L’Union européenne a signé un accord-cadre de coopération avec l’Ethiopie. Mais le pays est toujours en proie à de nombreuses violences.
La commissaire européenne aux Partenariats internationaux a signé mardi [3 octobre] un accord-cadre de coopération avec le ministre éthiopien des Finances. Ce document est censé ouvrir la voie à une “normalisation” des relations entre l’Union européenne et l’Ethiopie, mises à mal par les deux ans de guerre dans le Tigré. L’Ethiopie qui est pourtant loin d’être pacifiée.
Un accord sur trois ans
“Contribuer à la stabilité de l’Ethiopie, à la reconstruction post-conflit et à la reprise macro-économique du pays”. C’est l’objectif affiché par la Commissaire européenne aux Partenariats internationaux, Jutta Urpilainen, lors de la signature du document, à Addis-Abeba : “Le programme que nous lançons aujourd’hui est une enveloppe ambitieuse de 650 millions d’euros, soit environ 8,5 millions de birrs, pour la période de 2024 à 2027.”
En termes techniques, il s’agit d’un Programme indicatif multiannuel (MIP) de coopération. Ce type d’accord est renouvelé en général tous les sept ans, pour redéfinir les domaines prioritaires de coopération entre l’Union européenne et les pays et régions partenaires, en Afrique subsaharienne, mais aussi dans les régions Amériques-Caraïbes ou Asie-Pacifique.
Seulement voilà, le partenariat avec l’Ethiopie, vieux de quarante ans, avait été suspendu durant la guerre dans le Tigré, dans le nord du pays.
“L’UE a soutenu les efforts de réforme de l’Ethiopie, mais ce processus a été ralenti en raison de l’impact sur nos relations [du conflit dans le Tigré], a déclaré pour sa part le ministre éthiopien des Finances, Ahmed Shide. La signature du programme indicatif pluriannuel nous permettra de revenir à des partenariats de développement normaux.”
Des conditions économiques et politiques sont toutefois posées à la reprise de l’aide européenne.
Accord de paix mal négocié à Pretoria
L’Ethiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique et près de 17% de sa population dépend de l’aide alimentaire. L’aide onusienne et celle fournie par les Etats-Unis ont été suspendues en juin dernier, à cause de détournements.
Et le pays est toujours en proie à des violences internes.
L’accord de paix de Pretoria, signé en novembre 2022, a certes mis un terme au conflit dans le Tigré, mais les exactions commises durant cette guerre ne sont toujours pas cicatrisées.
Par ailleurs, les négociations de paix n’ont eu lieu qu’avec le TPLF du nord et le désarmement n’a été que partiel, alors d’autres affrontements meurtriers ont éclaté entre l’armée fédérale et des milices régionales comme les Fano (Amhara People’s Force) dans la région de l’Amhara, depuis le mois d’avril.
Les Fano reprochent notamment au gouvernement d’Abiy Ahmed d’avoir “propagé la corruption et l’extrémisme ethnique dans tout le pays”.
Au mois d’août, le Premier ministre Abiy Ahmed a déclaré l’état d’urgence dans la région de l’Amhara.
Yirga Gelaw Woldeyes, enseignant-chercheur au Center for Human Rights Education à l’université de Curtin, en Australie, dénonce les violences commises dans l’indifférence générale. Selon lui, “le gouvernement a coupé internet dans cette zone et on entend parler d’exécutions extrajudiciaires, de drones et d’attaques sur des civils innocents.”
La Commission nationale des droits humains, organe soutenu par l’Etat mais indépendant, a elle-même évoqué récemment des témoignages “extrêmement préoccupants” faisant état d’exécutions judiciaires dans la région de l’Amhara et d’arrestations arbitraires en Oromia et à Addis Abeba.
Yared Hailemariam, directeur du Centre éthiopien de défense des droits humains, analyse ainsi la situation : “Si le gouvernement et les autres parties en conflit ne parviennent pas à s’asseoir à une table pour régler leurs différends de manière pacifique, un nouveau conflit pourrait éclater qui plongerait l’Ethiopie dans un nouveau cycle de violences interethniques.”
La Commission internationale des experts des droits humains sur l’Ethiopie, créée en 2021, craint elle aussi une détérioration de la situation. Le gouvernement éthiopien a fait part en début d’année de son intention de déposer une résolution au Conseil des droits de l’Homme de l’Onu pour mettre fin au mandat de cette commission.
DW