Alors que des exactions massives, à Moura, ont été commises par des éléments des forces armées maliennes accompagnées de mercenaires russes du groupe Wagner, la violence dans la zone des Trois Frontières reste endémique, provoquant là aussi la mort de nombreux civils.
Bamako. De notre correspondant
C’est un massacre qui a perduré pendant près de trois semaines. Loin de Bamako, la capitale du Mali, dans la zone reculée des trois frontières – à cheval sur le Niger et le Burkina Faso – des centaines de civils ont péri en marge de violents combats opposants l’État islamique au grand Sahara (EIGS) et les groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger (2015). Parmi ces groupes figurent principalement le MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad) et le GATIA (Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés).
« Tout a commencé par le meurtre de l’un de nos officiers le 1er mars, à Tamalat, une localité proche de la frontière nigérienne », raconte sous couvert d’anonymat un membre du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), l’un des principaux groupes armés touaregs engagés dans des combats qui se sont étendus sur des centaines de kilomètres.
Pris dans la tourmente d’affrontements qui ont rythmé le quotidien de la région ces dernières semaines, les civils issus de la communauté touareg des Daoussahak ont été les principales victimes des combats. « Lors de son repli, l’EIGS a exécuté des civils sur son passage », continue cette source au sein du MSA.
Dès les premiers jours, entre le 8 et le 12 mars, une cinquantaine de personnes avaient été exécutées dans les villages de Tamalat et d’Inchinanane, qui longent la frontière nigérienne. « Je ne peux malheureusement pas partager de bilan car nous n’avons pas de chiffre fiable », avance prudemment Mohamed Maïga, gouverneur de la région de Ménaka où se sont déroulés les combats des premiers jours, qui évoque des « circonstances dramatiques ».
Dans une région abandonnée par les services de l’État, où le réseau téléphonique est inexistant, établir un bilan relève de l’impossible : « Environ 200 personnes tuées rien que dans ma localité », estime un maire de la zone ; « plus de 300 morts en tout », assure un membre de groupe armé ; « au moins 500, seulement pour les zones où nous avons eu accès », affirme un militaire malien.
D’après les derniers décompte du Bureau des Affaires humanitaires de l’Onu, près de 18 000 personnes ont quitté leur foyer. « Ces nouveaux déplacements interviennent dans un contexte humanitaire qui continue de se dégrader, particulièrement ces derniers mois à cause de la persistance de l’insécurité et des violences liées aux conflits », note un communiqué.
Cette remontée en puissance de l’EIGS dans la région corrèlerait-elle avec le départ annoncé des troupes françaises du Mali ? « Barkhane faisait tampon et exerçait une vraie pression sur les djihadistes autour des villes », observe Oumar*, la quarantaine bien tassée, habitant de Ménaka, ville où la Task force Takuba a élu domicile au mois d’avril 2021 et d’où elle se prépare à partir pour Gao puis pour le Niger.
La force antiterroriste avait effectivement bien entamé la déstabilisation du groupe djihadiste. Le 17 août 2021, le chef de l’EIGS, Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, mourrait dans une frappe française dans la zone des trois frontières. « Désormais ils ne craignent plus rien car ils ne sont plus inquiétés par ce qui peut venir du ciel », remarque un maire de la région de Gao, où se trouve le fort des troupes de l’hexagone.
La seule frappe enregistrée lors des affrontements a été effectuée par les forces armées maliennes le 13 mars dernier, « permettant de briser l’élan des groupes terroristes dans les zones de Ménaka », peut-on lire sur un communiqué. Pour le reste, le gouvernement de Bamako, emmené par un groupe de militaires depuis le coup d’État du 18 août 2020, est resté silencieux.