Après avoir quitté Tombouctou, Tessalit et Kidal fin 2021, les forces françaises de l’opération Barkhane sont parties ce mardi 19 avril de la base de Gossi, dans le nord-est du pays. Et certains habitants craignent de voir les groupes jihadistes se renforcer.
L’heure est aux derniers contrôles techniques. Il n’est pas encore trois heures du matin dans le camp militaire de Gao et une flotte de camions civils, dont les conducteurs font les derniers pleins d’huile et d’essence, s’apprête à prendre la route. Une fois passée la dernière chicane de la base, le convoi d’une centaine de véhicules – soixante camions pour quarante blindés militaires environ – s’élancera à travers les 160 kilomètres qui séparent les bases françaises de Gao de celle de Gossi. Une fois arrivé à destination, il reprendra la route en sens inverse, chargé des derniers conteneurs de matériels de cette base opérationnelle avancée, avant le départ de la force Barkhane, ce mardi 19 avril.
Ouverte en 2019 sur le site d’un ancien camp de la mission de la paix de l’ONU au Mali (Minusma), Gossi est la petite dernière des emprises françaises au Mali. Après trois ans d’opérations de la force Barkhane aux alentours de cette ville du Gourma malien, le camp a été transféré à l’armée malienne ce 19 avril. Succédant à celles de Kidal, Tessalit et Tombouctou à la fin de l’année 2021, Gossi est la quatrième emprise fermée par les Français.
Zone d’influence du GSIM
Le cap mis sur la « réarticulation de la force Barkhane », telle qu’annoncée en février dernier par Emmanuel Macron dans un contexte de rupture politique avec Bamako, n’a pas empêché les opérations de se poursuivre sur le terrain. Comme en cette matinée d’avril, quelques jours avant le transfert de la base. Ce jour-là, une colonne de blindés contourne la mare de Gossi, tarie en cette saison, sous le regard indifférent d’un troupeau de bovins. Dans les ruelles sableuses de la ville, les habitants, qui exploitent chaque mètre carré d’ombre pour se protéger de la touffeur ambiante, ne semblent pas s’étonner de la patrouille des militaires français en armes.
ICI, LE TAUX DE CHÔMAGE EST TRÈS ÉLEVÉ, SURTOUT CHEZ LES JEUNES
« Au contraire, c’est une présence rassurante pour beaucoup », assure un élu local pour qui le départ de Barkhane est source d’inquiétude. Sur le plan économique d’abord : « Des habitants font du commerce, du travail de maintenance ou de réparation pour les militaires français. Ici, le taux de chômage est très élevé, surtout chez les jeunes. Il n’y a pas de travail. Et la précarité les pousse à se tourner vers toute proposition, quels qu’en soient les risques », met-il en garde, de crainte de voir les rangs jihadistes s’étoffer.
Il faut dire que le Gourma malien est une zone stratégique pour le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), très actif sur ce territoire. Reliant le nord du pays à son centre, elle est un carrefour entre l’essentiel des régions du Mali. «Il y a beaucoup de jihadistes dans la zone. Et, chaque jour, les gens me demandent qui pourra remplacer Barkhane », raconte un habitant de Gossi. « Je ne sais pas quoi leur répondre », admet-il.
Faiblesse des Fama ?
Pourtant, la nouvelle a été communiquée : déjà présentes dans la zone, les Forces armées maliennes doivent renforcer leurs effectifs locaux d’au moins 150 hommes, lesquels prendront leurs quartiers dans l’ancienne base française.
« Cela ne suffit pas à rassurer la population. Ici, le souvenir de 2012 est encore bien présent : quand les jihadistes sont arrivés à Gossi, les Fama n’ont pas su les contenir », tranche l’élu. « Les soldats maliens sont tout à fait en capacité de prendre le relais », répond le capitaine Jérôme, qui a mené plusieurs patrouilles conjointes et séances d’entraînement avec les Fama.
Ce mardi, après trois ans de présence française dans la zone, lui et ses hommes ont laissé derrière eux Gossi, ses habitants et leurs préoccupations. Bientôt, ce sera au tour de l’emprise de Ménaka, qui abrite des soldats de la force Barkhane mais aussi des forces spéciales européennes regroupées au sein de la task force Takuba, de fermer ses portes. Viendra alors le tour de Gao, la plus grande base tricolore restant au Mali. Ses quelque 3 000 soldats seront les derniers éléments français à quitter le pays, après une quasi-décennie d’opérations extérieures.
JA