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Mali : montée de la grogne dans l’armée à la veille de la présidentielle

La situation sécuritaire ne cesse de se dégrader au Mali, à quelques mois de la présidentielle prévue en juillet 2018. Alors que la bataille fait rage sur le champ politique, dans les casernes, la grogne monte. Et le désormais ex-général Moussa Sinko Coulibaly, qui revient dans l’arène politique, compte capitaliser sur cette colère.

 

Dans la salle d’attente du siège de la Plate-forme pour le changement, dans le quartier Faladje à Bamako, les visiteurs se bousculent. Il y a ici des représentants d’associations de la société civile, des hommes d’affaires de Bamako ou encore des leaders d’opinions. Tous viennent avec un objectif : discuter avec le désormais ex-général Moussa Sinko Coulibaly.

Le 30 novembre 2017, l’ancien directeur de l’école de maintien de la paix de Bamako, qui fut également ministre de l’Administration territoriale (2012-2013), a présenté sa démission de l’armée malienne. À 46 ans, celui qui était considéré comme l’éminence grise de la junte qui a renversé, le 22 mars 2012, le président Amadou Toumani Touré (ATT), vient de se relancer en politique, en créant la Plate-forme pour le changement.

« Ce mouvement se donne pour objectif principal de rassembler le maximum de Maliens pour obtenir un changement dans la gouvernance du pays à l’issue de l’élection présidentielle de juillet prochain », explique cet ancien haut officier issu du génie militaire. Un corps dont la devise est : « Construire, parfois détruire, mais toujours servir. »

Une candidature qui gêne ?

Moussa Sinko Coulibaly veut faire entendre sa voix. C’est d’ailleurs pour avoir un écho maximal qu’il avait choisi la date du 20 janvier, jour de fête de l’armée malienne, pour le lancement officiel de sa Plate-forme pour le changement au Stade-du-26-mars de Bamako. Il voulait annoncer officiellement sa candidature pour l’élection présidentielle de 2018 dans ce stade de 50 000 places… Mais, à la surprise générale, les responsables du stade ont annulé la location.

C’est finalement dans un stade de quartier de la commune VI de Bamako que le lancement du parti aura lieu. Une solution de secours que l’ancien officier doit à l’autorisation délivrée par le maire du quartier, Alou Coulibaly, membre de  l’Union pour la République et la démocratie (URD, dirigée par Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition).

Et quand, le 24 janvier, Alou Coulibaly, a été suspendu pour trois mois sur décision du conseil des ministres, certains y ont vu une mesure de rétorsion au soutien apporté à Moussa Sinko Coulibaly. La cause avancée – l’établissement d’un ordre de mission au nom de la mairie pour une personne non employée par la commune, le recrutement de quatre personnes sans consultation du conseil communal, des faits qui remontent à août 2017 – n’ont pas convaincu.

« Le maire de la commune II de Bamako, membre du Rassemblement pour le Mali (RPM), Cheick Aba Niaré, a fait la même chose que le maire Alou Coulibaly sans être inquiété. Il a recruté cinq agents sans délibération du conseil communal et attribué illégalement 44 titres fonciers à ses proches », affirme ainsi Demba Traoré, porte-parole de l’URD.

Multiplication des actes de rébellion dans l’armée

Ce retour de l’ex-général Moussa Sinko Coulibaly dans l’arène politique intervient dans un contexte de dégradation du climat sécuritaire. Sur le terrain, les soldats maliens paient en effet un lourd tribut dans la guerre contre les différents groupes armés. Les accrochages meurtriers sont récurrents. Samedi dernier, 15 soldats ont ainsi été tués dans l’attaque du camp militaire de Soumpi, à une centaine de kilomètres au nord de Mopti.

Une situation qui alimente la montée de la grogne dans les casernes. Le 17 janvier, trente-sept gendarmes de la force d’élite anti-terroriste ont été arrêtés après avoir abandonné leur poste à Gouma Koura, dans la région de Ségou, dans le centre-ouest. Désarmés, ils ont été mis aux arrêts et radiés de l’armée.

Le 23 janvier, c’est un sergent qui a été mis aux arrêts, toujours dans le centre du pays. Il venait de publier une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux dans laquelle il remettait en cause la gestion gestion de l’armée et critiquait le gouvernement.

La semaine dernière, la contestation s’est propagée jusqu’aux familles de militaires : les épouses de soldats ont organisé un sit-in au camp militaire de Diabaly, dans le centre ouest du pays, avec pour objectif de bloquer le convoi de relève. Elles refusaient que leur mari soient envoyés sur les théâtres d’opérations.

La hiérarchie assure tenir ses hommes

« Les gens sont libres de manifester, mais au moment où je vous parle, les hommes sont à leurs postes sur le terrain et c’est ça qui est important pour nous », explique le colonel Diarran Koné. Dans son modeste bureau de la direction d’information et des relations publiques des armées, au camp du génie militaire, le colonel Diarra Koné gère à la fois la communication et la publication mensuelle du journal de l’armée Le Clairon.

L’armée n’interférera pas

« Je ne peux vous expliquer ce qui pousse un porteur d’uniforme à se soustraire des disciplines militaires, mais si cela arrive, l’intéressé ou les intéressés s’exposent aux sanctions en vigueur. Et c’est ça qui est arrivé aux soldats dont vous parlez, explique le colonel Koné. Vous savez, dans un pays, l’armée représente ce que sont les parties intimes pour le corps humain. Vous pensez qu’il est normal d’exposer ses parties intimes en publique ? Non ! Désormais nous aurons l’œil sur tout ce qui se passe », assure le colonel Koné.

 

L’ex-général Sinko Coulibaly, lui, avance une explication à la révolte des militaires : « Depuis l’arrivée au pouvoir du président [Ibrahim Boubacar] Keïta, nous avons connu des grèves successives des magistrats, des enseignants, des transporteurs ou encore des fonctionnaires. L’armée est une composante de la nation malienne comme toute les autres, et elle est aussi est touchée par la mauvaise gestion du pouvoir en place. »

Malgré ce climat tendu, et alors que le Mali avance vers le scrutin présidentiel en juillet prochain, à Bamako, des hauts-gradés continuent d’affirmer que « l’armée n’interférera pas ».

Jeune Afrique

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