivent admettre qu’il faut vite sortir de cette Transition militaire pour faire la place à une nouvelle transition civile dont les premiers responsables seront issus du choix des maliens à partir des urnes.
Prévue pour 18 mois, la Transition malienne tire allègrement vers sa fin. En principe, si tout devait bien se passer, les élections présidentielles devaient être organisées pour le 27 février 2022. Malheureusement, aucun acte concret n’est aujourd’hui posé pour qu’on aille à une élection dans le délai fixé.
Et, s’il y a aujourd’hui un malien qui semble le moins pressé qu’on sorte de cette situation, c’est bien le Premier Ministre Choguel Kokala Maïga. Il n’est pas du tout pressé. Comme s’il avait un agenda caché, il n’est pas du tout dans des dispositions de hâter les pas. Et, pire, il semble avoir opté à les faire traîner au maximum comme s’il avait reçu la mission de tout mettre en œuvre pour que la Transition malienne soit prorogée au-delà des 18 mois convenus entre les autorités maliennes et la communauté internationale.
A analyser la situation de près, l’on a l’impression que tout a été mis en œuvre pour mettre les maliens et la communauté internationale devant un fait accompli: l’impossibilité de tenir des élections présidentielles le 27 février 2022.
En tout cas, de la chute du régime de IBK, le 18 août 2020 à aujourd’hui, aucun acte sérieux n’a été posé et qui prouve la volonté des autorités maliennes à tenir la Transition dans les 18 mois.
Le 18 août 2021, une sortie d’Abdoulaye Diop, Ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération, sur les ondes de la DW, avait l’ère d’une stratégie de préparation des mentalités. «Disons que presque tout reste à faire parce qu’en termes d’acquis sur les dix premiers mois, il y a très peu d’éléments probants pour nous permettre d’avancer par rapport à la révision constitutionnelle ou par rapport à l’organe de gestion des élections ou encore la préparation matérielle des élections. Il y a très peu d’acquis et donc les défis sont énormes», avait déclaré le ministre qui redondait en substance à la question suivante: « sur les 18 mois de transition sur lesquelles les autorités maliennes se sont entendues avec la communauté internationale, il ne reste plus que sept à huit mois. Que peut-on considérer comme acquis et qu’est ce qui reste surtout à faire pour que les élections aient lieu le 27 février prochain ?».
Et, la suite des propos du Ministre Abdoulaye Diop est des moins rassurants quand à la tenue des élections à la date convenue. «Il y a un engagement qui a été pris par les plus hautes autorités du Mali par rapport à la date et nous nous engageons par rapport à ça. Nous travaillons à cela. Mais vous savez, comme on le dit dans un langage militaire, c’est le terrain qui commande la mission. Mais tout dépendra de l’évolution du terrain et le terrain est jonché d’un certain nombre de défis. Le premier étant le défi sécuritaire. Le gouvernement du Mali fait de son mieux et est à pied d’œuvre pour pouvoir avoir un maillage complet du territoire».
Il est clair qu’avec une déclaration du genre « c’est le terrain qui commande la mission. Mais tout dépendra de l’évolution du terrain et le terrain est jonché d’un certain nombre de défis» et le fameux programme de « refondation de la nation malienne» du Premier Ministre Choguel Kokala Maïga, avec des Assises qui vont d’avantage divisées les Maliens, est-ce qu’il ne faudrait pas dire Adieu aux élections au bout des 18 mois de la Transition malienne? Et, du coup, l’on pourra se demander si la volonté réelle des autorités maliennes à respecter le délai pour lequel, elles se sont engagées?
Mais que nous réserve une éventuelle prolongation de la Transition?
Face à une prolongation possible motivée par le défi sécuritaire, comme le laisse entendre Abdoulaye Diop qui va jusqu’à soutenir que « le gouvernement du Mali fait de son mieux et est à pied d’œuvre pour pouvoir avoir un maillage complet du territoire», qu’elle sera la réaction de la communauté internationale, mais aussi de la classe politique malienne?
