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Mali, Moussa Mara, expert-comptable, ancien Premier ministre : « Cette reforme peut servir d’étape vers la monnaie de la CEDEAO »

Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder à son bureau sis à ACI 2000, l’ancien Premier ministre, Moussa Mara livre son analyse sur la réforme annoncée du francs CFA qui deviendra l’Eco en 2020. L’expert-comptable, invité un peu partout à travers le monde dans les foras sur l’économie, le développement et l’entrepreneuriat, pense que la garantie de la nouvelle monnaie de l’Uemoa par la France est de nature à rassurer. Toutefois, insiste l’ancien maire de la Commune IV, la relation avec l’ancienne puissance colonisatrice est appelée à changer, pour atteindre l’unité monétaire et même politique.

D’entrée de jeu, tranchera-t-il, ces réformes sont « encourageantes, on peut même dire historiques ». Pour la première fois, depuis 75 ans, nous allons abandonner le franc CFA en termes de monnaie qui va changer de nom. Aussi, ces annonces sous-tendent la rupture d’un certain nombre de liens avec la France qui faisait apparaître le franc CFA comme une monnaie de colonisation. Des liens difficilement supportables qui, de commun accord avec la France, seront rompus avec l’apparition de l’Eco, précise le spécialiste.
En outre, c’est un départ, selon lui. L’objectif étant d’arriver à la vraie Eco, tel que cela a été décidé en juin dernier. D’ailleurs, le même samedi 21 décembre où l’annonce a été faite à Abidjan, se tenait un sommet de la Cedeao qui a encouragé ce qui a été fait à Abidjan. « Nous devons transformer ce début », préconise Moussa Mara. L’étape suivant serait de s’organiser progressivement pour accueillir les pays d’Afrique de l’Ouest non utilisateurs du franc CFA, prescrit l’ancien Premier ministre. L’objectif étant d’accueillir dans les cinq ans à venir les six autres pays membre de la Cedeao : la Gambie, le Cap-Vert, la Sierra-Léone, la Guinée, le Libéria et le Ghana, élucide-t-il, estimant que le Nigeria est un cas difficile à gérer.
Ces ouvertures nécessitent une transformation progressive de la zone afin de couper les liens avec la France. Il s’agit là de revoir la parité fixe avec l’Euro, aller vers la parité avec un panier de monnaie comme il avait été décidé par la Cedeao, revoir la politique de gestion financière de la monnaie, revoir la Banque centrale qui devra être plus ouverte.

Parlant de l’impact de cette réforme sur l’intégration économique et financière au sein de la Cedeao, Moussa Mara assure que les réformes monétaires avec plusieurs pays ne se font jamais tous ensemble, parce qu’on est pas tous au même niveau de développement. L’avantage de l’Uemao est que ses états membres ont l’habitude de fonctionner depuis des dizaines d’années selon les mêmes règles et ont en commun la même monnaie. « Donc nous pouvons tous sauter dans la vague de l’Eco », souligne l’ancien Premier ministre. C’était la piste la plus pragmatique à réaliser, ajoute-il. « Maintenant, en sautant dans la vague de l’Eco, nous devrons être conscients que si nous voulons avoir la vraie Eco (celle de la Cedeao), nous ne pouvons pas avoir le fonctionnement du franc CFA bis. Nous devons arrêter tout lien avec la France. Les liens qui subsistent tels que la garantie – que je comprends aujourd’hui pour rassurer les partenaires – sera superfétatoire dans quelques temps, surtout cela enverra une très mauvaise image aux uns et aux autres », alerte l’expert-comptable. Par exemple, la Banque centrale doit s’ouvrir aux autres pays, dans le fonctionnement. C’est ainsi que l’Euro a été construite. Un certain nombre de pays sont allés ensemble au début. Ils ont élargi ensuite à d’autres. Telle est, à mon avis, la façon la plus pragmatique de réaliser une unité monétaire et même une unité politique. « Ce qui nous manque le plus au niveau de l’Union africaine et même de la Cedeao, on crée une organisation et on met tout le monde ensemble. Or, les gens n’ont pas les mêmes niveaux d’avancées politique et économique. On fait une organisation autour des gens qui ont un certain nombre de valeurs en commun. Ceux qui sont intéressés par l’organisation déposent leurs candidatures et y adhèrent ». Ainsi, cet Eco bien géré permettra d’arriver à l’Eco qu’on veut pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest de manière plus efficace et plus maîtrisée, pense-t-il, avant de lever toute équivoque concernant le lien entre la monnaie et le financement.
Les questions monétaires et de financement des états sont deux choses distinctes, tranche Moussa Mara. Les Etats qui utilisent leurs monnaies pour se financer se créent généralement des problèmes, à cause de la facilité qui ne résout pas les problèmes de manière stratégique. Quand un état est crédible, il arrive à se faire financer quelle que soit la monnaie qu’il utilise, confirme-t-il, avant d’exhorter nos états à faire des efforts importants pour renforcer leurs structures financières, accroître leurs revenus fiscaux, maîtriser leurs dépenses, soutenir l’investissement productif et développer l’économie.
Donc, la garantie de l’Eco par la France, nécessaire pour le moment, est de nature à rassurer, reconnaît l’ancien Premier ministre. Pour qui, l’économie, c’est aussi des transactions, tous les jours, car des milliers d’entreprises disposent des centaines de milliards dans nos banques. « Si nous ne les rassurons pas sur ce que sera demain, ils peuvent transférer ces milliards ailleurs, et créer des problèmes dans notre zone », argumente le fondateur du parti Yelema. La garantie de la France permettant de rassurer les uns et les autres, doit être mise à profit pour prendre des mesures et expliquer aux gens que notre objectif est d’arriver à un système où nous n’aurons aucun lien avec personne, préconise-t-il, estimant que de cette façon nous pourrons travailler en toute autonomie et avec tout le monde.
C. M. T

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