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L’Opération Serval laisse un goût d’inachevé à Kidal

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Les Maliens, tout au long du premier semestre de l’année 2013, ne se sont pas lassés de remercier, et de congratuler la France, pour avoir libérer le Mali du carcan djihadiste. Nous  sommes depuis un certain temps déjà, aussi interrogateurs que perplexes devant la tournure  qu’a prise l’opération Serval à Kidal.

 

 

L’expression :  » la montagne accoucha d’une souris «  est inappropriée devant le cas de figure, quand on sait que la libération des 2/3 du pays fut effective. Il est plutôt correct de dire que Kidal devint une particularité à propos de laquelle la France garde un mutisme sournois. La boîte de Pandore céda avec l’interview accordée par le président François Hollande à France 24, RFI, TV5 MONDE le 7 décembre 2013. Il répliquait  au chef d’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keita, qui fit éclater sa colère dans le journal le Monde, à propos de l’imbroglio de Kidal. Hollande dit que : «  le président malien avait raison, et que le MNLA, un groupe qui avait prétendu à l’indépendance du nord Mali, a été un auxiliaire pour la reconquête. Le mot est lâché. Il poursuit :  » …la souveraineté du territoire suppose que les groupes déposent les armes, et rentrent dans un processus politique « .

 

 

 

Le MNLA fit la sourde oreille, et ne déposa pas les armes. Il ne s’engagea pas non plus dans  un processus politique.  Kidal passa depuis toujours pour une zone interdite aux ethnies noires, mais également aux forces armées maliennes. Renfloué par des rescapés de l’Aqmi, de l’Ansar-Dine, du Mujao qui échappèrent aux frappes et aux traques, le MNLA sévit dans le Nord-Mali. Des rockets tombent à Gao ; des soldats sautent sur des mines ; des attentats à la voiture piégée se multiplient ; ses éléments sont contrés et tués lors des razzias à Tombouctou et à Ménaka ; ils enlèvent véhicules et d’otages… Les médias maliens n’en font qu’une question d’information occasionnelle.

 

 

 

Le Mouvement touareg n’évacua pas le Gouvernorat et l’ORTM de Kidal de gaîté de cœur. Le chef de la Minusma Bert Koenders leur a  tenu un langage de fermeté. Le gouvernement malien s’était refusé lui aussi, de reprendre langue avec les  » Ag « , tant qu’ils occupent les édifices. Il a dû prendre son mal en patience pour ne pas embraser l’atmosphère. La France n’est pas étrangère à la chie-en-lit qui perdure  à Kidal. Elle coopéra avec un MNLA régénéré par ses soins avec des ramassis de djihadistes. Le Mouvement fascina l’Élysée par des chants de sirènes, et Paris en a fait sa dulcinée. Il le croyait capable de conduire les soldats français à des caches d’armes et à des preneurs d’otages. «  L’alliance contre nature – France-MNLA –  » perdure encore, et les Touareg en ont profité pour jeter l’opprobre sur l’armée malienne, et pour se livrer à cœur joie à des divulgations faites par un certain Moussa Ag Acharatoumane, que d’aucuns traitent de matamore. Cet homme confirma les accointances de la France avec le MNLA. Il déclara dans le journal le Monde que les militaires français doivent beaucoup aux rebelles ; qu’il y eut le parachutage de matériels  par la DGSE pour des commandants du MNLA ; que les frappes aériennes de Gao à Thigharghât furent réussies grâce aux coordonnées GPS fournies par son Mouvement. Il incrimina sans fioriture Jean Yves le Drian, ministre de la défense qui se justifia, en parlant de « …relations fonctionnelles au temps fort de la guerre… « .  » Ag «  rajouta :  » l’ambassadeur de France à Bamako, Giles Huberson était l’émissaire secret du Quai d’Orsay auprès du MNLA… « . La France, comme nous le constatons, ne pouvait pas, au regard de ces considérations, jeter le MNLA tels des zestes. L’arrêt brutal de la percée des bataillons maliens qui prirent Anéfis, et qui avaient Kidal dans le collimateur s’explique au travers de  » ces relations fonctionnelles  » dont parle ministre Yves le Drian.

