Il aura fallu une nouvelle injonction de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organisé dimanche 23 janvier, pour que la junte militaire malienne, qui avait renversé en août dernier le président IBK, concède la dissolution formelle du Conseil national de salut du peuple (CNSP). Cette disparition aux forceps ne change rien pourtant au rapport de forces dans la transition malienne. Les militaires conservent en effet la réalité des pouvoirs.
Main basse sur le pouvoir
Outre la vice-présidence de la République occupée par le colonel Assimi Goïta, le cerveau du coup d’Etat du 18 août, la junte a fait main basse sur les principaux ministères régaliens : le colonel Sadio Camara deuxième vice-président de l’ex CNSP trône au ministère de la Défense nationale ; le colonel Modibo Koné, troisième vice-président de la l’ex-junte, contrôle le ministère de la sécurité publique tandis que le colonel Isamaël Wagué, ancien porte-parole de la junte, occupe le ministère stratégique de la réconciliation nationale.
Comme si la main mise sur l’exécutif ne leur suffisait pas les militaires maliens ont pris le contrôle du Comité national de transition (CNT, parlement de transition) en plaçant à sa tête le colonel Malick Diaw, premier vice-président du CNSP dissous. Dans sa volonté d’avoir entre les mains tous les vrais leviers du pouvoir de transition, l’ex-junte a nommé comme gouverneurs des officiers de l’armée à la tête de 13 des 20 régions du pays. Au Mali, comme dans d’autres Etats africains, l’administration territoriale tient un rôle déterminant pendant les élections. En jetant leur dévolu sur les postes de gouverneurs, les militaires gardent la main sur l’organisation des prochaines élections générales prévues dans moins de 14 mois, selon le calendrier de la transition.
Climat de peur
Plus que tout cela, c’est le climat de peur et de répression entretenue par l’ex-junte qui fait dire à de nombreux observateurs qu’elle ne manque pas d’arrière-pensées. Sous le prétexte d’une tentative de déstabilisation, le chroniqueur radio Ras Bath, figure emblématique de la société civile croupit, depuis décembre, à la prison centrale de Bamako. A coups d’intimidation ou de séduction, les militaires ont obtenu la dislocation du M5, allant jusqu’à débaucher le très influent imam Mahmoud Dicko.
En l’absence d’éléments probants pour accréditer la réalité de la tentative de déstabilisation de la transition, la vague d’arrestations de personnalités en vue a été perçue dans l’opinion malienne comme une manœuvre d’intimidation de la société qui fut le vers de lance de la chute d’IBK.
Le tout dernier Premier ministre du président IBK, Boubou Cissé s’est réfugié dans la clandestinité, affirmant craindre pour sa sécurité après qu’il a été lui aussi accusé par les militaires de vouloir déstabiliser la transition.
Présidentielle, trop plein de candidats
Pour nombre d’observateurs, les ennuis de Boubou Cissé procèderaient plutôt d’un calcul politique visant à le « neutraliser » en vue des prochaines échéances électorales. Avec la disparition en décembre dernier du chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé, donné de son vivant grand favori de la prochaine présidentielle, le jeu politique malien est redevenu plus ouvert. Boubou Cissé, Soumeylou Boubeye Maïga, Tiébilé Dramé, Choguel Maïga, Mountaga Tall, l’ancien général Moussa Sinko Coulibaly : de nombreuses personnalités prendront la ligne de départ pour la présidentielle.
Faute de pouvoir se présenter eux-mêmes, les membres de l’ex-junte pourraient avoir la tentation d’adouber des candidats. Ce qui leur permettrait de continuer à tirer les ficelles de la vie politique même après la période transitoire. A bien observer la conduite actuelle de la transition, il existe assez éléments concordants pour soutenir que l’ex-junte a bien un agenda caché.
Source : MondeAfrique