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Mali: les autorités de transition appellent à la mobilisation mais restent ouvertes «au dialogue»

Après les sanctions adoptées dimanche par la Cédéao et l’Uemoa, les autorités de transition maliennes ont réagi en dénonçant des mesures « illégales ». Les soutiens de la junte militaire, au pouvoir depuis le coup d’État du 20 août, estiment que la souveraineté du peuple malien est menacée et appellent à la mobilisation.

 

Le gouvernement de transition ne semblait pas prêt pour la conciliation, dénonçant dans un communiqué diffusé dès dimanche soir des sanctions « illégales » et « inhumaines ». Pour le gouvernement de transition, la Cédéao et l’Uemoa sont même « instrumentalisées par des puissances extra régionales aux desseins inavoués » Comprendre : la France et les pays occidentaux partenaires du Mali.

À l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire ce lundi soir, le gouvernement de transition appelle dans un communiqué l’ensemble de la population à une mobilisation générale sur tout le territoire vendredi 14 janvier, décide l’élaboration d’un « plan de riposte » pour sauvegarder la souveraineté du pays et invite les partenaires sociaux à la trêve « pour faire face aux défis de l’heure ». Ces décisions s’ajoutent aux mesures déjà adoptées par réciprocité – fermeture des frontières aériennes et terrestres avec les pays de la Cédéao et rappel des ambassadeurs dans les pays membres.

Cependant, dans un discours à la télévision d’État ORTM, le chef de la transition Assimi Goïta s’est dit « ouvert au dialogue », tout en appelant à la fois les Maliens à la mobilisation et la Cédéao à une analyse approfondie de la situation. « La complexité de la situation du Mali n’a pas été prise en compte », a-t-il jugé. Sans évoquer de nouvelle proposition.

Des Maliens appellent à la mobilisation

Les autorités de transition appellent donc à la vigilance et à la mobilisation de tous les Maliens, mais aussi des forces nationales de défense et de sécurité face à l’activation de la Force militaire en attente de la Cédéao (lire encadré ci-dessous). Un ton martial qui semble peu propice au dialogue, invoqué par le chef du régime à Bamako.

« C’est un moyen de montrer que la junte ne se laissera pas faire », estime un observateur averti, qui requiert l’anonymat sur ce sujet sensible. Une posture, selon cette source, destinée à rassurer la frange la plus nationaliste de la population, et qui ne présume pas des possibles compromis que pourraient faire les autorités de transition. Une rallonge plus courte de deux ans ou trois ans a souvent été évoquée dans les cercles du pouvoir.

Les Assises nationales de la refondation organisées par les autorités pour que les Maliens se prononcent, entre autres, sur la durée de la transition, avaient recommandé un allongement de six mois à cinq ans. Les cinq, puis quatre ans, proposés par Bamako à la Cédéao pourraient donc être revus à la baisse, sans trahir ces conclusions, afin d’éviter que les sanctions très lourdes de la Cédéao ne pénalisent la population.

Pour autant, de nombreux soutiens des autorités de transition demandent de la fermeté face à des sanctions considérées comme une attaque contre la souveraineté du Mali et contre la volonté des Maliens : pas question de revoir ses ambitions à la baisse et de se plier à un diktat extérieur.

Ainsi, dans le pays, de nombreuses organisations de la société civile affichent leur soutien aux autorités de transition. Le Front pour l’émergence et le renouveau au Mali (FER-Mali) appelle même à la mobilisation.

« Le Mali doit se mettre debout. On ne doit pas compter sur les autres. Donc nous, nous soutenons fermement la vision des autorités de la transition. Le Front pour l’émergence et le renouveau au Mali demande une mobilisation générale de tous Maliens et des amis des Maliens sur l’ensemble du territoire national pour soutenir les autorités de la transition et condamner ces sanctions illégales, illégitimes et inhumaines des présidents de la Cédéao », a déclaré Sory Ibrahima Traoré, président du FER-Mali.

Des rassemblements ont déjà été organisés à Bamako, dimanche soir et surtout ce lundi après-midi. Nul doute qu’il y en aura d’autres.

