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M. T. : Dans le trou à cause de la grève illimitée des magistrats

« Injustement enfermé » depuis quelques semaines à la Maison d’arrêt central (MCA) pour escroquerie, il attend impatiemment la fin de la grève des magistrats pour recouvrer la liberté. Portrait d’un anonymat bafoué.

M. T. est un jeune commerçant de fripes de 39 ans au Grand marché de Bamako. Père de quatre enfants, il s’occupait d’une grande famille de neuf personnes jusqu’à son arrestation il y a deux mois pour escroquerie. Il n’a jamais été jugé par un tribunal et bientôt il « fêtera » le premier trimestre de son incarcération à la MCA. Pourtant, il affirme n’avoir jamais rencontré la plaignante et depuis son arrestation, celle-ci a disparu dans la nature.

Flash-back

Bamako, un après-midi de juillet 2018. Après la prière de 16 h, M. Touré reçoit un appel d’un fidèle ami. Celui-ci l’appelle depuis une brigade d’investigations judiciaires de Bamako pour affaire urgente le concernant. Correct et ne se reprochant rien, il se présente rapidement à la brigade en question. A son arrivée, il est accusé d’avoir escroqué plus de 2 millions de F CFA à Mme Sangaré, une femme malade revenue au pays après un long séjour à l’étranger.

Selon la plaignante, M. T. se serait fait passer pour un grand marabout pouvant soigner sa maladie et lui aurait soutiré de l’argent via Orange-Money. « Je lui ai transféré de l’argent à cinq reprises au moins. Mais je ne guérissais toujours pas. Après plusieurs envois, il m’a conseillé de vendre mes bijoux précieux d’une valeur de plus d’un million. Je lui ai aussi versé le produit de cette vente », jure Mme Sangaré aux policiers.

Le hic est que la plaignante avoue n’avoir jamais rencontré M. T. en personne et l’accusé aussi jure n’avoir jamais eu de puce Orange encore moins de compte Orange-Money. Stupéfait, M. Touré et son ami demandent à l’inspecteur chargé de l’affaire de les autoriser à rentrer à la maison. Celui-ci refuse cette demande et enferme M. T. après l’avoir battu comme « un chien » au prétexte qu’il a offensé un limier.

Après quatre jours de détention « illégale », l’ami de M. T., qui l’assiste nuit et jour, est contacté par un proche de l’inspecteur. « Il m’a demandé de proposer une somme à l’inspecteur pour libérer mon ami. Mais je n’avais que 75 000 F CFA. Je lui ai proposé cet argent, il a refusé, car c’était peu pour l’inspecteur qui s’attendait à un million au moins », explique M. S., l’ami de M. T.

Instruction bâclée

C’est au onzième jour de sa détention qu’il est déféré à la MCA où il croupit depuis bientôt trois mois. Le dossier traine dans un tribunal de grande instance de Bamako. A cause de la grève des magistrats, il n’a pas encore la chance de passer devant un juge.

Depuis son transfert à la MCA, survenu quelques jours avant le début de la grève illimitée des magistrats, les parents de M. Touré et ses amis multiplient les efforts pour l’extraire du trou.

Ils ont beau rencontrer des personnes de bonne volonté, contacter l’inspecteur en charge du dossier, rien à faire. Ils sont aussi à la recherche de la plaignante depuis plus d’un mois. « Elle s’est volatilisée. Cette histoire est un pur montage. Je pense que l’inspecteur est en complicité avec la plaignante », affirme en larmes l’épouse du détenu.

Abattu, M. T. ne croit plus en la justice malienne. Musulman pratiquant, il affirme néanmoins garder la foi. « C’est certes une épreuve difficile pour moi et ma famille, mais ça ira Inch Allah », se console-t-il. Son visage devient triste quand il évoque sa famille, mais en parlant de Dieu et de sa religion, il retrouve joie et splendeur.

Sa femme, Mariam, et sa mère n’ont plus de larmes. « Pendant les deux premières semaines c’était difficile, mais aujourd’hui on n’a plus de larmes », dit sa mère avec force. Et d’ajouter : « Mon fils n’avait jamais eu affaire à la police. Il n’avait jamais été interpellé et n’avait jamais  déposé plainte contre quelqu’un. Son père est décédé pendant qu’il est en prison à cause de la douleur, pas parce que son fils est incarcéré mais parce qu’il était convaincu de sa loyauté ».

En prison, il est respecté par les matons. Toujours en boubou blanc, il ne cesse d’égrener son chapelet en attendant désespérément la fin de la grève des magistrats.

H. Koné   

 

P. S. : Nous avons utilisé des initiaux pour désigner le prisonnier car il a voulu qu’on protège son identité au risque d’avoir une grave peine en prison. C’est pour les mêmes raisons que nous n’avons pas dévoilé le tribunal où se trouve son dossier.

Le Focus

 

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