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Mali-France: la guerre des maux

En décembre 2017, le président IBK confiait à Jeune Afrique sa conviction «que le Mali est une digue et que, si cette digue rompt, l’Europe sera submergée. Le Mali n’est qu’un lieu de passage et d’aguerrissement pour des forces négatives qui, en réalité, visent le Maghreb et l’Europe. Avec Barkhane, la France ne défend pas que le Mali, elle défend ses propres valeurs, elle se défend elle-même. L’Allemagne et même la Chine, qui ont envoyé des troupes ici, l’ont très bien compris. Les Américains aussi, qui ont mis 60 millions de dollars sur la table pour soutenir l’initiative de la force du G5 Sahel, à laquelle je crois fermement ». Quatre années après, le Premier ministre de Transition, Choguel Kokalla Maïga, reprend à son compte le même constat en affirmant devant le corps diplomatique accrédité au Mali convié, ce lundi 7 février, pour une rencontre d’échange que «le Mali est une digue pour la stabilité régionale en Afrique de l’Ouest. Que personne ne s’y méprenne. Le Mali mérite la solidarité et non des sanctions dans sa lutte contre le terrorisme ». Pour lui, perdre cela de vue relève soit de l’hérésie géostratégique, soit d’un agenda de déstabilisation dont on ne sait à qui il va profiter. En tout cas pas aux Maliens ni aux Africains encore moins aux Européens.

 

Face à la discorde et à la rhétorique accusatrice et guerrière de la France à travers ses principaux dirigeants (Emmanuel Macron, Jean Yves Le Drian, Florence Parly), le Premier ministre ne manque pas d’arguments.

Évoquant la pernicieuse crise diplomatique qui oppose le Mali à la CÉDÉAO et à la France, le Premier ministre rassure les diplomates que son pays n’est pas et ne sera jamais dans une attitude belliqueuse ou d’affrontement avec la Communauté internationale. Au contraire, soutient-il, le Mali a décidé d’opérer des choix stratégiques, de prendre des options courageuses et patriotiques pour restaurer la sécurité, pour restituer au peuple malien sa dignité et son honneur bafoués et à notre pays sa grandeur d’antan, mis sous le boisseau par les errements du passé.

Ce changement de paradigme sécuritaire, a-t-il dit, s’est imposé au Mali au regard du quotidien tragique de nos populations qui souffrent le martyre depuis 2012, du fait de l’insécurité, du terrorisme et des tensions intercommunautaires, mais aussi d’exemples récents de la géopolitique, comme ce qui s’est passé en Afghanistan, en Libye…où la démocratie électorale et la sécurité artificielle, pourtant largement soutenues par les troupes internationales n’ont pas prospéré. L’expérience de ce pays prouve bien que l’élection à elle seule ne suffit pas pour asseoir la démocratie. Elle est une condition essentielle, mais pas suffisante.

Le peuple malien n’est pas amnésique. Aux ambassadeurs Choguel Kokalla Maiga a rappelé que les Maliens ont toujours en mémoire l’interdiction faite en 2013, par les autorités françaises, à l’Armée malienne de réoccuper Kidal, une partie du territoire national, en violation flagrante de l’esprit et de la lettre du 9 janvier 2013, par laquelle le Gouvernement malien demandait au Gouvernement français une intervention aérienne immédiate pour fournir à l’Armée malienne un appui aérien et en renseignement pour stopper l’avancée des terroristes.

Les Maliens n’oublieront jamais qu’après avoir aidé dans un premier temps nos soldats à repousser les groupes armés terroristes, l’opération française s’est muée en un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali, qui a consisté à la sanctuarisation d’une partie de notre territoire malien où les terroristes ont eu le temps de se réfugier et se réorganiser pour revenir en force à partir de 2014.
Enfin les Maliens garderont en mémoire les récents événements au cours desquels un avion militaire français, sans aucune autorisation de survol, pénètre sur notre territoire, transpondeur et système de radiocommunication éteint, y dépose on ne sait quoi, avant de repartir vers un des pays de la CEDEAO dont les dirigeants font montre d’hostilité à l’égard du Mali, et d’où il était venu en violation de l’embargo décrété, sur commande de qui on sait, contre notre pays par nos frères africains.
Le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga n’a pas manqué de citer au nombre des griefs le malentendu entre le Mali et son partenaire danois qui, malgré les termes clairs de la lettre d’invitation du Gouvernement malien en date du 20 mars 2020, s’est laissé induire en erreur par les Autorités françaises, en voulant imposer sans accord préalable avec le Mali, la présence de son contingent au sein de la Force Takuba.
Enfin il a cité le scandale de cet avion militaire des forces internationales qui opère pendant des heures des vols d’espionnage au-dessus de nos bases en construction. Pris la main dans le sac en flagrant délit de violation de leurs missions officielles, le Commandement militaire qui a orchestré cet acte digne de films hollywoodiens, n’a donné comme explication que des ordres venus d’une puissance étrangère qui, en principe et légalement, n’est pas censée donner des ordres aux forces de la MINUSMA.