La Cédéao attend un agenda « acceptable » ?

Mais le conflit est-il tenable, alors que les finances de l’État et plus généralement l’économie malienne pourraient être rapidement asphyxiées ? « Une partie des dirigeants de la Transition est prête à aller au clash », estime encore un analyste. Qui poursuit : « Ils n’ont peut-être pas pris la mesure du coût financier, mais ils peuvent toujours s’endetter auprès de la Russie, de la Chine ou de la Turquie. »

De son côté, la Cédéao prévoit une « levée progressive » des sanctions dès que Bamako aura présenté un chronogramme jugé « acceptable » et que des « progrès satisfaisants » auront été enregistrés dans sa mise en œuvre.

Les partis de l’opposition malienne se sont réunis aujourd’hui pour analyser la situation au regard du contexte national. Pour Ismaël Sacko, président du Parti social-démocrate africain, et un des porte-parole du Cadre des partis politiques pour une transition réussie, il est urgent qu’une nouvelle date soit fixée rapidement pour les élections.

« L’inclusivité, la neutralité ont manqué aux autorités de la transition, ce qui nous a conduit par leur entêtement à des sanctions lourdes. Donc le Cadre tient pour responsables les autorités de la transition qui n’ont pas souhaité entendre et examiné les propositions que le cadre avait faites pour éviter ces sanctions.

Le Cadre a aussi estimé qu’il est très important de dégager rapidement un chronogramme des élections assez précis, très court, qui permettra de reprendre le dialogue avec les chefs d’État de la Cédéao parce que le Mali ne peut pas vivre en autarcie.

A partir 27 février 2022, la charte de la transition étant caduque, il nous faut une transition civile qui reprendra la relève pour aller vers des élection dans un délai très court et de façon très consensuelle. »

Dimanche, à l’issue d’un sommet extraordinaire à Accra, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest a entériné les décisions prises par l’Union économique et monétaire ouest-africaine, quelques heures plus tôt. À savoir : gel des avoirs maliens ; aides financières coupées ; fermeture des frontières entre les États membres et le Mali ; suspension des transactions avec Bamako, à l’exception des produits médicaux et de première nécessité, des produits pétroliers et de l’électricité ; gel des actifs et des avoirs du Mali dans toutes les banques centrales des pays membres de la Cédéao ; gel des avoirs du gouvernement et des entreprises d’État du Mali dans toutes les banques commerciales de la Cédéao ; retrait des ambassadeurs de tous les pays membres au Mali ; activation immédiate de la force en attente de la Cédéao, pour prévenir tout risque de déstabilisation.

Qu’est-ce que la force en attente de la Cédéao ?

Elle a été créée en 1999, suite à la guerre civile au Liberia et en Sierra Leone. Son but : permettre à la Cédéao d’intervenir pour préserver la paix, en cas de putsch ou bien de catastrophe naturelle.

Il s’agit d’une « force composite » : chaque État membre de la Cédéao met à disposition un bataillon, puisé au sein de ses forces armées, de gendarmerie ou de police.

Pour enclencher cette force, il faut qu’un Conseil de médiation et de sécurité de la Cédéao se réunisse. Cette instance a le pouvoir de nommer le commandant de la force en attente.

Cette force avait déjà été activée au moment de la crise post-électorale de 2011 en Côte d’Ivoire. Décriée par les acteurs locaux, elle n’avait pas pu être déployée.

À l’inverse, cet outil de la Cédéao a eu un effet dissuasif en janvier 2017, lorsque l’ancien président gambien Yaya Jammeh refusait de quitter le palais présidentiel après sa défaite aux urnes.

A noter enfin, que la force en attente a déjà été déployée au Mali en 2013, au lendemain du coup d’État contre le président ATT : six détachements, près de 8000 hommes, avaient été mobilisés pendant trois mois, pour lutter contre le terrorisme. Aujourd’hui, « vu la crise sécuritaire qui prévaut dans le Sahel, cette force pourrait être à nouveau mobilisée pour être déployée aux frontières du Mali », commente un diplomate ouest-africain.

Source : RFI

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