Explication
La junte a annoncé, lundi 31 janvier, l’expulsion de l’ambassadeur de France du Mali. Une décision qui entérine la détérioration des relations entre les deux pays, qui échangent depuis une semaine des déclarations peu diplomatiques.
C’est un coup de tonnerre et un tournant dans la crise ouverte qui oppose, depuis l’été dernier, la France et le Mali. Lundi 31 janvier, les autorités maliennes ont annoncé, dans un communiqué lu à la télévision publique, avoir convoqué l’ambassadeur de France, Joël Meyer, pour lui notifier « la décision du gouvernement, qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de soixante-douze heures ».
Pour quelles raisons ? « Cette mesure fait suite aux propos hostiles et outrageux tenus récemment par le ministre des affaires étrangères et de l’Europe et à la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes, en dépit des protestations maintes fois élevées », justifie le communiqué.
Les propos visés par ce communiqué sont ceux tenus par Jean-Yves Le Drian, dimanche 30 janvier, dans LeJournal du dimanche à propos de l’arrivée des mercenaires de la sulfureuse société paramilitaire russe Wagner, jugeant que leur objectif est « clairement d’assurer la pérennité (du) pouvoir » de la junte. À ses yeux, « Wagner utilise la faiblesse de certains États pour s’implanter elle-même, pas pour remplacer les Européens (dans le Sahel, NDLR), et au-delà pour renforcer l’influence de la Russie en Afrique ».
Ces propos sont venus s’ajouter à tous ceux peu aimables que se sont échangés Paris et Bamako depuis une semaine à la suite de l’exclusion par la junte du contingent danois venu renforcer la force européenne Takuba, dans le nord du Mali. « Vu la rupture du cadre politique et du cadre militaire, nous ne pouvons pas rester en l’état », avait réagi le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur la radio RTL, vendredi 28 janvier, en déplorant des « entraves » croissantes à la mission des « forces européennes, françaises, internationales ».
Le ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, avait répondu sur RFI que son pays « non plus n’exclut rien » dans ses relations avec Paris, tout en ajoutant qu’une demande de départ des forces françaises n’était pas « pour le moment sur la table ».
Duel à distance avec Florence Parly
Déjà l’avant-veille, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre et porte-parole du gouvernement de transition, avait recadré publiquement Florence Parly, la ministre française des armées, à une heure de grande écoute à la télévision publique malienne. Cette dernière avait déclaré à l’Assemblée nationale, mardi 25 janvier : « La junte malienne a rompu ses engagements et multiplie les provocations. » « Nous invitons également Mme Parly à plus de retenue et également à respecter le principe élémentaire de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État », lui a répondu le colonel Maïga. «Nous l’invitons également, c’est un conseil, à faire sienne cette phrase d’Alfred de Vigny sur la grandeur du silence. »
Et de finir sa sortie par : « Lorsqu’on tente désespérément d’isoler le Mali en instrumentalisant les organisations sous-régionales, on se demande enfin qui est dans la provocation », en évoquant les sanctions de la Cédéao, derrière lesquelles, juge la junte, se trouverait la France.
Barkhane prise en étau
L’expulsion de l’ambassadeur français met la force Barkhane dans une étrange position : comment peut-elle continuer à agir dans le nord du Mali, où elle est déployée dans deux bases militaires ? « Nous ne pouvons pas arrêter nos opérations, expliquait une source militaire, vendredi 29 janvier, cela nous mettrait vraiment en danger face aux groupes armés.» Des groupes qui multiplient les attaques contre les bases françaises au Mali, comme celle du samedi 22 janvier : 13 obus de mortier tirés sur la base de Gao, tuant le brigadier Alexandre Martin et blessant une dizaine de militaires français.
Source: la-croix.com