 

 

 

La pesanteur des forces Serval et de la Minusma écrase sans nul doute les soldats maliens, qui restent confinés dans un fortin, pendant que les pick-up du MNLA sillonnent Kidal à folle allure, avec le drapeau de l’Azawad au vent. Des avanies nous sont infligées par le MNLA qui a la protection à peine voilée de la France. Fabius demande au président malien  » d’agir pour négocier avec les rebelles ? « . Qu’y a-t-il à négocier ? Un gouvernement qui se veut sérieux, ne négocie pas avec des rebelles qui ont perdu le sens de l’histoire, et qui n’ont ni légitimité ni mandat pour occuper de force une parcelle d’un patrimoine commun. Le président français sauva le Mali de la ruine et de la désolation, et il œuvra au retour de la liberté, de la paix, de l’autorité de l’État au Mali. Il couvre  à la stupéfaction des Maliens, des groupes armés d’un paternalisme paradoxal, qui contraste avec ses propos sur l’intégrité territoriale du Mali. Un ami, c’est aussi celui qui vous regarde en face, et vous tient un langage quelque peu acerbe. Le retournement de veste de la France en faveur des rebelles nous attriste. Hollande serai-il tombé dans le sillage de Nicolas Sarkozy, qui promit une aide diplomatique, économique et militaire au MNLA ?

 

 

 

Les rebelles usèrent de délation pour donner à l’Élysée une peinture des plus sombres de notre armée. Les soldats maliens furent naïvement considérés comme des soudards qui feraient pire à Kidal que les SS en Pologne. C’est oublier que les bataillons formés sous le contrôle de l’Union Européenne, et  l’expertise des Généraux François Lecointre…, ne pouvaient pas se comporter  dans l’Adrar des Ifoghas comme en territoire conquis. Très peu d’armées africaines ressemblent à celle du Mali qui observe l’humanitaire sur les théâtres des opérations. Si le retour de l’État et des forces armées était effectif à Kidal, les Touareg ne feraient pas une épuration ethnique qui vise les seuls  » nègres « . Ils ne pouvaient pas non plus rouler à tombeau ouvert dans les rues avec des crépitements intempestifs des armes. Les ministres n’y seraient pas lapidés ; l’avion du Premier ministre s’y poserait sans anicroche. Kidal est désormais un véritable taureau de Phalaris pour le pouvoir central, et pour  » nous autres ressortissants du sud ». L’opération Serval y a laissé un goût d’inachevé. Ceux qui prônent la négociation avec les rebelles, doivent comprendre que notre pays ne peut pas souscrire à des précédents fâcheux. Les Touareg qui réclament l’autonomie n’ont pas plus de droit au Mali que les paysans de Sagabari…

 

 

 

Marie Christine Saragosse, PDG de France Média Monde, veut toujours envoyer des reporters à Kidal. A mon avis, elle doit le convenir avec l’Élysée. Les Français y sont désormais des proies privilégiés pour les rançonneurs, et Paris entretient un flou artistique sur ses relations avec un Mouvement qui renferme des terroristes de tout acabit. Des journalistes à Kidal, c’est comme qui enverrait «  des condamnés «  au billot. Nos pensées vont à Claude Verlon et Ghislaine Dupont, reporters intrépides, sauvagement abattus le 2 novembre 2013 à Kidal par des  » maniaco-dépressifs « . Nous pleureront pour longtemps ces agents dont la vie fut brutalement arrachée.  » La mort a ceci de regrettable, c’est qu’elle n’offre aucune possibilité de réparation… «  

 

 

 

Le plébiscite d’Ibrahim Boubacar Keita procède d’un besoin d’homme à poigne ; de cet  » éléphant blanc « , qui serait susceptible d’enrayer définitivement l’insécurité du septentrion malien, et la guéguerre qui perdure à Kidal. Le chef d’Etat s’y est employé aussitôt investi. La conférence sur la décentralisation ; la main tendue aux rebelles ; les levées de missions sur le Nord ; les assises sur le développement accéléré du Nord-Mali ; sa participation à la conférence de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, attestent son engagement à ramener la paix à la maison. Cette débauche d’énergie dans les 100 premiers jours de sa prise de fonction, rentre en droite ligne avec  » son Mali d’abord « . Cependant, tout ne fut pas rose pendant ce laps de temps. Certains actes posés par le gouvernement n’ont pas rencontré notre adhésion. L’arrestation des putschistes du 30 avril 2012, sous prétexte que  » nul n’est au dessus de la loi « , est nettement en déphasage avec l’élargissement du principal instigateur du  » contrecoup d’État « .

