Il a fallu huit coups d’état militaires à cause de la mauvaise gouvernance pour que le géant de l’Afrique, la République fédérale du Nigeria retrouve le chemin de la démocratie et de la stabilité. Le premier pronunciamiento remonte à l’assassinat du l’unique Premier ministre de l’histoire du Nigeria Aboubacar Tefawa Balewa en 1966.
Bola Ahmed Tinibu qui est devenu le principal artisan de la création de la task force anti-putsch peut –il se poser en donneur de leçon dans la sous-région quand on sait que le pays a connu une sanglante guerre civile entre 1967 et 1970 suite à la tentative de sécession du Biafra conséquence de l’accession au pouvoir du Major général Johnson Aguiyi Ironsi On connait la suite et l’implication de certains chefs d’Etat comme Oumar Bongo Odimba et Félix Houphouët Boigny en complicité avec Jacques Foccart et le président Charles De gaulle qui ont œuvré dans le sens du morcellement du Nigeria en plusieurs petits Etats. Heureusement que celui qui pouvait jouer un rôle central dans ce dessein machiavélique, le président du Cameroun Ahmadou Ahidio a dit niet et Emeka Ojukwu, le leader indépendantiste a été contraint à l’exil. Rappelons que le début de la démocratie au Nigeria a connu bien des zones de turbulences. En 1993 lors de la deuxième élection présidentielle de l’histoire du Nigeria après la victoire de Shehu Shagari en 1979 qui a vu la victoire du milliardaire Moshood Kashimawo Olawale Abiola, le processus est interrompu. Au lieu de remettre le pouvoir au vainqueur le général Ibrahim Babangida lui préfère Ernest Shonekan pour diriger une transition de courte durée puisque Sani Abacha s’emparera du pouvoir. A la même période la démocratie malienne était citée en exemple. Même si le président Alpha Oumar Konare a dû faire face à une terrible contestation intérieure et affronter plusieurs mouvements rebelles dans le nord du pays, il a pu sauver le pays du syndrome rwandais. A la même période, impitoyable, le général Abacha procède à l’exécution de l’écrivain et écologiste Ken Saro Wiwa membre de la communauté Ogoni qui voyait d’un mauvais œil l’exploitation anarchique du pétrole dans sa région natale. Le président Sani reste sourd malgré les protestations de la communauté internationale plus particulièrement le Commonwealth qui suspend même le géant de l’Afrique. Paradoxalement, le président Alpha Oumar Konare entretenait des très bons rapports avec ce président que le monde occidental avait voué aux gémonies. Avant sa mort en 1998, le président Konare a effectué plusieurs visites au Nigeria. Il n’est pas rare d’entendre dans les conversations que Sani aurait fourni des tonnes de pétrole au président Konare qui seraient tombés entre les mains de certains operateurs économiques. Si, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée connaissent des ruptures constitutionnelles la CEDEAO doit plutôt diagnostiquer le mal et en prescrire le remède approprié. Au Mali et au Burkina Faso au delà de la corruption l’insécurité a contribué à la chute des présidents feu Ibrahim Boubacar Keita et Roch Marc Christian Kabore. Ce faisant l’organisation sous-régionale devait agir en conséquence à travers une force de réaction rapide pour traquer les terroristes plutôt que de mettre sur pied une force pour lutter contre les coups d’état militaires qui ont parfois l’adhésion de la vox populi. Cette force fera plutôt des victimes civiles au lieu de démettre le pouvoir kaki en place. La seule façon de bannir les coups de caserne est sans doute la satisfaction des populations et le respect de l’ordre constitutionnel comme en Côte d’Ivoire. Pour ce qui est du cas de la Guinée l’ancien légionnaire Mamadou Doumbia a fait le ménage. La CEDEAO, l’Union africaine, les Nations Unies ne pourront sauver la démocratie qu’en exigeant la bonne gouvernance comme seul facteur. Mais , elles ne feront que compliquer les choses en fermant les yeux sur les régimes qui persécutent leurs peuples pour servir les intérêts de l’occident peu regardant sur la question des droits l’hommes quand , il s’agit de diamants , de pétroles, de l’or et autres pierres précieuses .
