96,91% des voix pour le Oui contre 3,09 pour le Non au référendum constitutionnel du 18 juin 2023 au Mali. Ainsi en a décidé la Cour constitutionnelle malienne. Exit donc la Constitution de 1992 ! C’est le moins que l’on puisse dire avec l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale que les militaires au pouvoir appelaient de tous leurs vœux au Mali.
Désormais, au lieu d’un régime sémi-présidentiel, le Mali passe à un régime hyper-présidentiel où le président n’est pas loin d’un démiurge ; tant il dispose des pleins pouvoirs. Et ce n’est pas tout. Car, puisqu’elle a été voulue, pensée et élaborée par des gens en treillis qui sont arrivés au pouvoir dans les conditions que l’on sait, c’est-à-dire après deux coups d’État, la nouvelle Constitution les met non seulement à l’abri de toute poursuite judiciaire, mais aussi elle donne la possibilité à certains d’entre eux de candidater à la présidentielle de 2024.
Dès lors, on comprend pourquoi depuis l’annonce de la victoire du « Oui » au référendum qui vient d’être validé par la Cour Constitutionnelle, Assimi Goïta et ses ouailles exultent et cela, en dépit des tirs de barrage de certains partis politiques et acteurs de la société civile soutenus par des leaders religieux dont l’emblématique imam Mahmoud Dicko qui demandait l’annulation pure et simple du référendum.
Certes, on peut trouver à redire sur le taux de participation qui passe de 39,4% à 38,23%, surtout quand on sait que le scrutin n’a pas pu se tenir dans certaines localités du pays. Mais pour le pouvoir de transition et ses soutiens, le plus important est l’approbation de la nouvelle Constitution.
Pour eux, l’organisation, en elle-même du scrutin, traduit la bonne foi, s’il en est, des autorités de la transition, d’œuvrer à un retour à l’ordre constitutionnel normal au Mali. Mieux, ils espèrent ainsi s’attirer les bonnes grâces de la communauté internationale, notamment la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui tient au respect des délais impartis à la transition.
Un projet taillé sur mesure
En tout cas, si les autorités maliennes ont réussi à organiser le référendum constitutionnel dans un contexte sécuritaire délétère, elles n’ont désormais aucun argument pour justifier un éventuel non-respect du calendrier électoral validé par l’organisation sous-régionale. Elles n’ont plus le choix que de respecter leurs engagements au risque de s’attirer à nouveau les foudres de la communauté internationale qui veille au grain.
Toutefois, le tout n’est pas de réussir à faire adopter une nouvelle Constitution. Car, il faut le dire, le nouveau texte divise tellement les Maliens que le président Assimi Goïta et ses partisans feraient mieux d’avoir le triomphe modeste.
Plutôt que de pavoiser, ils gagneraient à poursuivre le dialogue avec les partisans du « Non », de sorte à aplanir les divergences sur certaines dispositions constitutionnelles querellées. Un compromis est toujours possible pour peu que les uns et les autres fassent montre de bonne foi dans l’intérêt supérieur du pays.
En tout cas, il faudra tout faire pour qu’à la grave crise sécuritaire actuelle, ne vienne s’ajouter une crise sociopolitique au Mali qui peine à retrouver ses marques. Il ne faudra surtout pas que les bidasses qui avaient, à leur arrivée, été accueillis en libérateurs, se muent subitement en bourreaux avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Le Mali n’a pas besoin de ça ! Il aspire plutôt à des lendemains meilleurs sous le leadership de dirigeants éclairés et visionnaires
En bloc, les militaires ont fait de ce projet de Constitution une pierre essentielle de la refondation qu’ils entendent conduire du Mali, confronté à la propagation jihadiste et à une profonde crise multiforme. Le scrutin a été émaillé d’incidents et d’irrégularités, selon des observateurs et opposants à la réforme.
Les détracteurs du projet le décrivent comme taillé sur mesure pour un maintien des colonels au pouvoir au-delà de la présidentielle, prévue en février 2024, malgré leur engagement initial à rétrocéder la place aux civils après les élections.
La nouvelle constitution promulguée renforce les pouvoirs du président, fait la part belle aux forces armées et met en exergue la « souveraineté », de la junte depuis son avènement puis la rupture avec l’ancienne puissance dominante française et le basculement vers la Russie.
Jean Pierre James
Nouveau Réveil