 

 

 

La levée des mandats d’arrêt des égorgeurs d’Aguelhok, qui se sont mués en députés RPM,  contraste avec  » l’expression fétiche « . J’ai tout autre perception des douloureux événements que traverse le pays, et qui me porte à croire qu’il y a en réalité  » des gens qui sont au dessus de la loi « . Les familles et proches des victimes ont absolument droit qu’une suite soit donnée à leurs plaintes, et que justice leur soit rendue. Je ne leur ferai pas l’injure de dire que l’arrestation de ceux qui ont fait tant de charniers n’avait aucun caractère urgent.

Quand le pays est confronté à plusieurs défis à la fois, il se doit de choisir entre le nécessaire et l’indispensable. La sécurisation du territoire national, et les impératifs de développement sont toutes choses qui semblent l’emporter de nos jours, sur tout autre considération. Des esprits mal intentionnés ne veulent pas que le Mali redevienne un havre de paix. Le périple européen du mois de décembre 2013 du chef d’Etat, qui l’a conduit à Paris, à Bruxelles et à Berlin, lui a permis d’aller à meilleures tribunes, pour présenter la situation du septentrion malien aux partenaires européens, en vue de diligenter les décaissements nécessaires au développement économique, social et culturel du pays. Avec Hollande les discussions furent franches sur Kidal.

 

 

 

Il sensibilisa davantage certains pays d’Europe sur la nuisance des groupes armés dans les pays sahéliens : « …laisser croire qu’un soutien au MNLA peut conduire à résoudre les prises d’otages est d’une naïveté déconcertante… « , a-t-il dit. A Bruxelles,  Martin Schulz président du Parlement européen le rassura  du soutien de son  institution, quant aux solutions à apporter aux difficultés du Mali. En Allemagne, c’était des remerciements et des besoins exprimés.

 

 

Le président s’est plaint de la communauté internationale qui oblige son pays à négocier sur son sol, avec des gens qui ont pris des armes contre l’État. Il poursuivit :  » il ne saurait y avoir de négociation avant que les rebelles ne déposent les armes, et il n’y aura ni indépendance ni autonomie de Kidal… « . A Bamako il enfonça sans ambages le clou :  » Je ne négocierai plus avec les groupes armés… « .

 

 

 

Laurent Fabius, on s’en souvient, avait réagi lui aussi, aux coups de colère d’IBK : « … c’est au président malien d’agir pour négocier avec les rebelles touareg… « . Ce langage, telle une arête, nous a pris  en travers de la gorge. Il nous avait habitué à :  » … il ne saurait y avoir deux armées dans un Etat souverain… « . Le chef d’Etat malien peut-il  » agir  » pendant que les forces Serval s’opposent aux interventions de nos soldats à Kidal ? Elles ont réduit la taille du renfort de 300 à 165 éléments, et elles exigèrent des commandants, l’abandon des armes lourdes avant d’entrer dans la ville.

 

 

 

Bassolé du Burkina parlait de négociation sur France 24. Il oublia qu’on ne peut pas imposer à un président plébiscité, la conduite à tenir par rapport à des groupes armés, obnubilés par un désir effréné de s’affranchir du pouvoir central.  Quel est le pays qui accepterait volontiers de négocier l’abandon d’une partie de son territoire à des sécessionnistes ?  Les rebelles auraient dû mettre la visite du secrétaire général de l’ONU et du président de la Banque mondiale à profit pour déposer les armes, et de  » s’engager dans un processus politique « . Ils restèrent agrippés à une hypothétique autonomie de Kidal. Groupes versatiles, ils avaient déclaré leur  attachement à la  laïcité et à l’intégrité territoriale de la République. Puis c’était un «  statut juridique  » qu’ils réclamaient pour Kidal, 8ème région d’un Etat souverain.

 

 

 

Hollande, nous en sommes convaincus, lâchera du lest. Le MNLA se verra contraint de se résoudre à l’évidence, ou de voir l’étau se refermer sur lui. Notre immensité désertique a vécu dans le délaissement le plus total des décennies durant. La négligence coupable d’anciens chefs d’État AOK et ATT en était la cause.

Les narcotrafiquants en ont fait une zone de prédilection pour leurs activités illicites et criminelles. Sa reprise systématique en main exigera de nos autorités, l’implantation d’impressionnantes bases et de garnisons militaires, conséquemment équipées. Des avions de reconnaissance s’avèrent indispensables pour surveiller la totalité du désert malien. La libre circulation des personnes et des biens  dans le Nord-Mali me semble être à ce prix.

 

Moussa SANGARE

Professeur de philo-psychopédagogie   

SOURCE: L’Indépendant

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