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Lutte contre la corruption au Mali : Insuffisance de volonté politique réelle

Les défis sont énormes devant l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite. Déjà, certains de ses membres ont rendu leur démission. À cela s’est ajoutée, tout dernièrement, l’opposition de certains cadres de l’Etat à se soumettre aux formalités qu’exige la cellule de lutte pour la transparence dans la gestion des affaires publiques. Le mal ayant déjà pris racine, il s’avère aujourd’hui normal de détourner le bien public.

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Pour l’ancien Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, Daniel A. Tessougué, «les autorités n’ont jamais eu une véritable volonté de lutter contre la corruption. Tout ce qui est fait, c’est pour distraire le peuple et l’endormir davantage». Avant de déclarer que «le moustique ne fabriquera jamais l’anti-moustique». Pour lui, «ce n’est pas un problème de textes, mais plutôt celui lié au système politique en place dans le pays depuis des décennies». Il croit savoir que le meilleur système de lutte contre la corruption est celui qui empêche les individus de prendre l’argent de l’Etat. Selon lui, dès que quelqu’un a pris le denier public, sa répression devient difficile. «Avec l’argent, il procède à des corruptions dans le système et échappe à la justice, souvent complice», a-t-il déclaré.

La faiblesse des dotations budgétaires allouées au ministère de la Justice pour prévenir et lutter contre la corruption

On comprend mieux la grève illimitée des magistrats début 2017, réclamant un traitement raisonnable répondant à leurs obligations. Avec un budget annuel de moins de 1% de la loi de finances, l’on se demande comment les magistrats pourraient mieux jouer leur partition dans la croisade contre la corruption et échapper à leur tour à la corruption. L’état de dénuement total  de la justice, le faible niveau de rémunération des magistrats, eu égard à leurs homologues de la sous-région,  l’émergence des nouvelles formes de corruption imposées par les Nouvelles Technologies de l’Information (blanchiment d’argent, cybercriminalité) sont autant de défis à relever par le gouvernement afin de mettre l’appareil judiciaire dans un minimum de conditions pour traquer les corrompus et les corrupteurs.

 Le facteur humain

Il tient à la fois à la formation des hommes et à leurs mentalités. Outre les comptables publics dont la formation est insuffisante, certains des agents des services de l’assiette de l’Etat n’ont pas la formation adéquate. En effet, l’ENA de Bamako ou les différentes facultés de droit n’ont jamais formé de fiscalistes, un exemple parmi d’autres !

Par ailleurs, dans l’évolution politique récente du pays, outre qu’elle n’a pas permis d’asseoir des habitudes de bonne gestion, cadres et employés bénéficient moins de plan de carrière, pouvant être source d’abnégation. Un certain nombre de traits de la mentalité de l’immense majorité des Maliens sont en cause. On peut citer, entre autres, un interventionnisme de mauvais aloi, de tous les instants et à tous les niveaux, tendant à faire échec à la loi ; une volonté implacable à se servir plutôt que de servir l’Etat. Ce qui conditionne un incivisme de tous les instants et un effroyable irrespect du bien public ; une mentalité d’affairistes «être dans les affaires, de préférence juteuse ! Mentalité qui conditionne la corruption et se nourrit d’elle, oblitérant le travail bien fait, l’effort et le mérite au profit de la recherche effrénée de gains illégitimes et d’argent facile» ; une très forte propension à faire le contraire de ce l’on professe et cela à tous les niveaux de la société, singulièrement chez certains leaders politiques ou d’opinion.

La  banalisation  de la corruption dans la société malienne

Pour le Conseil national de la société Civile (CNSC), elle est devenue un fait accepté, sinon toléré de la part du citoyen qui s’en accommode, embarqué malgré lui dans un cercle vicieux. Elle risque de s’attaquer aux fondements mêmes de la nation. D’un point de vue social, l’argent sale est passé du «honteux» au «digne» : les corrompus sont carrément applaudis par le citoyen.

Malgré, devrait-on dire, la profusion de structures de contrôle : la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA), le Vérificateur Général, le Contrôle Général des Services Publics (CGSP), l’Inspection des Finances (presqu’une structure jumelle au CGSP), les Inspections des différents départements ministériels (Agriculture, Intérieur, Tourisme…).

Parlant spécifiquement de la CASCA, elle n’est pas à proprement parler une structure de contrôle. Sa mission est de «tamiser» les rapports des différentes structures de contrôle adressées à la Présidence de la République en envoyant la partie «recommandations» à la Primature qui se chargera de les répercuter sur la structure contrôlée sous forme de note de service. Le volet «irrégularités» est transmis au Procureur du Pôle économique et financier. C’est à ce dernier de juger de l’opportunité de poursuite ou pas.

Dans le dispositif de contrôle, il y a aussi le Contrôle financier qui est une sorte de sentinelle des dépenses publiques. Malgré tout, l’ampleur de la fraude dans les services publics se passe de commentaire. Sur la période 2004-2010, le Bureau du Vérificateur général (BVG) a effectué 117 vérifications financières dans 79 entités. Ces vérifications ont mis en lumière plus de 383 milliards de Fcfa de manque à gagner pour le Trésor public. En 2011, le BVG a identifié lors de ses investigations une perte pour le Trésor public de l’ordre de 10,10 milliards de Fcfa. La culture de l’impunité !

À suivre…

Gabriel TIENOU

 

Source:  Le Reporter

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