Les critiques sont toujours objectives quand, il s’agit de l’autre. Gendarme incontesté de l’Afrique de l’ouest, le Nigeria a contribué à la stabilisation de la sous-région par le truchement de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest ( Ecomog en français et Ecowas en anglais) et sa branche armée la force ouest africaine d’interposition appelé casques blancs . Dans un passé récent cette force a efficacement intervenu au Liberia. Nous sommes en 1990, le Liberia est plongé dans une sanglante guerre civile qui étale au grand jour la rivalité entre les autochtones et les anciens esclaves affranchis revenus des Etats Unis. Non content de la mort tragique du président William Tolbert en 1980 orchestré par le sergent chef Samual Kanyan Doe, Charles Gankaye Taylors un ancien braqueur de banque prend le maquis et met en place le Front patriotique national du Liberia. Pour séparer le président Samuel Doe et son rival Charles Taylor avec l’aval des chefs d’Etat de la CEDEAO, l’Ecomog dominée par le Nigeria intervient, histoire de soulager les populations civiles prises en otages dans cette tourmente et de contraindre les deux rivaux à négocier. Comme un feu de forêt la guerre civile gagne la Sierra Leone voisine où le président Joseph Momoh tente d’éteindre l’incendie en dépêchant un contingent des troupes gouvernementales. Il est renversé accidentellement par le jeune capitaine de 26 ans Valentine Strasser parce que l’armée sierra léonaise ne parvenait pas à contenir les combattants du RUF dirigé par le caporal Fodé Sankoh et le sinistre général Sam Bockarie dit Mosquito créateur du terme manche longue et manche courte. C’est dans cette atmosphère de guerre civile que l’actuel président, le général Julius Maada Bio de la Sierra Leone s’empare du pouvoir et chasse Valentine. Comme l’ancien président Amadou Toumani Toure, il va organiser des élections générales et Ahmed Tejan Kabbah est élu président de la République. Il n’aura pas le temps de s’asseoir dans le fauteuil présidentiel. Il est renversé par Johnny Paul Koroma des forces armées révolutionnaires pour la réconciliation avec le soutien des combattants du RUF et contraint de se réfugier en Guinée Conakry pour sauver sa peau. Le tout puissant président du Nigeria, le général Sani Abacha ordonne à la force ouest africaine d’interposition de marcher sur la capitale Freetown et d’en chasser les deux groupes rebelles qui sont obligés de se replier. Les deux groupes rebelles reviendront avant d’être chassés pour de bon grâce au soutien des chasseurs traditionnels kamajors, de ce qui restait des troupes gouvernementales, de l’Ecomog et d’un contingent britannique appuyé par des casques bleus. Tout comme au Liberia, les occidentaux ont laissé la situation pourrir à cause du bois, du diamant, des plantations d’hévéas en Sierra Leone. Dans sa longue marche vers la démocratie le Nigeria a connu plusieurs chefs d’Etat après la mort du Premier ministre Aboubacar Tefawa Balewa , Nnamdi Azikiwe, Johnson Aguiyi Ironsi, Yakubu Gowon , Murtala Mohamed , Olusegun Obasanjo, Shehu Shagari, Muhammadu Buhari, Ibrahim Babangida, Ernest Shonekan , Sani Abacha , Abdulsalami Aboubacar , Olusegun Obasanjo, Umaru Yar’ Adua , Goodluck Jonathan , Muhammadu Buhari, Bola Tinubu. Rappelons que parmi ces dirigeants cinq ont été tués, il s’agit d’Aboubakar Tefawa Balewa, Nnamdi Azikiwe, Johnson Aguiyi Ironsi, Murtala mohamed et Sani Abacha. Le Mali aussi connaitra ses moments de gloires et il en sera ainsi.
Badou S. Koba
Le Triomphe