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Maison centrale d’arrêt de Bamako : De la nourriture pas très ragoûtante pour les détenus

L’administration pénitentiaire assure les trois repas quotidiens. Mais à cause de la qualité peu appétissante des mets servis, beaucoup de pensionnaires se font apporter des plats par leurs proches

 

Il est environ 14 heures à Bamako-coura en Commune III du District de Bamako. En ce mardi du mois d’octobre, Madou Doumbia fait la queue devant la porte de la Maison centrale d’arrêt (MCA) de la capitale.

Sous un soleil ardent, le jeune homme d’une vingtaine d’années est venu apporter de la nourriture à son frère, incarcéré dans ce centre pénitentiaire. Comme les autres visiteurs, le jeune homme tient en main une tasse emballée dans un tissu, dont l’un des bouts est attaché à un petit bois sur lequel, le nom de son parent et le numéro de sa cellule sont inscrits. Il est aussi muni d’une pièce d’identité.« Sans cela, les agents n’acceptent pas les repas », glisse notre interlocuteur.

Nombreux sont les Bamakois qui apportent les repas à leurs parents ou proches emprisonnés dans les centres de détention de la capitale. Souleymane Coulibaly en fait partie. Chaque jour, le trentenaire quitte Korofina Sud (Commune I) pour apporter à manger à son frère, «condamné à deux ans de prison pour avoir volé une moto». «Il nous a informés que la qualité de la nourriture qu’on leur offre laisse à désirer.

C’est pourquoi, justifie Souleymane Coulibaly, la famille a décidé de lui assurer la ration alimentaire au quotidien». Le jeune homme déplore le « favoritisme » autour de l’accès des aliments dans ce centre, et invite les autorités à améliorer le régime alimentaire des détenus. Cependant, révèle-t-il, « mon frère nous a informé que l’eau qu’ils boivent dans la prison est de bonne qualité».

Contrairement à ce dernier, Kadiatou Sidibé ne sait rien des conditions de détention de son grand frère, incarcéré pour avoir enlevé un enfant. «C’est nous-mêmes qui avons décidé d’assurer sa ration alimentaire. Parce que si quelque chose de mal lui arrive, nous nous sentirons responsables », explique la bonne dame, d’un air désespéré.

« Quelqu’un nous a dit qu’on leur donne à manger, mais que les plats peuvent ne pas être de leur choix», reconnaît notre interlocutrice. En ce mardi d’octobre, Kadiatou Sidibé apporte pour son frangin du riz avec de la sauce «Nadji». Habituellement, elle ajoute des fruits au plat. La dame estime que lorsqu’on enferme une personne, on doit la prendre correctement en charge.

TROIS REPAS PAR JOUR- Un ancien pensionnaire de la MCA confirme. «Si les gens étaient bien nourris comme les citoyens moyens, est-ce que leurs parents allaient leur apporter quelque chose ? Ce qu’on donne là-bas n’est pas mangeable», souligne notre interlocuteur, qui reconnaît toutefois que les détenus arrivent à manger trois fois par jour.

Le petit déjeuner est servi entre 8 h et 9 heures, tandis que le déjeuner est offert entre 14 h et 15 h et le dîner aux environs de 17 h. L’ancien détenu révèle que les repas du matin et du soir sont de la «bouillie de mil», celui de midi varie entre le riz et le haricot. Ce dernier aliment n’est servi que les vendredis.«Les autres jours, c’est soit le riz au gras ou le riz avec une sauce gluante, difficile à avaler», se souvient notre interlocuteur. Il raconte que certains prisonniers, pour pouvoir consommer cette sauce, se procurent des bouillons culinaires, afin de l’assaisonner.

L’ancien pensionnaire de la MCA se rappelle qu’au moment de sa détention, les personnes dont les parents apportaient de la nourriture, ne dépassaient pas le tiers des prisonniers. Les détenus qui ne recevaient pas de nourriture devaient, en échange de quelques tartines, rendre certains services aux «ravitaillés». Par exemple, en lavant leurs habits.

Sur la question, le président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), Aguibou Bouaré estime que les personnes extérieures ne devraient pas apporter à manger aux détenus. «à partir du moment où les gens sont privés de liberté, normalement, ils doivent être pris en charge par l’État.

Que ce soit le couchage ou l’alimentation », explique le président de la CNDH. Pour lui, si une personne est privée de liberté, cela ne voudrait pas dire qu’elle est privée de sa dignité. «Elle conserve tous ses droits qui doivent être respectés jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu dans les règles de l’art. Et cela est valable pour les condamnés », soutient le défenseur des droits de l’Homme, tout en insistant sur le droit à une alimentation saine.

La CNDH fait régulièrement des enquêtes pour veiller au respect des droits des détenus. «Généralement, les prisonniers nous disent que les repas servis au niveau de certaines prisons sont acceptables », fait savoir Aguibou Bouaré. Dans d’autres établissements pénitentiaires, ils se plaignent tant de la qualité que de la quantité des mets. De façon générale, la situation n’est pas satisfaisante dans nos prisons.

