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Mali: par peur d’influencer dans la région, la France ne risque-t-elle pas de gaspiller les premiers résultats de son intervention?

soldat françaisMission accomplie au Mali. C’est François Hollande qui le dit. Le chef de l’Etat – et des armées – rappelle aussi souvent que possible, afin de rassurer l’opinion française, que nos forces n’ont pas vocation à rester sur ce théâtre d’opération. Après avoir mobilisé plus de 5000 hommes, dont 4000 sur le terrain, l’opération Serval doit commencer à décroître : un premier contingent d’une centaine de militaires a été rapatrié le 8 avril.

 

« Nous avons atteint nos objectifs », se félicitait le président de la République, dans son entretien du 28 mars sur France 2. Les djihadistes ont été stoppés et le nord du Mali reconquis. Reste à libérer les otages, mais là, ce n’est plus les forces conventionnelles de nos armées qui doivent être à la manœuvre.

 

C’est là que semblent se distinguer la mission des Français et celle des Africains. Les hommes de la Misma, devenue Minuma, ont eux pour mandat de « reconstituer la capacité de l’armée malienne », d’ »aider les autorités maliennes […] à réduire la menace posée par les organisations terroristes » et d’ « aider à la sécurisation des institutions maliennes de transition en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel ». Tout un programme dans lequel les Occidentaux interviennent à la marge, principalement grâce à une mission de formation des militaires maliens (EUTM-Mali) et à du conseil opérationnel aux différents contingents.

 

Gagner la guerre contre le terrorisme, mission impossible ?

Si le président Hollande n’a cessé de répéter que les armées françaises avaient été mobilisées dans le cadre d’une guerre contre le terrorisme, il est légitime de questionner les moyens mis en œuvre. Dans les premiers temps de l’intervention au Mali, les observateurs se sont accordés sur un constat évident : le déploiement français était rapide, massif et particulièrement efficace dans son application de la force, létale, contre l’ennemi.

 

Reste que depuis plus d’une décennie maintenant, les armées occidentales ont repris le contact avec des notions stratégiques un temps oubliées. La guerre contre des groupes terroristes et/ou des insurrections ne peut se remporter sur le strict plan de la force brute. Tuez des djihadistes, il en restera toujours suffisamment pour commettre des attentats. Autant de menaces particulièrement difficiles à juguler qui entrainent des effets désastreux. La terreur, effet direct du terrorisme, nuit à la recherche d’une solution sociétale. Sans sécurité, sans confiance, difficile d’espérer l’instauration d’échanges sociaux, politiques et économiques sains.

 

Les conflits récents interrogent la capacité des grandes puissances à triompher de ces menaces. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir beaucoup parlé, ces dernières années, de la notion d’ »approche globale ». Les militaires ont progressivement assimilé l’idée que l’effet produit par la force était limité. Seul, il ne peut aboutir qu’à un succès temporaire, à court terme. Pour triompher définitivement et emporter la victoire sur le long terme, il est indispensable de produire d’autres actions sur l’ensemble de la société.

 

Dans l’ouvrage « Gagner une guerre aujourd’hui ? » (Economica, 2013), dirigé par le colonel Stéphane Chalmin, le chercheur Olivier Hubac revient sur la capacité – la volonté ? – de nos Etats de mettre en œuvre cette approche globale. Il y évoque « l’importance vitale d’une synergie interministérielle et surtout d’une finalité cohérente clairement définie au plus haut niveau de la politique internationale ».
Stopper les djihadistes, reconquérir les villes et libérer les otages français sont ils une « finalité cohérente » pour la sécurité globale dans la zone sahélienne ? La volonté politique française de ne pas s’engager sur la durée revient à nier la réalité d’une zone de tension qui demande un investissement réel. Le « plus haut niveau de la politique internationale » semble, dans le cas du Mali, espérer que les Africains puissent se débrouiller entre eux. A peine arrivés, les Français acclamés en héros sont déjà en train de plier bagage.

L’armée française, ou la peur de jouer la carte de l’influence

« L’annonce du retrait français est vécue très difficilement au Mali. Elle provoque beaucoup de craintes chez les partenaires africains et chez les Maliens, qui semblent tétanisés par cette perspective », témoignait récemment l’eurodéputé Arnaud Danjean (PPE / UMP), de retour d’une visite sur place. Le parlementaire évoque de plus une « articulation entre les calendriers militaire et politique [qui] va être problématique », faisant par de ses « sérieux doutes sur la faisabilité » d’organiser des élections à court terme.

 

Il y a aujourd’hui un décalage entre le calendrier politique, concentré sur l’échéancier électoral et la volatilité d’une opinion publique qui est pressée de voir les guerres terminées dans des temps records ; et le calendrier stratégique qui demande un investissement humain, militaire comme civil, sur la durée.

 

On évoque souvent le besoin de récolter du renseignement, en amont d’une intervention militaire. On évoque plus difficilement le besoin d’influencer les différents acteurs de la crise sur la durée, pendant et après le conflit. Il s’agit ici de penser et de faire agir le message politique envoyé aux différents acteurs. Or la stratégie mise en œuvre au plus haut niveau de l’Etat, dans l’intervention au Mali, est en train d’opérer un virage qui peut avoir des conséquences dramatiques :

 

Dans les premiers temps de l’intervention, le message envoyé par la France était le suivant : aux djihadistes, nous vous éliminerons jusqu’au dernier ; aux Maliens, nous vous protégerons, puisque nous sommes des partenaires historiques.

 

Il évolue à présent dans cette direction : aux djihadistes, notre mission est terminée, nous allons rapidement plier bagage, pour ne laisser qu’un millier d’hommes à la fin de l’année ; aux Maliens, il va falloir vous débrouiller avec vos alliés africains, nous avons fait notre part du travail.
Quid de l’impact d’un tel message sur les premiers – très bons – résultats observés sur le terrain après l’application de la force ? Une partie de la réponse se trouve peut-être, outre la volonté politique d’une dialectique de la guerre vite faite, bien faite, dans une difficulté des militaires à appréhender et à mettre en œuvre des stratégies politico-militaires efficaces.

 

Le général Vincent Desportes témoigne dans ce domaine d’une lacune, par manque de moyens et de culture, des Français dans l’application d’un soft power efficace. « Nous intégrons bien sûr les opérations relevant du soft power, mais elles ne sont pas efficaces », explique l’ancien directeur de l’Ecole de guerre. « Si nous sommes persuadés du bien-fondé des opérations d’influence, nous ne parvenons pas à faire d’elles des priorités, donc à dégager suffisamment de budgets et de personnels à leur profit », regrette-t-il.

 

L’opération Serval a été un efficace garrot pour sauver le Mali de la menace djihadiste. Le départ des premiers parachutistes tricolores donne pourtant l’impression que l’urgentiste se sauve. Chaque attentat, dans la moitié nord du pays, a la couleur du sang qui continue de couler d’une plaie non suturée. Reste à savoir si le millier d’hommes que la France consent à laisser sur place ainsi que la nomination d’un ambassadeur issu des rangs pourront suffisamment aider les chirurgiens africains, dépêchés en urgence et manquant cruellement d’expérience dans le domaine extrêmement délicat du contre-terrorisme et du nation building.

 

huffingtonpost.fr/

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