L’espoir né de la lutte contre les prédateurs des fonds publics a été de courte durée. Après les arrestations liées à l’achat des équipements militaires, la machine de la lutte contre la corruption et la délinquance financière est en panne. Le citoyen lambda, dont l’attente sur ce dossier était grande, ne sait plus à quel se vouer. Et les délinquants financiers se la coulent douce dans leurs salons feutrés et palaces construits sur le dos de leurs concitoyens. Au point d’exaspérer les femmes et les hommes qui ont donné leur vie pour l’avènement d’un Mali de rupture avec la mauvaise gouvernance des démocrates mafieux.
Après la sécurité, l’une des grandes attentes du peuple malien sous la transition des colonels qui ont parachevé l’œuvre patriotique des femmes et des hommes du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), le 18 août 2020, est sans nul doute la lutte sans merci contre la corruption et la délinquance financière, un raccourci qui a permis aux vrais faux démocrates de piller le Trésor public dans l’impunité la plus totale. Et pour répondre à cette exigence dans le but de bénéficier d’un soutien populaire au sein de la population malienne pour mener à bon port la transition sans le peuple sur son dos, les auteurs du coup d’État n’ont pas hésité à transmettre des dossiers brûlants de détournements de deniers publics à la justice pour montrer leur bonne foi dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Ainsi, ceux qui se croyaient au-dessus de la justice et intouchables ont été les premiers à faire les frais de l’opération déclenchée dans le cadre du combat implacable contre le détournement des fonds publics. À commencer par Soumeylou Boubèye Maïga, ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants, Mme Bouaré Fily Sissoko, ancien ministre de l’Économie et des Finances, Mahamadou Camara, ancien ministre de la Communication. Ils ne se sont pas arrêtés aux ministres. Des arrestations ont été opérées dans le rang des élus communaux. Elles ont concerné Adama Sangaré, le maire du district de Bamako, Yoro Ouologuem, maire de la commune de Kati et deux de ses adjoints, Issa Guindo, ancien maire de la commune IV.
Les arrestations des anciens ministres du président IBK dont les noms sont liés à l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel avaient suscité un grand soulagement au sein des masses populaires maliennes qui croyaient à un véritable début de nettoyage de la vie publique. Mais surtout celles de certains maires qui se sont rendus coupables des crimes fonciers à Bamako et à Kati. Elles ont été un soulagement pour la population malienne qui ne rêvait que de la mise en marche de la redoutable machine contre les bandits à col blanc. Les anciens ministres Maïga et Sissoko ont été inculpés par la Cour suprême d’escroquerie, de faux, usage de faux et de favoritisme. On se rappelle que l’achat de l’avion présidentiel date de 2013-2014. Avec leur inculpation, les langues avaient commencé à se délier. Les uns avaient adressé un satisfecit aux autorités de la transition pour avoir mis aux arrêts des gens adossés à l’impunité. Les autres sont restés prudents. Ils estimaient que les arrestations consistaient à détourner l’attention des Maliens sur leur quotidien.
Avec la publication du rapport en 2021 de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI), un autre espoir était né dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Le rapport a dépassé tout entendement et a laissé beaucoup de nos compatriotes sur le carreau qui ne croyaient pas à leurs yeux tant le détournement des fonds publics avait atteint des proportion jamais égalées dans notre pays. Il relève que des gens se sont octroyé des salaires à hauteur des millions de F CFA et d’autres avantages faramineux. L’avantage du rapport de l’OCLEI a montré la profondeur de la corruption dans les services publics maliens. Des milliards de F CFA du contribuable malien ont pris des destinations inconnues. Et le peuple malien n’attendait qu’un retour de l’ascenseur pour que les coupables de ces forfaitures soient punis conformément à la loi. Mais hélas !
Un autre espoir était né à l’occasion d’une rencontre entre les membres du Conseil supérieur de la magistrature et le président de la transition Assimi Goïta. C’était le 14 septembre 2021 à Koulouba. Il a déclaré en substance: «Il n’y a pas d’État fort, sans une justice forte». Plus loin, il dira que: «Des hommes sont prêts à vendre leur nation pour leurs propres intérêts». Qu’à cela ne tienne, la lutte contre la corruption se poursuivra: «Il s’agit de la volonté du peuple on n’a pas d’autres choix que de l’exécuter». Enfin, il a laissé entendre que la lutte contre la corruption sera sans état d’âme et sans esprit de recul.
Même ton martial à l’occasion de son adresse à la nation le 22 septembre 2021. Le colonel Goïta poursuit qu’à travers la lutte contre la corruption et la délinquance financière qu’aucun privilège ne sera accordé aux personnes impliquées.
Mais hélas ! La montagne a accouché d’une souris. Les discours ont atteint leurs limites objectives. Et la lutte anti- corruption annoncée à grand renfort médiatique marche à reculons ainsi que la machine qui est sérieusement grippée à ce stade du combat contre les voleurs de la République. Les rapports des structures de contrôle semblent être mis dans les tiroirs pour des raisons dont ignore encore le commun des mortels. Et le doute est en train d’être semé dans les esprits des Maliens quant à la poursuite de la lutte contre la corruption et la délinquance financière.
Les autorités de la transition sont interpellées pour poursuivre la lutte contre les prédateurs de notre économie nationale afin de satisfaire la soif du peuple malien qui réclame justice depuis le 26 mars 1991.
Yoro SOW
Source : L’Inter De Bamako