Selon la Cheffe du projet « causeries éducatives » de Yeleen : « nous avons mené beaucoup de causeries éducatives dans la lutte contre les VBG. Cela s’explique par le fait que dans ces violences, il y a beaucoup de thématiques dont on peut parler. Ce qui fait que nous abordons les thématiques en lien avec le viol, les mariages précoces, l’excision, l’autonomisation des participantes, la santé de la reproduction… ». Ces causeries constituent un espace de partage d’expériences et d’informations permettant à des couches féminines de connaitre leurs droits.
A ses dires, elles ont eu lieu dans toutes les six communes du district de Bamako, ainsi que sur certains sites des déplacés, certains quartiers périphériques de la capitale malienne. « Nous avons notamment mené des causeries sur le site des déplacés de Tintimboubougou, dans la commune rurale de Baguineda, dans le cercle de Kati », confie la Cheffe du projet. Aussi, dit-elle, l’association a tenu plusieurs causeries au sein de la Maison de la Femme de Bamako au profit des femmes, des filles et même des garçons pour les aider à ne pas stigmatiser les filles durant la période menstruelle. Ces causeries constituent un cadre d’échange qui est différent des autres et permettent surtout de redonner confiance aux bénéficiaires afin d’échanger sans tabous sur leurs problèmes, selon Fanta.
Des changements obtenus
Via l’initiative, les participantes arrivent à exposer librement leurs problèmes et l’association arrive à leur donner des pistes de solutions. La méthode est également en train de les aider sur le plan physique et psychologique, rajoute la responsable du projet. Puis d’enchaîner : « Par rapport à un sondage qu’on a mené, on a vu que les jeunes ont non seulement aimé ces causeries, mais ont aussi vu que la lutte pour la promotion de leurs droits est un combat noble. Il y a des jeunes qui ont même rejoint Yeleen. Donc, le changement obtenu est visible puisque les mêmes personnes sensibilisent d’autres femmes et filles au sein de la société ».
Aux causeries, le nombre de participantes dépend de la thématique du jour. Pour les causeries de masse, explique la Cheffe, l’association peut mobiliser jusqu’à 100 ou 200 participantes, alors qu’elle se limite à 25 ou 30 participantes dans d’autres cas. Tout dépend de la thématique et de la cible du jour, clarifie Fanta en précisant que l’objectif est de faire passer le message aux victimes des VBG. Quant à Aïssata Bocoum, Présidente de Yeleen, « de 2022 à nos jours, nous pouvons dire que nous avons touché environ 2000 personnes à travers ces causeries ». En tant qu’élue de la commune I de Bamako, Korotoumou Traoré trouve que l’initiative contribue à la lutte contre les VBG. « A travers ces causeries, les femmes ont pu comprendre que leur statut est à la fois incontournable et primordial au sein de la société. Elles ont pu également comprendre que leur autonomisation peut être un facteur d’atténuation des violences basées sur le genre », témoigne l’ancienne Chargée de mission du Ministère de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. De nos jours, les femmes sont en train de se sensibiliser au niveau des quartiers.
Et Korotoumou d’affirmer avoir eu des échanges avec certaines bénéficiaires de l’initiative. Lesquelles ont, confie-t-elle, annoncé avoir évité certaines violences envers elles et d’autres femmes grâce aux explications données lors des causeries. L’initiative leur a surtout permis de prendre conscience au sujet du mariage précoce des filles, explique l’élue communale.
Le satisfecit des bénéficiaires
A Missabougou Sema I, en Commune VI de Bamako, Djénéba Diallo fait partie des bénéficiaires. Elle confirme avoir appris beaucoup de choses grâce à ces causeries. « J’ai participé à beaucoup de causeries qui m’ont permis de devenir auditrice de l’association Yeleen aujourd’hui, alors que je ne pouvais pas m’exprimer devant le public auparavant. Mais, actuellement, je suis apte à prendre la parole en public. Ça m’a permis de comprendre pas mal de choses dans les violences basées sur le genre, la masculinité positive… ». Aussi, Mme Diallo témoigne être actuellement capable de plaider pour les femmes grâce à l’association. Quant à la famille, ajoute-t-elle, « ça a apporté beaucoup de changements. Je participe aux débats et à d’autres activités grâce aux causeries combien importantes pour la promotion et la défense des femmes ».
De son côté, Coumba Diagouraga, une des bénéficiaires de Boulkassoumbougou, dit que l’initiative l’a vraiment libéré de certains problèmes. « Elle m’a personnellement permis de comprendre les différentes sortes de violences faites aux femmes, alors que je ne connaissais que les violences physiques. L’initiative m’a libéré et permis d’exposer mes problèmes qui ont pu être résolus ». Et d’indiquer : « J’aimais frapper mes enfants auparavant, mais les causeries ont fait que je priorise une autre méthode de correction qui n’est pas la violence. Dans ma famille, on me surnomme l’avocate des femmes, parce que je n’accepte plus certaines violences ».
Aussi bénéficiaire, Ramata Samaké de Sébenikoro Sema II, en commune IV de Bamako, trouve très délicate l’initiative. « J’ai découvert d’autres formes de VBG, telles que le viol, les agressions physiques (…) grâce à ces causeries qui m’ont beaucoup aidé dans mon foyer. Je me reconnais parfaitement dans l’initiative qui a apporté des changements dans ma vie. Je suis présentement motivée et engagée pour la lutte contre les VBG grâce à ce projet », rassure Mme Samaké.
Dans la lutte contre les inégalités liées au genre, le Mali s’est, depuis 2011, doté d’une « Politique Nationale Genre du Mali (PNG-Mali) », tirant sa légitimité d’un ensemble d’instruments juridiques nationaux, notamment la Constitution du 25 février 1992, les instruments africains et internationaux.
La PNG-Mali constitue la feuille de route que le pays entend suivre pour relever son niveau de développement humain, engager l’Etat et toute la société à améliorer l’impact des politiques publiques, voire maximiser les ressources nationales disponibles afin que les maliennes et les maliens puissent développer leur plein potentiel et contribuer au bien-être collectif. Cela, tout en étant des citoyennes et des citoyens égaux en droits et en devoirs. Cette politique étatique semble être parfaitement comprise par les responsables de Yeleen et leurs partenaires. Dans la lutte contre ces inégalités et particulièrement contre les VBG, l’association a mené diverses activités de 2022 à nos jours.
Mamadou Diarra
« Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED ».
Source : LE PAYS