Le gouvernement de transition «exige» du président français qu’il «abandonne sa posture néocoloniale, paternaliste et condescendante», suite à des propos tenus lors de sa tournée africaine.
Les relations houleuses entre le Mali et la France ne sont visiblement pas près de se normaliser. Dimanche soir, la junte malienne a diffusé un communiqué cinglant pour exprimer son «indignation» face à des propos tenus sur son armée par le président Macron. Le chef d’État, en visite trois jours plus tôt en Guinée-Bissau lors de sa tournée africaine, aurait proféré des «accusations erronées», en évoquant des exactions de l’armée malienne, et en faisant référence à un partenariat entre le Mali et le groupe paramilitaire russe Wagner, que Bamako continue de nier.En direct depuis la chaîne nationale, le porte-parole du gouvernement de transition, le colonel Abdoulaye Maïga, a condamné des propos «haineux et diffamatoires», propices à «attiser la haine ethnique» et bouleverser «l’harmonie entre les Maliens». «Le gouvernement de transition exige du président Macron d’abandonner définitivement sa posture néo-coloniale, paternaliste et condescendante pour comprendre que nul ne peut aimer le Mali mieux que les Maliens», a déclaré le porte-parole du gouvernement.
Nouvelle pièce dans l’engrenage
L’origine de cette réaction remonte à la visite du président français jeudi en Guinée-Bissau. Achevant une tournée africaine notamment axée sur la sécurité sous-régionale au Sahel, Emmanuel Macron avait encouragé les États ouest-africains à œuvrer pour que «le peuple malien puisse (…) exprimer sa souveraineté populaire» et «bâtir le cadre de stabilité» permettant de «lutter efficacement contre les groupes terroristes».
«Puisque force est de constater que les choix faits par la junte malienne aujourd’hui et sa complicité de fait avec la milice Wagner sont particulièrement inefficaces pour lutter contre le terrorisme, ça n’est d’ailleurs plus leur objectif», avait déclaré le chef d’État français, précisant que la présence de ces paramilitaires russes avait notamment «présidé à notre choix de quitter le sol malien».
Une nouvelle pièce dans l’engrenage, à l’heure où la junte militaire, arrivée au pouvoir par un double coup d’État en 2020 puis 2021, multiplie les attaques diplomatiques envers Paris. Le colonel invite ainsi à nouveau l’ancienne puissance coloniale à regarder ses propres erreurs. «Il est important que le président Macron se remémore constamment le rôle négatif et la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda», a-t-il estimé, imputant le chaos malien aussi bien aux «groupes terroristes» qu’à leurs «sponsors étatiques étrangers».
Discordance sur la présence de Wagner
Après neuf ans de présence ininterrompue sur le sol malien pour lutter contre les djihadistes, la force Barkhane a entamé son départ. La base de Gao, dernière emprise française encore en activité, devrait être transférée aux Forces armées maliennes à la fin de l’été, selon l’état-major. La raison ? Selon Bamako, mettre un terme au partenariat avec l’ancienne colonie était devenu la priorité pour que le Mali retrouve sa stabilité.
De son côté, Paris justifie son départ par l’ultimatum donné concernant le recours à la société paramilitaire proche du Kremlin. Fin décembre, le gouvernement français, suivi par une quinzaine de pays européens partenaires de l’opération anti-djihadiste, affirmait avoir la preuve de la présence de mercenaires au Mali. Présence confirmée par Sergueï Lavrov lui-même en mai 2022. «Ils sont présents là sur une base commerciale», assurait alors le chef de la diplomatie russe.
Depuis lors, l’armée malienne et les paramilitaires russes ont été accusés de plusieurs massacres de civils, documentées par les organisations des droits de l’homme et l’ONU. Dans la localité de Moura, au centre, quelque 300 civils auraient été exécutés arbitrairement fin mars selon l’ONG Human Rights Watch. Bamako, pour sa part, continue de nier tout lien, accusant à nouveau dimanche la France de maintenir des «accusations erronées (…) malgré les démentis» du Mali.
Source : Le Figaro