La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a accusé vendredi 28 janvier la junte militaire au Mali de vouloir se maintenir au pouvoir pendant des années, conditionnant la levée des récentes sanctions à la tenue d’élections dans le pays.
Arrivés au pouvoir à la faveur d’un putsch en août 2020, les militaires ont révoqué leur engagement initial à organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils à la tête du pays. Ils ont fait savoir qu’ils jugeaient nécessaires plusieurs années supplémentaires aux commandes de ce pays plongé depuis des années dans une grave crise sécuritaire et politique.
Des sanctions diplomatiques et économiques
En réaction, la Cédéao a infligé le 9 janvier une série de sévères sanctions diplomatiques et économiques à l’encontre du Mali. «Cette posture des Autorités de la Transition Militaire laisse clairement entrevoir une volonté de se maintenir au pouvoir pendant une durée de plus de 5 ans», a déclaré vendredi la Cédéao dans une lettre. Les dirigeants ouest-africains ont dit attendre des autorités militaires maliennes «un calendrier raisonnable et réaliste» pour la tenue d’élections. «Les sanctions seront levées progressivement sur la base de ce chronogramme et de sa mise en œuvre diligente et satisfaisante», précise la lettre.
Cette lettre a été publiée le jour même où les dirigeants ouest-africains doivent tenir un sommet virtuel sur la situation au Burkina Faso, où des officiers de l’armée ont renversé lundi le président Roch Marc Christian Kaboré. La Cédéao a ordonné la fermeture des frontières du Mali avec ses États membres, un embargo sur les échanges commerciaux (hors produits de première nécessité) et les transactions financières, la suspension de ses aides financières et le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Le Drian dénonce un comportement «irresponsable» de la junte
Une batterie de sanctions qui risquent de peser sur l’économie déjà fragile du Mali, pays enclavé et parmi les plus pauvres du monde, où une insurrection jihadiste fait rage depuis 2012. De grandes parties du vaste territoire du pays échappent au contrôle des autorités. Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a dénoncé un comportement «irresponsable» de la junte malienne, qui a demandé le retrait des forces danoises du Mali, et averti qu’il allait falloir en «tirer des conséquences».
Les forces françaises et européennes ne peuvent «pas rester comme cela» au Mali et sont en train d’examiner comment «adapter leur dispositif» de lutte antidjihadiste dans la région, a-t-il affirmé vendredi. «Nous avons engagé des discussions et avec nos partenaires africains et avec nos partenaires européens pour savoir comment on peut adapter notre dispositif en fonction de la nouvelle situation» au Mali, a-t-il déclaré sur la radio RTL.
L’année dernière, la France a annoncé une réduction de ses forces au Mali, tout en mettant sur pied un groupe de forces spéciales européen baptisé Takuba. Mais les relations se sont dégradées avec la junte militaire. La communauté internationale s’inquiète aussi de la présence sur le sol malien de paramilitaires du sulfureux groupe de mercenaires russes Wagner.