Cette situation s’explique, selon le défenseur des droits de l’Homme, par l’émission systématique des mandats de dépôt. « Emprisonner les gens à tour de bras engendre la surpopulation carcérale et augmente les charges de l’état du point de vue de la prise en charge des personnes détenues», analyse Aguibou Bouaré, pour qui, il est souhaitable que les prisons soient désengorgées, en libérant toutes les personnes poursuivies qui offrent des garanties de représentation et celles permettant de trouver des mesures alternatives à l’emprisonnement.

SANTÉ ET INTÉGRITÉ PHYSIQUE- Contrairement au président de la CNDH, le premier responsable de la direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (Dnapes) trouve normal que les parents des détenus leur apportent de la nourriture. La loi malienne n’est pas contre cette pratique, selon Ibrahima Tounkara qui précise que cela ne dédouane pas l’administration pénitentiaire de sa responsabilité d’assurer la prise en charge alimentaire des prisonniers.

«Nous avons un budget pour cela. Mais les gens sont libres d’apporter à manger à leurs parents», souligne le patron des établissements pénitentiaires. Ce budget, qui est passé d’environ 900 millions en 2017 à près de 1,6 milliard de Fcfa en 2021, est reparti entre l’ensemble (une soixantaine) des maisons d’arrêt de notre pays. Le premier responsable de la Dnapes a fait savoir que c’est au niveau de la direction des finances et du matériel du département de tutelle que les appels d’offres sont faits pour que les fournisseurs maliens puissent déposer leurs candidatures afin d’être prestataires. Et d’affirmer que les prestataires qui gagnent les marchés, mettent par semestre, des quantités de céréales et les condiments à la disposition des centres de détention pour l’alimentation des détenus.

D’après notre interlocuteur, la loi ne fait pas obligation à l’administration pénitentiaire de donner par exemple du « poulet » aux prisonniers. Elle a cependant l’obligation de leur offrir une « alimentation qui assure leur santé », précise-t-il. à cet égard, révèle Ibrahima Tounkara, l’administration pénitentiaire a approché le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour avoir un menu standard qui prend en compte toutes les exigences d’une bonne santé.

Ibrahima Tounkara signale que l’administration fait tout pour assurer les trois repas quotidiens aux prisonniers. Elle s’emploie également à ce que la qualité soit au rendez-vous, « parce que ce sont des êtres humains comme nous ».Si toutes les nourritures sont acceptées dans ces centres, l’administration a cependant l’obligation de les vérifier pour préserver « la santé et surtout l’intégrité physique des prisonniers», clarifie le chef de la Dnapes. Ainsi, les agents demandent d’abord à celui qui apporte un repas de le goûter pour « voir s’il n’y a pas d’éléments nocifs ».

Par ailleurs, selon Ibrahima Tounkara, la tentative d’introduire de la drogue et autres substances nocives à travers la pratique est devenue monnaie courante dans le milieu carcéral, surtout au niveau de la MCA.« Permanemment, nous saisissons des quantités importantes de drogues parce que nous avons des appareils qui permettent de déceler des contrebandes », affirme-t-il. à ce jour, plus de cinq personnes sont en détention pour avoir tenté d’introduire de la drogue à la MCA, selon ses responsables.

Pourtant, à la MCA les mesures de précaution ne sont pas toujours respectées. Au passage de notre équipe de reportage en ce mardi d’octobre, des gens introduisaient des repas dans cette prison à travers une petite fenêtre ouverte à cet effet, sans que les agents ne les obligent à les goûter.

Bembablin DOUMBIA

Bollé : L’alimentation assurée en qualité et en quantité

Contrairement à la MCA de Bamako, l’administration du centre pénitentiaire de Bollé met les moyens à la disposition des femmes détenues qui préparent pour elles-mêmes et pour les mineurs incarcérés dans cet établissement de rééducation.

Selon les responsables de Bollé, ces femmes privées de liberté font la cuisine à tour de rôle par chambre (20 au total).

« La cellule, dont le tour arrive, donne deux personnes qui préparent sous la supervision de quatre autres détenues permanemment présentes au niveau de la cuisine », expliquent-ils.

L’administration souligne que les lundis et vendredis, c’est le haricot qui est servi comme déjeuner. Les autres jours, les plats varient entre le riz avec la pâte d’arachide et le «tô», le mets traditionnel. « Ces deux repas sont toujours accompagnés, soit de viande soit de poisson fumé », précise-t-elle, signalant que ce menu provient du CICR.

Pendant les jours de fête et fériés, ce sont des plats spéciaux qui sont mis à la disposition des détenus, confient les responsables du centre qui assurent que les prisonniers (environ 191) mangent à « satiété ». Cette affirmation est confirmée par la porte-parole des prisonniers sous le sceau de l’anonymat : « Nous mangeons très bien. C’est par préférence que certains se font apporterà manger ici ».

D’après la dame, les pensionnaires de Bollé ont l’impression, parfois, d’être en liberté. Elle déplore que dès fois, certaines détenues refusent de s’occuper de la cuisine. Très souvent, il y a aussi des disputes lors du partage de la viande entre les pensionnaires.

B. D.

Source : L’ESSOR

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