Quand on sait que objectivement aucun effort n’a été fournit pour aller à des élections au bout des 18 mois de Transition, l’on voit difficilement la communauté internationale applaudir une prolongation de la Transition au Mali. Mise devant le fait accomplie qu’est ce qu’elle pourra faire, que d’accepter ce que les tenants du pouvoir auront décidé, mais sans son accompagnement. Et, ce sera bonjour les dégâts.
Imaginons un petit instant que les différents partenaires du Mali décident de suspendre leurs coopérations avec notre pays, en cette période exceptionnellement cruciale, parce que nos autorités n’ont pas voulu respecter le délai de 18 mois impartis à la Transition. L’on allait pouvoir les comprendre si elles avaient fait ne serait-ce qu’un petit effort pour le respect du délai. Mais, se calfeutrer derrières des obstacles comme « l’existence de tensions intercommunautaires dans plusieurs localités du centre », « les activités de groupes criminels et terroristes dans le nord du pays », « la situation sécuritaire », « le défi social à relever », pour avouer son impuissance à organiser des élections dans le délai, sera logiquement interprété dans certains milieux comme un refus caché de recevoir des injonctions des partenaires.
Et, si les autorités de la Transition n’ont pas le levier diplomatique à la hauteur de leur ambition de prolongation de la transition, il n’y a aucun doute le peuple malien sera encore le gros perdant dans un bras de fer inutile avec des partenaires stratégiques de notre pays, qu’on aurait pu éviter à tout point de vue.
En plus de la communauté internationale que dire des officines politiques, qui commencent à prendre du poils de la bête pour pointer le nez dans un débat dont elles sont et resteront les acteurs essentiels quoi qu’on dise et quoi qu’on pense d’elles. Sauf si, d’aventure, on décidait de mettre fin à la démocratie au Mali. Si non en démocratie, les acteurs essentiels du jeu sont les partis politiques. Et, aucun maître charlatant, manipulé par son tube digestif, ne pourra venir défendre le contraire.
La position de la grande majorité des partis politiques maliens restera une très belle équation à résoudre par les partisans de la prolongation. Ils vont batailler dur et souvent faire des concessions à l’allure de compromissions pour pouvoir faire fléchir certains partis politiques dont des animateurs ont déjà déclaré qu’ils s’opposeraient à toute prolongation de la transition.
En 6 mois, il est encore possible de sauver le bateau Mali et le tirer des eaux troubles
En 6 mois, il est encore possible de sauver le bateau Mali et le tirer des eaux troubles. Mais, encore, faudra-t-il que les premiers responsables du pays le veuillent. Sortir de tout calcul inspiré par des officines spécialisées dans du charlatanisme de haut vol et se concentrer sur deux missions essentielles: sécuriser à minima le pays et organiser des élections relativement acceptables. Cela aura pour avantage de replacer notre pays dans le concert des nations.
De la même manière qu’un groupe d’officiers maliens a décidé de «parachever» le travail du M5-RFP en mettant fin au régime d’IBK, de la même manière, pour le bonheur du Mali et des maliens, les autorités de la Transition doivent accepter que des civils installés à la tête du Mali par la voix des urnes viennent « parachever » leurs œuvres.
Le nouveau Président élu par les urnes, devra faire l’effort de se positionner comme un président à la tête d’une transition civile de 5 ans. S’il est suffisamment patriote et engagé pour le bonheur de son peuple, il pourra éviter de se faire évincer par la rue, en s’entourant de meilleures filles et fils de ce pays, pour le tirer du trou où il se trouve.
Et, dans un désintéressement total, par sa façon de conduire l’action publique, il pourra bénéficier de la confiance des maliens pour engager les grandes reformes tant souhaitées.
Il est clair que le Mali a besoin d’une véritable opération commando pour sa refondation. Mais, eu égard à l’environnement mondial, pour qu’une telle action prospère, il va falloir qu’elle soit conduite par des « commandos civils» sortis des urnes, qui pourront bénéficier d’une solidarité internationale en termes de soutien financier et économique.
Assane Koné
Source : Arc en Ciel