Lors de l’échange avec ses hôtes, le Premier ministre a rappelé que le 25 septembre 2021, il a dressé à la tribune des Nations Unies à New- York le constat de l’inadéquation entre le mode d’action des forces internationales, si massivement présentes dans notre pays, et l’extrême vulnérabilité des Maliens face aux agissements des groupes terroristes. C’est pourquoi dira-t-il que les Maliens ont de plus en plus le sentiment que la présence massive des forces étrangères et la multiplication des opérations militaires (Serval, MINUSMA, Barkhane, G5-Sahel, Takuba, EUTEM, EUCAP, etc. ), ainsi que l’accroissement exponentiel de leurs effectifs, sont inversement proportionnels à l’expansion du terrorisme avec des exterminations de masse des populations de villages entiers raillés de la carte du Mali.

À titre illustratif, il donne le dernier épisode tragique des tueries de masse qui s’est produit le 3 décembre 2021 à Songho, dans le Centre, suite à l’effroyable barbarie contre des civils, des forains, dont des femmes et des enfants, brûlés vifs dans le car qui les transportait vers le marché forain de Bandiagara ; un bus de transport que leurs bourreaux ont transformé en un enfer, dans une déshumanité répugnante.
C’est pourquoi le Chef du gouvernement estime, s’agissant de la Minusma, qu’aucun mandat ni aucune limitation des règles d’engagement ne devraient restreindre ou empêcher la faculté d’agir pour n’importe quelle force conventionnelle lorsqu’il s’agit d’assurer la protection des civils. Dès lors, le gouvernement de la Transtion a décidé de tirer toutes les leçons de tout ce qui précède et de se donner désormais les moyens de protéger davantage les Maliennes et les Maliens. C’est notre responsabilité première.
C’est là un choix patriotique que les autorités de la Transition assument pleinement. C’est un choix patriotique au lieu d’être soutenu et accompagner, vaut aujourd’hui aux autorités de Transition des menaces, des invectives, des pressions politiques, diplomatiques, économiques et financières de la part de certains partenaires qui ne conçoivent le partenariat que dans le sens de leurs intérêts exclusifs et leur seule vision de l’organisation de l’État. Ces partenaires à la tête desquels se trouve la très susceptible France estiment que c’est à eux, mais pas au peuple malien, de décider d’avoir à la tête du pays les dirigeants qu’ils veulent et qui font son bonheur.
Droit dans ses bottes, le Premier ministre signifie haut et fort aux détracteurs du Mali qui ne veut qu’assumer dignement son destin que les décisions unilatérales et les annonces fracassantes, par voie de presse pour afficher son hostilité face à un gouvernement qu’on veut déstabiliser, parce qu’on ne l’a pas choisi comme par le passé, en le diabolisant, n’impressionnent encore moins, n’effraient nullement les autorités de la Transition. Les gesticulations diplomatiques et les hostilités médiatiques sont sans effet sur les dirigeants qui sont à la tête de l’Etat du Mali aujourd’hui, des dirigeants qui ont le Mali et l’intérêt des Maliens chevillés au corps.
Le désignant par son nom, le Premier ministre fait savoir que notre pays, le Mali, fait face aujourd’hui à l’hostilité d’un partenaire, la France, qui donne la primauté à ses relais personnels et à ses amitiés avec des individus au détriment des relations d’État à État. Un partenaire qui refuse de coopérer avec notre pays au motif inavoué que les dirigeants actuels à la tête de l’Etat ne lui convient pas.
Aux amis et partenaires sincères et loyaux du Mali, Choguel Kokalla Maïga dira que le Mali réitère sa disponibilité à poursuivre et à renforcer sa coopération bilatérale, privilégiant les canaux directs, sur la base des principes d’égalité, de respect mutuel et de réciprocité dans les relations internationales.
Il a conclu son intervention en remerciant et exprimant sa gratitude à tous les partenaires, bilatéraux et multilatéraux, qui accompagnent le Mali dans ses efforts de stabilisation, de redressement et de développement. Tout en leur rassurant sur l’engagement du Mali à respecter ses engagements internationaux, il leur a donné l’assurance de la reconnaissance de notre peuple pour leur présence à nos côtés et de l’engagement indéfectible du Président de la Transition et du Gouvernement à maintenir et à renforcer les liens d’amitié et de coopération qui nous unissent, dans un esprit de bon voisinage, de solidarité agissante, de recherche de bénéfice et de respect mutuels.
À la CEDEAO, à l’Union Africaine, à l’Union européenne, aux Nations unies et aux organisations financières internationales à continuer à avoir une lecture objective et lucide de la situation complexe du Mali, afin de trouver les modalités de soutien et d’accompagnement pour une Transition réussie, qui tiennent compte des besoins du Mali et de leurs exigences propres.

PAR MODIBO KONÉ

Source : Info-Matin

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